C'était la manifestation de la dernière chance. Hier, malgré le froid, plusieurs milliers de Suédois sont descendus dans la rue pour protester contre la réforme de l'assurance-chômage.
Concocté par le gouvernement libéral élu en septembre, le projet de loi sera soumis au vote des députés le 20 décembre et pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier. Les syndicats dénoncent «une politique de classe» destinée à financer les baisses d'impôts promises par la nouvelle majorité.
«Paresseux». «Nous manifestons pour le droit de tous les salariés à la sécurité», a lancé hier à Stockholm Wanja Lundby-Wedin, secrétaire générale de la principale centrale syndicale, LO. Celle-ci accuse le gouvernement de vouloir «punir les personnes qui se trouvent en dehors du marché du travail». Et s'insurge contre «le préjugé de la droite selon lequel les chômeurs sont tous des paresseux qui ne font aucun effort pour trouver un emploi».
Le gouvernement, qui n'a jamais caché qu'il voulait «rentabiliser le travail», veut réduire le niveau de l'assurance-chômage pour remettre tout le monde au boulot : à partir de l'année prochaine, les demandeurs d'emploi ne seront indemnisés qu'à hauteur de 80% de leur ancien salaire pendant les 200 premiers jours de chômage. Puis ils ne percevront plus que 70%, et 65% à partir du 300e jour. En outre, les plafonds de l'assurance seront rabaissés. Et les Suédois devront travailler plus et plus longtemps pour percevoir la totalité de leurs indemnisations.
Le patronat soutient la réforme. «La moitié des demandeurs d'emploi sont aujourd'hui indemnisés à hauteur de 90% de leur ancien salaire, observe Stefan Fölster, économiste auprès de la Confédération suédoise des entreprises. Pour beaucoup, accepter un emploi moins bien rémunéré équivaut à une perte financière nette.» Albin Kainelainen, économiste chez LO, n'est pas de cet avis : «C'est une façon de faire du chômage un problème d'individu.» Sven-Erik Osterberg, député d'opposition et vice-président de la commission parlementaire chargée de l'emploi, met en garde : «Les gens vont hésiter à changer de travail. Le marché va perdre de sa flexibilité.» De plus, la réforme risque de presser le niveau général des salaires à la baisse.
Le gouvernement se défend, arguant qu'il ne fait qu'appliquer l'un de ses principaux engagements préélectoraux. Marchant sur les platebandes de la gauche, l'«alliance bourgeoise» n'a-t-elle pas été élue sur la promesse de défendre le «modèle social suédois» ? Et, pour réduire le nombre d'exclus du marché du travail - estimé à plus de 1 million de Suédois sur une population de 9 millions alors que le taux de chômage officiel est de 4,3% -, il entend baisser le niveau des indemnités.
«Risques». Les syndicats fustigent aussi la réforme du financement des caisses d'assurance-chômage, pris en charge jusqu'à présent à 90% par l'Etat. Le gouvernement veut tripler le niveau des cotisations des salariés à partir du 1er janvier. Leur montant variera en fonction du niveau de chômage dans la branche. «Plus les risques sont grands, plus l'assurance coûtera chère», résume Fredrik Ostbom, conseiller au ministère de l'Emploi.
Pour les syndicats, la menace est évidente. Les Suédois, syndiqués à 80%, risquent d'hésiter à payer une cotisation syndicale en plus de la cotisation aux caisses d'assurance chômage. D'autant que le gouvernement a décidé de supprimer les abattements fiscaux dont elles bénéficiaient. «Le risque, c'est que nous nous retrouvions avec un modèle à la française et des syndicats sans adhérents», déplore Albin Kainelainen.
Hier, Wanja Lundby-Wedin a défié la coalition libérale de s'attaquer «au mouvement syndical le plus puissant du monde». Hier midi, 240.000 personnes avaient signé la pétition s'opposant à la réforme.
(Source : Libération)
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