Billal, 23 ans, habitant de La Paillade depuis toujours, en est absolument convaincu : «La zone franche, c'est que de l'arnaque. Les patrons s'installent ici pour bénéficier des exonérations, mais jamais ils nous embauchent.»
Beaucoup de gens partagent le sentiment de Billal concernant la fraude à la zone franche urbaine (ZFU) de Montpellier. Sur les 1.300 établissements présents à La Paillade, 285 (soit 2.100 employés environ) bénéficient d'exonérations de charges patronales. Ces entreprises sont tenues d'avoir un tiers de leurs employés domiciliés dans la zone. «Je suppose qu'il y a certaines entreprises qui utilisent la zone franche comme une simple boîte aux lettres, mais c'est très difficile à prouver», affirme Béatrice Vincent, coordinatrice à LAM (Lieux d'action multimédia), implanté à La Paillade. Idem pour Isabelle Mirabelle, coordinatrice du GEIQ BTP Hérault, un groupement d'une trentaine d'entreprises du bâtiment : «Dans nos réunions, j'entends des entrepreneurs qui se plaignent de concurrents qui ne remplissent pas toutes les conditions imposées par la zone franche.»
Fantasme ou réalité ? Certes, la fraude, si elle existe, ne concerne qu'une minorité d'entreprises, et probablement pas celles, très surveillées, installées sur le Parc 2000.
Aucun justificatif. D'autre part, cette fraude à la domiciliation des employés est difficile à prouver. En revanche, il existe des personnes dont le rôle est justement de lutter contre la triche : les contrôleurs de l'URSSAF, l'organisme public chargé de collecter les charges patronales ou d'accepter leur exonération. Contacté par le magazine La Gazette, l'URSSAF de Montpellier explique que «la domiciliation des employés est simplement déclarative», et qu'«aucun justificatif de domiciliation n'est réclamé lors de la déclaration annuelle des mouvements de main-d'oeuvre». Comment la clause de domiciliation est-elle alors vérifiée ? «Uniquement lors des contrôles de nos agents», répond Olivia Peyret, directrice adjointe chargée du contrôle, tout en admettant que «l'objectif d'un contrôle tous les trois ans n'est tenu que pour les grosses entreprises».
Selon l'URSSAF, en 2005, 26% des entreprises exonérées ont subi un contrôle (45% en 2004), et 3% des entreprises contrôlées ont fait l'objet d'un redressement (21% en 2004). Dans les faits, de nombreuses entreprises installées à La Paillade n'ont jamais été contrôlées.
Expert-comptable, Maram B. gère la comptabilité d'une centaine d'entreprises de la zone franche : «Un certain nombre d'entreprises ne jouent pas le jeu. D'autant plus que les contrôles sont largement insuffisants, en nombre, mais aussi en qualité. Pour l'adresse, le contrôleur vérifie seulement que celle inscrite sur la feuille de paye est celle mentionnée à l'Urssaf.» La fraude est alors facile : il suffit que le salarié dispose d'un ami à La Paillade qui accepte de recevoir son courrier, voire de lui signer un certificat d'hébergement.
Fictifs. Quant à l'obligation que le centre de l'activité soit à La Paillade, l'arnaque est d'autant plus facile que tout contrôle de l'Urssaf est annoncé trois semaines à l'avance par lettre recommandée (!). «Je connais des entreprises qui louent un petit bureau qu'ils n'utilisent jamais, sauf le jour du contrôle : ils y installent alors leur secrétaire pour la journée, font sonner le téléphone, accrochent au mur des calendriers de réunions, etc.», poursuit Maram B. La tour Mercure offre un exemple frappant de ces bureaux fictifs. «La plupart des locaux autour de nous ont leur volet tiré en permanence, raconte Boumediene Ben Ali, directeur de Defi, association d'insertion professionnelle installée au pied de la tour. Comme nous avons besoin d'espace, j'ai plusieurs fois téléphoné au propriétaire pour demander s'il avait des disponibilités. A chaque fois, on m'a répondu que tout était pris, et que les locataires payaient leur loyer.»
Pourquoi le contrôle sur la zone franche n'est-il pas plus rigoureux ? Gilbert Pastor, vice-président de l'Agglo, en charge du dossier de la ZFU, avance une hypothèse : «Le but du gouvernement est de favoriser coûte que coûte l'installation d'entreprises dans ces quartiers. Quitte à être moins sévère sur les contrôles...»
(Source : Libération)
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