Regardez cet exposé édifiant d'un économiste du cabinet Xerfi (institut d'études économiques privé, spécialisé dans les analyses sur les secteurs et les entreprises) qui, sur de nombreux points, va à l'encontre des poncifs partout ressassés, et c'est heureux :
Entre parenthèses, cet Olivier Passet — fils du grand René — mériterait d'être invité à la télévision : ça nous changerait de tous ces "experts" pansus qui prêchent à longueurs d'antennes une croissance basée sur une politique de l'offre complètement inepte — obsédée par les exportations et le crédit, au détriment du bien-être des populations — sans envisager son contraire — rétablir une politique de la demande et une croissance tirée par la dynamique des salaires, c'est-à-dire redonner un réel pouvoir d'achat aux populations pour stimuler à nouveau l'activité.
Accusé, levez-vous !
Cependant, quelques bémols retiennent l'attention. D'abord, le reproche fait au Smic d'être la cause de la stagnation des salaires des classes moyennes : une façon comme une autre de liguer moins pauvres contre pauvres... Pas un mot, en revanche, sur la cause du boom des grosses rémunérations, qui n'est évidemment pas lié à l'existence et aux revalorisations du Smic mais au bon vouloir des employeurs. Car ce sont eux qui, sauf erreur, décident de geler les salaires de la majorité de leurs "collaborateurs", non ? N'est-ce pas eux également qui décident d'embaucher majoritairement sous contrat précaire ? Franchement, en quoi le Smic serait-il responsable de l'explosion du sous-emploi ?
Donc, en bas de l'échelle, nos employeurs appliquent à contre-cœur les maigres hausses prévues par la loi — ce qui explique que le Smic ne soit pas un assez bon outil de lutte contre la pauvreté — en profitant des allègements Fillon (coût pour l'Etat : plus de 20 milliards d'euros par an). Ce dispositif onéreux, véritable trappe à bas salaires, explique le niveau peu élevé de notre salaire médian et le fait que, parmi les pays de l'OCDE, la France soit championne du nombre de salariés payés au minimum légal. Par contre, en haut de l'échelle, nos entreprises arrosent copieusement et sans rechigner leurs "élites" sur des critères on ne peut plus discrétionnaires. Puisqu'il faut bien rééquilibrer la balance suite aux "surrémunérations", le milieu de l'échelle est totalement négligé : cette "inertie" est un choix socialement injuste et économiquement contre-productif.
Les employeurs seraient donc bien inspirés de mieux répartir les fruits du travail entre tous; en l'occurrence, moins donner à ceux qui ont déjà beaucoup. On en revient toujours à la question du partage des richesses, que ses détracteurs contournent en accusant de tous les maux les dispositifs visant à atténuer les inégalités.
Conclusion, cette "dualité sur le marché du travail" sans cesse rabâchée par un animateur très premier-de-la-classe n'est donc pas "entretenue" par le Smic mais par les patrons, avec la complicité de l'Etat (effets pervers des allègements de charges cotisations, promotion de l'emploi précaire). Enfin, comme le démontre ici l'économiste Denis Clerc, les non-créations et/ou destructions d'emplois sont à chercher du côté de la crise et du fonctionnement du capitalisme, pas du côté du Smic. Qu'on se le dise !
SH
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