Cette remise en cause était attendue. Elle reprend, pour la plupart, les critiques contenues dans les différents rapports sur le sujet. Le dernier, réalisé sous l'égide de Pierre Ferracci, PDG du groupe Alpha et spécialisé en conseil social, avait inspiré le document d'orientation gouvernemental transmis aux partenaires sociaux fin juillet. Les ministres en charge de l'emploi, Christine Lagarde et Laurent Wauquiez, y pointaient le manque de transparence dans la collecte des fonds, les inégalités dans l'accès à la formation et des financements inaccessibles aux publics les plus en difficulté.
Dans son rapport, la Cour des comptes va au-delà des préconisations gouvernementales. Elle propose une "mutualisation" plus importante des fonds considérables de la formation professionnelle qui représentaient, pour l'année 2006, quelque "34 milliards d'euros". Les magistrats dénoncent des "circuits financiers [...] excessivement cloisonnés et peu contrôlables" et relèvent le nombre trop important d'organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), évalué à une centaine. Derrière la critique, c'est tout le fonctionnement d'un système qui est pointé du doigt : nombre de ces organismes de collecte sont suspectés de contribuer au financement du paritarisme et des organisations patronales, CGPME en tête. Pour en réduire le nombre, la Cour propose d’"élever le seuil de collecte donnant lieu à l'agrément". Le gouvernement a souhaité, lui, fixer le plancher à 100 millions d'euros.
Actions prioritaires
Plus révolutionnaire, le rapport évoque la possibilité que "la collecte des fonds de la formation professionnelle et de la taxe d'apprentissage soit transférée à un organisme unique voire, aux URSSAF". Pour la Cour des comptes, ce mode de collecte aurait un double avantage : permettre une mutualisation plus importante des fonds qui profiterait ainsi davantage aux PME, et assurer "la transparence de la gestion" des OPCA. Une solution qui séduit le gouvernement mais inquiète les partenaires sociaux.
Dans des rapports précédents, notamment en 2007, les magistrats avaient dénoncé, concernant la gestion des organismes collecteurs, "des dépenses de personnel trop généreuses", des rémunérations et des indemnités "confortables" ou encore des "coûts informatiques mal maîtrisés". Les magistrats proposent aussi la création de "fonds régionaux pour la formation tout au long de la vie" dans lesquels seraient présents l'Etat, la région et les partenaires sociaux. Ils y décideraient des "actions prioritaires" de formation ou "présentant un intérêt régional marqué". La Cour des comptes évoque aussi, comme l'a fait le gouvernement, la suppression de l'obligation de financement d'une partie de la formation professionnelle. Cette proposition a déjà suscité l'inquiétude des syndicats.
Au final, insistent les magistrats, il faut une réforme profonde du système. "Si on n'avance pas sur la mutualisation des fonds en changeant le mode de collecte, la négociation actuelle sera un coup pour rien", prévient Marie-Thérèse Cornette, présidente de chambre à la Cour des comptes.
Déclaration commune
Les syndicats et les organisations patronales, qui avaient signé en 2003 un accord national sur la formation professionnelle — paraphé y compris par la CGT —, n'entendent pas pour autant se laisser dicter la réforme. Mis sous pression par le gouvernement qui leur demande de conclure avant la fin de l'année, pressés par la situation dégradée de l'emploi qui impose de préparer les salariés aux reconversions économiques, les partenaires sociaux se sont d'abord entendus sur une déclaration commune qui se veut une réponse au gouvernement. Ils y déclarent vouloir "prendre leurs responsabilités dans le cadre de l'autonomie de la négociation collective".
Au-delà de ces mouvements d'humeur, les négociateurs se sont fixé cinq rendez-vous pour discuter des enjeux de la réforme, des priorités d'accès à la formation, de la délicate question des moyens et de la gouvernance. La prochaine rencontre est prévue le 22 octobre.
Chiffres
Inégalités. A partir de 45 ans, le taux d'accès est très faible : moins de 15%. De même, les femmes accèdent moins à la formation que les hommes (écart de 4 points). Et la formation va aux mieux formés : un diplômé du supérieur sur deux a suivi une formation contre un qualifié sur dix. Enfin, le taux d'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle est de 13%, contre 34% pour les salariés.
Les PME désavantagées. Les entreprises versant le plus sont celles qui s'en servent le moins : les "2.000 salariés et plus" versent 11,3% des fonds levés par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et en dépensent 15,3%. Les "moins de 10" versent 13% des contributions pour 12% dépensés. Les "10 à 199 salariés" contribuent à 49,6% et n'en perçoivent que 46,5%.
(Source : Le Monde)
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