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Blog : Les dessous de l'Allemagne

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Actuchomage a l'honneur de vous présenter le blog de notre collaborateur Stephan qui, bien que vivant en France depuis une quinzaine d'années, continue de scruter son pays d'origine avec une acuité indispensable. Car notre partenaire européen, première puissance de l'UE et quatrième mondiale, fait payer au prix fort sa réussite économique à ses compatriotes.

=> => C'EST ICI !!! <= <=

Pour expliquer sa démarche, Stephan a répondu à nos questions...

Qu'est-ce qui a motivé la création de ce blog ?

Cela fait un moment que je m'intéresse à certains sujets qui concernent l'Allemagne. Grâce à internet et aux radios podcastées, je peux m'informer davantage que je n'ai pu le faire avant l'époque internet ou quand je vivais encore là-bas. J'ai remarqué que les discours officiels des soi-disant élites sont souvent très éloignés d'une réalité plus profonde ou plus directe. Le consensus général qui règne me révolte, consensus partagé par des rédacteurs en chef de grands journaux invités dans des émissions de radio et de télévision, des politiciens qui s'auto-complimentent, des pseudo-affrontements dans les "débats de fond" médiatisés qui attirent, aspirent toute attention et détournent le regard des choses qui pourraient être visibles si on voulait se donner la peine de les regarder de plus près.

Pour donner un exemple : La grande coalition sous la direction de Mme Merkel propage avec conviction que «les mesures de l'Agenda 2010 montrent enfin des résultats». Voilà une des affirmations qui m'exaspèrent. Oui, il est vrai que l'économie allemande actuellement va mieux et qu'il y a peut-être moins de chômeurs (encore que…), et la politique du bâton contre les demandeurs d'emploi jeunes et moins jeunes aurait été "efficace", prétend-on. Pourtant, ce sont les entreprises qui ont jeté leurs "seniors" dehors pour ne plus avoir à payer leurs salaires "trop élevés" et des retraites complémentaires bien méritées, et c'est sur le licencié que l'on doit mettre la pression "pour qu'il reprenne un emploi" (Est-ce qu'il existe seulement, cet emploi ? Est-ce que l'entreprise acceptera d'embaucher un senior ? Tout le monde se fout de ces questions). C'est le monde à l'envers. Et si aujourd'hui il y a quelques seniors qui retrouvent du boulot, l'élite dirigeante prétend que c'est "grâce" à la pression qui consiste, je le rappelle, à menacer la personne licenciée de tomber rapidement dans une mouise absolue. Ce serait donc grâce au fameux Plan Hartz 4 - que j'ai eu l'occasion de présenter sur Actuchomage - que ça irait mieux aujourd'hui. Ce discours a le don de me mettre en colère !

On pourrait examiner sérieusement s'il y a un quelconque lien entre la reprise économique (et une éventuelle baisse du chômage) et le plan Hartz. Mais là, il n'y a plus personne. Quel type de travail a été retrouvé (précaire, CDI, CDD mal ou bien payé ?), combien de radiations de l'ANPE ont eu lieu, combien de jobs à 1 € ont été imposés ? Et surtout, quelles sont les conséquences sociales et économiques de l'Agenda 2010, et en particulier du Plan Hartz ? Encore, silence radio. Il y a des gens qui s'y intéressent, mais ils n'arrivent pas à se faire entendre. Quelle est la vie d'un "Hartzi" ? Quelles sont les conséquences sur sa famille (2,5 millions d'enfants en Allemagne vivent en dessous du seuil de pauvreté) ? Voilà un exemple de "dessous" de l'Allemagne, et il y a plusieurs types de dessous : celui que l'on nie, celui que l'on cache mais dont on est conscient, et celui que l'on ignore. Je me suis donc fixé comme but de "fouiner" dans les dessous de l'Allemagne.

Pourquoi ce blog sur l'Allemagne… en français ?

