Ce «groupe d'experts» est piloté par Paul Champsaur, haut fonctionnaire marqué à droite. Depuis mai 2009, lui et ses acolytes [1] — des idéologues fort bien payés et à mille lieues de savoir ce que signifie vivre avec 1.117 € net par mois —, se chargent de pondre des rapports annuels régurgitant l'affirmation fallacieuse selon laquelle augmenter le Smic détruirait des emplois dans un contexte de «coût du travail» déjà beaucoup trop élevé... Une imposture qu'il faut impérativement dénoncer.
Ce qui nuit à l'emploi, c'est le manque d'activité
Et ce manque d'activité ne peut que s'accentuer quand, au nom d'une «compétitivité» aveugle, on réduit inlassablement le pouvoir d'achat des populations, entretenant le même cercle vicieux que celui qui a provoqué la crise des subprimes et son terrible effet domino, crise systémique majeure liée à l'explosion de l'endettement privé et des inégalités sociales.
Pour relancer l'activité, sachant que 80% de l'économie française s'appuie sur la demande intérieure (ce qui n'est pas une tare !), au lieu de persister dans la déflation salariale à l'origine de cette crise, il faut au contraire redonner du pouvoir d'achat aux ménages. On peut non seulement augmenter leurs revenus — rappelons que depuis le virage néo-libéral des années 80, 10 points de PIB ont été transférés des salaires aux profits —, mais aussi réglementer drastiquement un marché de l'immobilier gangréné par la spéculation et dont les prix, qui ont doublé en quinze ans, plombent le budget des Français.
Ecoutez Philippe Askénazy, spécialiste de l'économie du travail, expliquer pourquoi augmenter le salaire minimum ne menace pas l'emploi et la compétitivité en France :
Enfin, comme le démontre ici l'économiste Denis Clerc, les destructions d'emplois sont à chercher du côté de la crise et du fonctionnement du capitalisme, pas du côté du Smic.
Le «coût du travail» des Smicards est quasi nul
On se garde bien de dire que, grâce aux allègement Fillon sur les bas salaires (de 1 à 1,6 Smic), aubaine qui coûte chaque année 21 milliards d'euros à l'Etat, la France est non seulement championne du salaire minimum (notre taux de Smicards est le plus élevé des pays de l'OCDE) et son salaire médian se tasse à 1.675 € net par mois (la moitié des salariés français gagne moins), mais ses entreprises ne versent quasiment aucune cotisation sociale pour les Smicards (elles sont prises en charge par la collectivité). Donc, en l'espèce, ceux qui prétendent qu'une hausse du Smic augmenterait le prix du travail sont des menteurs.
Sans compter qu'à ces allègements va se greffer dès 2013 le CICE, «crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi» qui devrait réduire encore de 4% à 6% le prix du travail sur les rémunérations jusqu'à 2,5 Smic. Les salariés, eux, n'en verront pas la couleur : c'est l'entreprise, censée en faire bon usage, qui empochera le cadeau sans contreparties. Comble du cynisme, salariés et ménages devront financer en 2014 cette nouvelle niche via une hausse de la TVA, notamment de son taux intermédiaire qui sera augmenté de 3 points : outre la restauration et les travaux de rénovation des logements, les livres ou les tickets de cinéma, la TVA à 10% vise aussi les transports, les cantines scolaires ou les médicaments non remboursables. De quoi mettre toujours plus à mal le pouvoir d'achat des Français et, par ricochet, l'activité. On n'en sort pas !
Zéro coup de pouce au 1er janvier
Mais ces «experts» à œillères ne voient pas les choses ainsi. Suivant les recommandations du FMI, ils persistent à prendre le problème à l'envers, obéissant au bon vieux dogme austéritaire dont on sait où il nous mène. Sans surprise, ils préconisent “une gestion prudente des hausses de Smic” en “limitant le relèvement au mécanisme légal de revalorisation automatique”. En clair, ils recommandent au gouvernement d'éviter tout coup de pouce et de se cantonner à l'évolution des prix à la consommation… qui ne devrait pas excéder 1,9% cette année. La revalorisation du 1er janvier sera donc infime. Tant pis si, au 1er janvier, les prix du gaz (entre 2% et 3%), des timbres-poste (+2,8%) ou les tarifs des assurances — pour ne citer qu'eux… — augmenteront bien au delà.
Dans leur rapport, les «experts» s'opposent au projet de François Hollande d'indexer également le Smic sur une part de la croissance. Ils ont raison : cette énième promesse électorale totalement fumeuse est techniquement intenable. En la mettant dans son programme, Hollande pensait se débarrasser de la décision du coup de pouce… c'est loupé.
