Les niveaux sont indécents. Cette année plus encore que l'année précédente et peut-être moins que la prochaine. Mais, pour la petite poignée d'employés de la finance, ces bonus qui tombent chaque année à Noël sont l'évidence même. Quand la Bourse s'envole, quand les entreprises fusionnent à tour de bras, l'argent coule à flots dans les grandes firmes financières. Et les montants des «pourboires» deviennent stratosphériques.
Jackpot. L'explication est aussi froide que celle de cet analyste de Wall Street qui requiert l'anonymat : «Les bonus découlent des profits. Les clients des entreprises de Wall Street ont trop d'argent. Nous nageons dans le capital. Il y a trop de capital disponible et pas assez de possibilités d'investissements. Les compagnies américaines se sont restructurées ces cinq dernières années. Elles réalisent à présent des profits colossaux.» Et c'est comme ça que, cette année, à Wall Street (selon les estimations présentées mardi par le contrôleur de l'Etat de New York), les bonus ont augmenté de 17% pour atteindre 23,9 milliards de dollars et de 30% dans les cinq principales firmes financières américaines (Goldman Sachs, Morgan Stanley, Merrill Lynch, Lehman Brothers et Bear Stearns). Ces dernières devraient distribuer 36 milliards de dollars en bonus à leurs 173.000 employés de par le monde.
Tous ne toucheront pas le même jackpot. Mais pour certains, c'est mieux que l'Euro Millions. Ainsi, Lloyd Blankfein, nommé en juin à la tête de Goldman Sachs, va recevoir 53,4 millions de dollars. C'est un record. Dans le lot, il y a 27,3 millions en cash, 15,7 millions en actions et des stock-options d'une valeur de 10,5 millions. A côté, son salaire de 600.000 dollars fait bien maigrichon. Mais il est vrai qu'à ces niveaux on se demande encore à quoi sert le salaire s'il faut des bonus pour récompenser le travail.
On connaissait déjà la chanson avec les rémunérations des grands patrons ainsi que l'argument qui va avec : contribution aux profits, prise de risques, etc. Comme si la même antienne ne valait pas pour tous les salariés oeuvrant aux bénéfices des groupes. Et Goldman Sachs, dont le cours de l'action a crû de 60% en un an, annonce cette année un bénéfice record de 9,5 milliards de dollars. Morgan Stanley ne se porte pas trop mal non plus, et la semaine dernière John Mack, son PDG, a empoché 41,1 millions de dollars.
«Symbole». Avec leurs Ferrari et leurs Bentley customisées, leurs hôtels particuliers de 5 millions de livres achetés cash sans sourciller à Holland Park ou Chelsea, leurs jets privés et leurs vacances à la Barbade, les jeunes et moins jeunes loups de la City de Londres n'ont rien à envier à leurs collègues new-yorkais. Michael Sherwood (41 ans), à l'origine de certains des plus gros contrats signés par Goldman Sachs, devrait apparemment recevoir à lui seul une prime de 20 millions de livres (30 millions d'euros).
Il n'est pas le seul : selon un rapport publié en octobre par le Centre de recherches économiques et financières de Londres, 4.200 des 335.000 employés que compte la City recevront cette année un bonus supérieur à 1 million de livres (1,5 million d'euros).
Ainsi va la vie dans la plupart des grandes places financières dont Paris, même si les choses s'y passent plus discrètement (lire en commentaire). Reste cette question posée par l'analyste de Wall Street : «Si vous avez une bonne carrière, vous avez déjà mis 10 millions ou 30 millions de dollars de côté. A quoi servent cinq millions supplémentaires ?» Réponse du même. «Pour les gens, ça devient un symbole, une confirmation qu'ils sont excellents dans ce qu'ils font.» Les 120 employés de ménage des locaux londoniens de Goldman Sachs qui ont lancé la semaine dernière une grève pour s'étonner qu'on leur refuse une augmentation alors que se déversaient ces milliards de dollars de bonus apprécieront.
(Source : Libération)
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