Plus d'un million et demi de salariés payés moins que le Smic, c'est possible, c'est légal et c'est même… courant ! C'est ce que révèle le rapport de la Direction générale du travail (DGT), selon Les Echos du 4 février. Sur les 45 branches examinées par la DGT, 35 utilisent des niveaux de rémunérations inférieures au salaire minimum. En tête du classement des secteurs épinglés par le rapport : le commerce alimentaire (640.000 salariés), les hôtels-cafés-restaurants (422.000 salariés), l'habillement (55.300) salariés, les grands magasins (43.000 salariés), mais aussi la chaussure, la parfumerie, les parcs de loisir ou encore l'édition. Motif ? Dans des branches comme le commerce alimentaire ou la restauration, le patronat entend ainsi protester pour obtenir certains allègements de cotisations...
Contacté par Marianne2.fr, le Medef n'a pas souhaité s'exprimer. Le rapport de la DGT doit être soumis au partenaires sociaux vendredi prochain. Aline Levron, secrétaire nationale à la Fédération des services de la CFDT, explique comment la condition des salariés a pu à ce point se dégrader.
Comment est-il possible que des salariés soient employés à un salaire inférieur au Smic ?
Aline Levron : Le Smic est effectivement le salaire minimum, mais ces situations n'ont rien d'illégal. Elles adviennent dans des branches où les négociations sur la revalorisation des salaires n'ont pas abouti. Par exemple, chez les succursalistes de vêtements, il n'y a plus de possibilité d'augmentation des salaires depuis 2000. Dans la grande distribution, c'est la même chose depuis 2005. Ainsi, un salarié qui a été embauché au Smic en 2005 dans un hypermarché gagne 1.243 € alors que le Smic, en 2008, est de 1280,07. Comme il est interdit de payer les salariés moins que le salaire minimum, cette personne touche une «prime différencielle» de 37,07 € qui comble la différence entre le Smic actuel et celui de 2005.
Donc, en réalité, ces salariés touchent bien le salaire minimum…
A.L. : Non, car cela signifie que leur ancienneté, entre autres, n'est pas prise en compte. Il n'y a plus de différence de salaire entre un gestionnaire de stocks qui peut revendiquer trois ans d'expérience, et une caissière nouvellement embauchée. Les salariés n'ont plus aucun intérêt à progresser dans l'entreprise. Ajoutez à cela qu'il s'agit de secteurs qui font énormément appel aux temps partiels. Chez les succursalistes de vêtements, dans la parfumerie ou la restauration, il faut gérer un flux de clientèle très variable. Dans la grande distribution, on recense 37% de temps partiels dans les hypers et plus de 70% dans le hard discount. Ces salariés touchent donc en réalité bien moins que le salaire minimum.
Il a fallu des années pour qu'on en arrive à cette situation. Ne faut-il pas y voir un échec du syndicalisme, incapable de faire valoir les revendications des salariés dans ces secteurs ?
A.L. : Non ! Nous avons poussé le dialogue jusqu'au bout. Ce rapport permet de mettre au grand jour des situations que nous avions déjà exposées. Mais jusque-là, les négociations s'étaient toujours faites en interne, secteur par secteur. Aujourd'hui, devant l'échec du dialogue, nous demandons à l'Etat d'intervenir. Avec les allègements de cotisations sociales, il dispose d'une manne énorme. Nous demandons au ministère du Travail de prendre ses responsabilités. La situation est extrême. Notre syndicat est résolument pour le dialogue, mais si ces négociations n'aboutissent pas, il faudra se résoudre à d'autres mouvements sociaux.
(Source : Marianne)
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