La juridiction prud’homale de Montauban s’expatrie ce lundi 6 février en début d’après-midi vers une salle plus vaste, chez les voisins de Grande instance. Elle doit accueillir en audience de premier jugement 270 anciens salariés licenciés de l’usine Sylea-Valeo de Labastide-Saint-Pierre fermée en octobre 2003. Ils ont individuellement porté plainte contre le groupe équipementier automobile, considérant que le motif économique avancé par la direction n’est pas établi, que la procédure de consultation du comité d’entreprise est entachée d’irrégularités et que l’obligation de reclassement n’est pas respectée.
Après Évreux, Vire, puis Cahors dans l’été 2001, Sissonne, Dreux, Bellegarde, Labastide, la filiale Sylea du groupe Valeo a brutalement fermé tous ses sites de production de câblage électrique pour l’automobile - environ 2.500 emplois industriels ont été sacrifiés en France - pour transférer cette activité vers des pays à main-d’oeuvre sous-payée. Pour la seule année 2003, la direction de Valeo avait indiqué que «la part de ses sites en zones à bas coûts de production était passée de 25% à 41%». Aujourd’hui, le groupe affiche un effectif global de 72.000 personnes composées de 70 nationalités et réparti sur 130 sites. En France, l’équipementier n’emploie plus que 2.000 salariés sur son siège social, à Pontoise, et dans trois usines à Sablé, Saint-Fleurin et Brioude.
Plus de deux ans après la fermeture de l’usine de Labastide-Saint-Pierre, sur les 270 anciens salariés qui ont porté plainte, une centaine a retrouvé un travail en contrat à durée indéterminée. «Avec cependant une perte moyenne d’environ 500 euros mensuels», fait remarquer Claude Blatgé, délégué CFE-CGC. Cent autres sont toujours demandeurs d’emploi et les 70 restants ne connaissent que des contrats à durée déterminée ou l’intérim. Pour les deux sites de Sylea-Valeo qui ont fermé leurs portes en Midi-Pyrénées, les reclassements en contrats à durée indéterminée des ouvrières le sont pour l’essentiel dans l’aide à domicile pour les personnes âgées, des travaux de nettoyage, des emplois dotés d’un nombre variable et insuffisant d’heures travaillées. «Valeo était l’un des plus gros employeurs du département, les dégâts causés par ces licenciements boursiers dans les familles sont considérables : il y a des décès par maladie, des couples qui explosent», écrit Claude Blatgé.
Pour contester la réalité des motifs économiques mis en avant par les dirigeants du groupe pour licencier et fermer les sites en France, les anciens salariés de Labastide-Saint-Pierre vont rappeler quelques résultats financiers significatifs accumulés par le groupe. Pour la seule année 2003, le résultat net a progressé de 34% par rapport à 2002 et les dividendes versés aux actionnaires ont été revalorisés de 5%. Pour 2004, le résultat net a connu une hausse de 17% et les dividendes de 4,8%. Considérant que le motif économique n’était pas avéré, la justice a condamné à plusieurs reprises le groupe Valeo. En 2002, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel de Rouen estimant que la suppression du site Valeo «n’était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité du secteur signalisation de l’entreprise». L’été dernier, les Prud’hommes de Dreux ont également pris des décisions d’annulation de licenciements d’anciens salariés de l’usine située dans l’Eure-et-Loir.
(Source : L'Humanité)
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