Autre préconisation de ces «experts» : envisager une évolution des règles qui prendrait en compte “l’homogénéité géographique” et “l’homogénéité du Smic selon l’âge” — bref, un Smic "à la carte" atomisé pour mieux l'enterrer —, mais aussi à remettre en question “le principe même d’une revalorisation automatique”. Ainsi rejoignent-ils l'une des préconisations des technocrates de Bruxelles qui, en avril dernier, ont pondu un texte visant à relancer l'emploi en Europe, notamment en créant des Smic à géométrie variable suivant les branches d'activité.
Heureusement que le mandat de ce «groupe d'experts sur le Smic», nommé par le gouvernement Fillon, arrive à expiration (il était prévu pour quatre ans). Un "Club des Cinq" qui ne manquera à personne.
SH
[1] Ils s'appellent Gilbert Cette, directeur des études économiques de la Banque de France et membre du Conseil d'analyse économique, Martine Durand, directrice adjointe de l'emploi à l'OCDE, Francis Kramarz, directeur du Crest et professeur à l'École polytechnique, et Etienne Wasmer, professeur d'économie à Sciences Po.
Ces gens, estimant que le Smic “n’est pas un moyen efficace pour réduire la pauvreté et les inégalités”, suggèrent de “s’appuyer sur des mesures fiscales et des prestations sociales ciblées [comme le RSA "activité"] plutôt que sur un salaire minimum élevé et uniforme”. Ils affirment également que “les allégements de cotisations sociales ont fait la preuve de leur efficacité [???] et doivent par conséquent être maintenus”... Objectif : soulager toujours plus les entreprises du «coût du travail» en le transférant progressivement sur la collectivité; un véritable détournement de fonds qui est, hélas, en bonne voie.
RAPPEL : Depuis juillet 2012, le Smic horaire s'élève à 9,40 € brut, soit 7,36 € net.
Le Smic mensuel brut s'élève à 1.425,67 € pour une durée légale de travail de 35h par semaine, soit 151,55 heures par mois. En net, cela ne fait plus que 1.117.73 €. Mais comme dit Gilbert Cette, “vivre avec le Smic à Paris n'est pas la même chose qu'à Guéret dans la Creuse. Cela mérite réflexion”, n'est-ce pas ?
www.smic-horaire.net
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Commentaires
www.gaullistelibre.com/2012/12/the-economist-il-faut-baisser-le-smic.html
Pour s'aligner sur le Portugal et la Grèce ? Répondre | Répondre avec citation |
maintenant merkel accepte de RAZ les dettes c'est pour dire. Répondre | Répondre avec citation |
La non revalorisation en fonction de l'inflation réelle rend ce revenu de plus en plus riquiqui et dérisoire.
Pas besoin de supprimer un revenu, une allocation il suffit de ne pas le/la revaloriser et on obtient le même résultat avec un peu de patience.
J'espère que toute cette inhumanité sera punie et que le concept de justice immanente a un sens. Répondre | Répondre avec citation |
Je rêve du jour où on leur demandera des comptes… Répondre | Répondre avec citation |
C'est aussi mon avis. C'est des gens absolument incapables de se mettre à la place de l'autre, une capacité indispensable si on veut garder une humanité.
J'ai oublié une chose qui m'a fait flipper. Un des journalistes de cette émission allemande a dit que la France serait obligé de faire une sorte de Hartz, sinon elle va être obligée de quitter l'euro dans les 5 ans. C'est un énoncé grave et personne ne l'a relevé, il a semblé se noyer dans un consensus général.
Cela signifie que ses "experts" veulent une Europe où tout le monde se fasse la guerre économique par une casse sociale généralisée. Répondre | Répondre avec citation |
J'ai le sentiment qu'on essaie de faire de l'Europe une sorte nouvelle Chine. Le seul moyen pour les capitalistes étant de diminuer les salaires pour maximiser toujours davantage leurs profits de merde. Répondre | Répondre avec citation |
Là vous aurez même des primes de chauffage de presque 5000€ net par an.
C'est ce qu'à un RSaste pour survivre toute l'année leur prime de chauffage à ses bâtards de bons à rien.
Ils parlent justent de la diminuer un petit peu …
On aura vraiment tout vu, dans ce pays de merde … incroyable mais vrai … Répondre | Répondre avec citation |
Ensuite, la meilleure manière de protéger le Salaire Minium c'est d'exiger une forte augmentation du RSA.
Il sera ensuite "non rentable " pour ces libéraux de payer moins les salaires et cela fera disparaître tous les postes mi-mi (mi temps, mi payé, mi salarié etc…)
La droite a parfaitement compris la chose et toutes composantes comprises (UMP des deux bords et FN) fait campagne contre le RSA et la CMU.
