«Ils finiront bien par s’essouffler les anti-CPE», se persuade Dominique de Villepin, en prenant exemple sur son «camarade» de l’Intérieur qui, quelques mois plus tôt, avait laissé s’éteindre l’embrasement des banlieues après en avoir allumé la mèche.
Certes la poudrière n’a pas explosé en novembre dernier mais cette alerte a coûté cher, très cher à la collectivité. Outre les centaines de millions d’euros déboursés par les assurances (donc par nous-mêmes) pour indemniser des milliers de victimes (plus de 9.000 voitures brûlées) et pour reconstruire des dizaines d’écoles, d’entrepôts et entreprises incendiés, ces événements ont fait beaucoup de mal à la communauté nationale. Ils ont creusé plus encore les multiples fissures qui fragilisent l’édifice France.
Ils divisent la France pour mieux régner !
Les morceaux seront difficiles à recoller entre les habitants des quartiers sensibles et ceux des quartiers préservés, entre les jeunes sans travail et les policiers récompensés d’une prime de fin d’année pour «bons et loyaux services», entre les dirigeants politiques bien à l’abri dans les palais de la République et les élus locaux tentant de rétablir le dialogue sur le terrain des émeutes.
De Villepin et Sarkozy ont au moins un point commun : une fâcheuse propension à la pyromanie. Trois mois après la crise des banlieues, voilà que le Premier ministre s’engage sur les pas du Président de l’UMP, avec quelques nuances sur la forme mais une belle (et vraie) continuité sur le fond.
De Villepin privilégie les «connards» à la «racaille»
Au mot «racaille», Galouzeau de Villepin préfère le mot «connards», un qualificatif dont notre Premier ministre affuble les députés, comme le soutient à longueur de colonnes Le Canard Enchaîné. Donc les «connards» de l’Assemblée nationale (qui, rappelons-le, compte une majorité d’élus UMP) n’ont qu’à fermer leurs gueules. Déjà que l’Hémicycle n’est pas vraiment représentatif des diversités de la société française, il faut en plus qu’il la ferme… tout comme les syndicats. Voilà un homme qui a le sens du dialogue républicain et du dialogue social.
Les Laurel et Hardy du gouvernement
En novembre, Nicolas Sarkozy a réussi tout seul à mettre le feu aux banlieues. En mars, Dominique de Villepin fait aussi bien : c’est presque tout seul, avec une mesure pondue par quelques crânes d’œuf de son entourage, qu’il est en passe de mettre le feu aux lycées, aux universités et à l’ensemble du monde syndical qui n’avait plus trouvé de terrain d’entente depuis des années. Quelle aubaine !
Messieurs de Villepin et Sarkozy, ce sont les Laurel et Hardy de la politique. Numéro 1 et numéro 2 du gouvernement, c’est à celui qui se prendra le plus de tartes à crème sur le nez, sauf que là, les tartes ont été remplacées par des «bourre-pifs» (référence aux Tontons flingueurs) et par des cocktails Molotov.
Et, jusqu’à maintenant, Galouzeau de Villepin peut se vanter d’avoir de la chance, car ces jeunes présentés comme d’odieux casseurs sont bien plus sages que le furent leurs aînés. Dans les années 70, les ministres de l’Intérieur étaient contraints de promulguer des lois spéciales (appelées «anti-casseurs») pour tenter d’enrayer les phénomènes de violences urbaines bien plus explosifs qu’ils ne le sont actuellement.
Les «Autonomes» des années 70 sont-ils de retour ?
Dans les années 70/80, on appelait ces agitateurs des «Autonomes» qui pouvaient se réunir à 2.000 ou 3.000 le jour des grandes manifestations. Certains d’entre vous se souviennent certainement des charges d’Autonomes, casqués et armés de barres de fer, qui mettaient en déroute des escadrons de CRS lors des grandes manifs organisées à Paris à la fin des années 70, par les sidérurgistes lorrains ou par les opposants à l’extradition vers l’Allemagne de Klaus Croissant (l’avocat de la bande à Baader). On a encore en mémoire le fameux «casse» du quartier Opéra Saint-Lazare, où des milliers d’Autonomes saccagèrent toutes les boutiques de ce triangle d’or de l’industrie du luxe.
Vers la guérilla urbaine et l’insurrection populaire !
Les casseurs d’aujourd’hui sont bien gentils car moins déterminés que ne l’étaient leurs aînés très engagés politiquement dans la voie de la guérilla urbaine et de l’insurrection populaire (la génération «Star AC» est passée par-là).
Mais si Sarkozy et de Villepin continuent dans cette voie, ils vont finir par mobiliser pour de bon cette jeunesse qui aspire à renouer avec les grands mouvements de contestation des années 60 et 70. Et, comme ces deux-là accumulent les erreurs d’appréciation depuis des années, il est probable qu’ils réussissent ce joli coup : susciter l’insurrection !
Car entre la dissolution de l’Assemblée nationale en 1997 soufflée à l’oreille de Jacques Chirac par un certain de Villepin, et pour Nicolas Sarkozy : le soutien à Édouard Balladur (en 1995), la claque des élections européennes (en 1999), celle du référendum (en 2005), l’embrasement des banlieues (en 2006), pour ne parler que de ses principaux faits d’arme, on peut dire que nos Laurel et Hardy ont des CV bétons ! Pardon… bidons !
Yves Barraud
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