Les bénéficiaires d'allocations sociales sont-ils des profiteurs ?
Dans une campagne présidentielle où Nicolas Sarkozy oppose le choix du travail à celui de l'assistanat, L'Expansion s'attaque à l'idée reçue qui veut que les bénéficiaires des aides sociales vivent aux crochets de l'État.
Avec sa petite phrase sur le "cancer de l'assistanat", Laurent Wauquiez a beaucoup choqué voilà quelques mois. Il avait d'ailleurs été recadré par Nicolas Sarkozy. Mais, campagne électorale oblige, le président a fini par reprendre les idées de son ministre en proposant d'imposer des heures de travail d'intérêt général aux bénéficiaires du RSA. La dénonciation des "profiteurs vivant aux crochets de l'Etat" continue malheureusement de faire recette.
Pourtant, une plongée dans les statistiques des aides sociales suffit à battre en brèche cette antienne. Quelle que soit l'allocation, une part non négligeable des plus démunis renonce en effet à faire valoir ses droits. A la fin de l'année dernière, un chiffre choc a contribué à faire émerger le sujet : plus de 1,7 million d'allocataires potentiels du RSA, soit près d'un sur deux, ne le demandent pas. D'où une économie importante pour les deniers publics : 4 milliards d'euros, selon Philippe Warin, fondateur de l'Observatoire des non-recours.
Et il n'y a pas que le RSA... En la matière, l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) remporte la palme avec 75% de non-réclamation. Idem pour les tarifs sociaux de l'électricité : à peine un tiers des ayants droit en bénéficient. Quant à la CMU complémentaire, réservée aux plus défavorisés, si 80% des personnes ciblées l'avaient demandée en 2009, les 20% restants, évaporés dans la nature, représentent tout de même 1 million de bénéficiaires potentiels. Une étude de 2007 portant sur les RMIstes âgés de 25 à 34 ans avait montré que les prestations versées par les collectivités locales (aide alimentaire, aides aux loisirs, à la mobilité…) sont tout aussi concernées, avec des taux de non-recours allant de 10 à 90%. "Ce constat reste d'actualité", soupire Yannick L'Horty, économiste et fin connaisseur de ces dispositifs.
Des démarches complexes qui découragent les demandeurs
Pourquoi les plus pauvres renoncent-ils à ces coups de pouce ? Il y a la méconnaissance des allocations, bien sûr, mais pas seulement. La preuve : quand le ministère de la Santé mène une campagne d'information ciblée sur les bénéficiaires potentiels de l'ACS, il améliore le taux de recours de 5 points seulement. "Une chose est sûre : plus les personnes sont isolées, repliées sur elles-mêmes, moins elles réclament leur dû", constate Philippe Warin. De fait, la complexité des démarches — qui nécessitent souvent un accompagnement — achève de les décourager. Une réforme du RSA, allant vers plus de simplification, vient d'être adoptée. Mais il est trop tôt, selon les experts, pour en évaluer la portée.
[…] "La France reste quand même principalement dans un système fondé sur la demande. Cela introduit une notion morale : il faut en quelque sorte prouver que l'on mérite ces prestations", déplore Nicole Maestracci, présidente de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars). D'où un sentiment de stigmatisation, renforcé par le discours politique ambiant, qui explique aussi beaucoup le non-recours. Un paradoxe au moment où ces mêmes politiques prétendent également lutter contre la pauvreté.
(Source : L'Expansion)
Les bénéficiaires du RSA ne perçoivent pas de plus-value
L'échec du Revenu de solidarité active a déjà été mis en avant dans sa capacité de réinsertion sur le marché du travail. Une enquête publiée aujourd'hui démontre que les bénéficiaires s'estiment également perdants en matière de revenus.
Le RSA, mis en place en 2008, reste mal compris de ses bénéficiaires qui en perçoivent peu les effets et doutent de la plus-value apportée par le dispositif, souligne jeudi une étude du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc). Cette enquête qualitative a été menée auprès de quelque 400 allocataires du RSA "activité", qui apporte un complément de revenus aux personnes exerçant une activité professionnelle, et du RSA "socle", qui a remplacé le RMI pour les personnes qui ne travaillent pas.
Selon l'étude conduite dans le cadre de l'évaluation nationale du RSA prévue par la loi, les bénéficiaires, notamment ceux du RSA "activité", "éprouvent une réelle difficulté à apprécier les effets de l'allocation sur leurs conditions de vie". "La plupart des allocataires n'ont pas le sentiment d'être véritablement gagnants", soulignent les auteurs de cette enquête. Ainsi, "même si on peut constater qu'il y a bien un effet de diminution de la pauvreté, il n'est pas ressenti par les bénéficiaires qui ont même parfois l'impression de perdre des revenus", indique Léopold Gilles, responsable du département d'évaluation des politiques sociales au Crédoc.
Selon l'étude, la complexité du mode de calcul de l'allocation ne leur permet pas réellement d'identifier sa plus-value par rapport au RMI. S'ajoute à cela "le sentiment d'une moins-value liée à la diminution de la prime pour l'emploi", qui est amputée des sommes reçues au titre du RSA, ainsi qu'à la perte immédiate de droits connexes en cas de reprise d'un emploi, généralement précaire et peu rémunérateur.
Par ailleurs, "les bénéficiaires n'ont pas le sentiment que l'accompagnement proposé puisse leur permettre une réelle insertion sociale ou professionnelle", ajoute Léopold Gilles : "Quand ils sont accompagnés par Pôle Emploi, ils s'estiment déçus de la nature de l'accompagnement". L'accompagnement et l'insertion professionnelle des allocataires restent le talon d'Achille du dispositif, avait reconnu le gouvernement en décembre.
Les effets attendus du RSA ont été limités par la crise, relativise toutefois le Crédoc. Près de deux millions de foyers le perçoivent, dont environ 1,3 million qui touche le RSA "socle".
(Source : L'Expansion)
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