Les choses sont simples non ? Répondre | Répondre avec citation |
Le problème, c'est que le libéralisme a deux visages.
Celui du 19e siècle, issu de la philosophie des Lumières et louable dans son principe :
fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ralisme
Celui du 20e siècle, qui a récupéré/dévoyé cette philosophie sur le plan économique :
fr.wikipedia.org/wiki/Lib%C3%A9ralisme_%C3%A9conomique
Quant aux termes "néolibéralisme" ou "ultralibéralism e", ils désignent le capitalisme financiarisé en tant qu'ennemi de l'intérêt général. Il n'y a pas de cache-sexe là-dedans.
Sinon, si vous êtes convaincu qu'une forte revalorisation du RSA est la meilleure façon de protéger le salaire minimum, je vous invite cordialement à nous en faire la démonstration. Répondre | Répondre avec citation |
Il n'y a pas de capitalisme à visage humain, il n'y a pas de capitalisme financier, pas plus de néolibéralisme, il y a juste une maladie mortelle qui se répand et se développe pour faire crever les peuples.
Citer:
Jean Jaurès Répondre | Répondre avec citation |
Comme l'article de Mediapart est en accès payant, en voici un résumé trouvé ici :
32.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=1177:le-smic-est-mort-&catid=449:blog Répondre | Répondre avec citation |
tout le probleme est de donner quoi en échange ?
2$/heure comme les serveuses aux USA ? Répondre | Répondre avec citation |
En clair : il faut toujours plus transférer le "coût du travail" des entreprises vers l'Etat-providence — sur lequel crachent les ultralibéraux quand il s'agit d'y contribuer, mais qui devient indispensable quand il s'agit d'en profiter. Ça s'appelle PRIVATISER LES PROFITS ET SOCIALISER LES PERTES, le prix du travail étant considéré comme une perte. Répondre | Répondre avec citation |
Et ça rentre bien comme il faut dans la tête de salariés et chômeurs qui, lorsqu'ils parlent de ces questions (rémunération, « compétitivité », « charges » [cotisations sociales], etc.) parlent bien, pour certains d'entre eux, de ce qu'ils « coûtent » au patron. Et ils parlent d'eux-mêmes, pas d'un « fumiste de chômeur ».
Plus largement, on en trouve des vedettes (dans la vraie vie et sur les forums, même si sur ces derniers je soupçonne certains d'être des "taupes") qui pensent à ce qu'ils feraient à la place du patron, ce qu'il serait « logique » de faire à sa place, à savoir baisser leurs salaires. Du coup, ils sont d'accord, en tout cas ils ne revendiquent rien. Lolilol à ces mecs ! Objectif atteint. Répondre | Répondre avec citation |
www.lemonde.fr/emploi/article/2012/12/14/vers-une-toute-petite-hausse-du-smic-au-1er-janvier_1806718_1698637.html
Le gouvernement planche sur une réforme du Smic :
www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202451117581-smic-comment-le-gouvernement-va-depoussierer-la-regle-de-calcul-520941.php Répondre | Répondre avec citation |
Petit historique => www.actuchomage.org/2012110923192/La-revue-de-presse/20-annees-dallegements-de-lchargesr.html
(On note en passant que tous ces cadeaux fiscaux et sociaux, au nom de la "compétitivité" et de la lutte contre le chômage, n'ont servi à rien : c'est de l'argent public foutu par les fenêtres. Mais le gouvernement "socialiste" persiste et signe en créant le CICE, un "crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi" qui va nous coûter 20 milliards de plus.)
Il est donc tout à fait plausible que la prochaine étape de cette politique de gribouille hautement contre-productive, pour ne pas dire délétère, conçue dans l'esprit d’"experts" ultralibéraux dignes de l'Ecole de Chicago qui rêvent d'en finir avec le salaire minimum, aboutisse à la fin de la revalorisation du Smic, à la charge des entreprises, qui sera compensée par un développement du RSA "activité", à la charge de l’Etat.
Sauf que le RSA "activité" est une prestation sociale et pas un salaire : le RSA "activité" ne cotise pas à la Sécu et à l'Unedic.
Sur Actuchomage, le RSA en tant que substitut au Smic, nous le flairons depuis 2008 :
www.actuchomage.org/200808283940/L-actualite-du-site/rsa-pourquoi-nous-sommes-contre.html
Et la mise à mort du Smic, nous la flairons depuis 2009 :
www.actuchomage.org/2009113010341/Social-economie-et-politique/le-gouvernement-veut-la-peau-du-smic.html Répondre | Répondre avec citation |