Je pourrais très bien m'exprimer dans la blogosphère allemande, mais cela ne m'intéresse pas. Ce que je vois arriver à grands pas en France, le durcissement social, la pression sur les chômeurs qui augmente, la «responsabilisation» - disons-le : la culpabilisation des pauvres, les franchises médicales, une politique de répression en dépit de projets de prévention -, tout cela sont des indicateurs qui ont sur moi une impression de "déjà-vu" (en Allemagne). Franchise médicale : introduite en 1977 ! La pression sur les chômeurs : plan Hartz en 2005. Donc, juste à côté de la France, il y a un extraordinaire «laboratoire social» qui nous permet d'étudier les conséquences d'une telle politique. Je suis bien conscient que les deux pays ne sont pas identiques, mais si les politiques en France ne se gênent pas pour piocher dans la "boîte à idées" de leurs voisins quand cela les arrange, il leur incombe de s'intéresser également aux conséquences de la mise en œuvre de ces idées. Puisqu'ils ne le font pas, alors nous allons les y aider.

Autre effet secondaire espéré : Si "Les dessous de l'Allemagne" traversent la frontière, il se peut qu'ils ne donnent pas une bonne image de l'Allemagne, ce qui pourrait - on peut toujours rêver - motiver une remise en question de certaines choses. On a déjà eu des surprises avec internet.

En dernier point, je trouve important de savoir ce qu'il se passe chez nos voisins européens. Nous pourrions nous inspirer mutuellement dans nos actions contestataires, anticiper une politique que nous refusons. La politique sociale en France n’est pas un phénomène isolé en Europe, il peut être utile de s’informer dans un espace plus large et, pourquoi pas, envisager une mutualisation des forces d’opposition.

Une remarque qui me tient à cœur : Si je n’avais pas fait connaissance avec Actuchomage, ce blog n’aurait jamais vu le jour. Actuchomage m’a permis de faire mes premiers pas dans l’écriture de billets, et les échanges avec vous m’ont enrichi et encouragé à poursuivre.

Selon toi, comment a évolué l'Allemagne depuis que tu l'as quittée ?

J'ai quitté l'Allemagne début 1990, au moment où le mur de Berlin venait de tomber. Depuis mon départ, je vois l'Allemagne avec les yeux d'un expatrié, cela signifie que je l'observe avec une plus grande distance que quelqu'un qui y vit. Je m'y rends deux à trois fois par an pour garder le contact avec ma famille et quelques amis proches.

- Un premier constat qui me vient à l'esprit, c'est le travail. Il y a vingt ans, trouver un emploi avec un salaire décent n'était pas le parcours du combattant d'aujourd'hui. Mais malheureusement, cela ne concerne pas que l'Allemagne, c'est un phénomène beaucoup plus large.
- Ensuite on a eu la réunification, puis la rénovation des infrastructures de l'ex-RDA qui ont coûté beaucoup d'argent. S'y rajoute la reconstruction de l'économie en l'ex-RDA qui a en partie échoué.
- Les riches aujourd'hui sont plus riches que ceux d'il y a 20 ans, et il y a aujourd'hui plus de riches qu'il y a vingt ans, et également plus de pauvres (plus de 7 millions).
- L'asile politique a été pratiquement supprimé. Or, en 1990, on pouvait encore demander l'asile politique et commencer une nouvelle vie en Allemagne. C'est un constat qui me fait mal quand je pense aux innombrables victimes qui ont fui le nazisme et ont été accueillies dans d'autres pays. Voilà, la page se tourne, on oublie !
- Les études universitaires sont aujourd'hui payantes or elles étaient, comme en France, gratuites (aux frais d'inscriptions modérés près).
- Je constate une politique de surveillance qui s'emballe, ce qui m'inquiète beaucoup (article en cours).

Je me rends compte que je n'énumère que des choses qui à mes yeux sont critiquables et inquiétantes...

Qu'est-ce qui s'est amélioré en Allemagne depuis mon départ ? J'aime bien la culture des piscines et des saunas, dispositions très développées en Allemagne. Je constate l'expansion des villes et des villages qui sont très bien entretenus, des espaces de commerce foisonnent, propre nickel-chrome. Mais la propreté des villes, cet affichage ostentatoire d'une richesse par de belles pierres, des façades vitrées, des zones piétonnes prestigieuses au prix de l'endettement des villes qui par conséquent n'ont plus d'argent pour financer des projets sociaux, la perfection des jardins et des maisons individuelles, les grosses cylindrées neuves que l'on voit partout souvent me dérangent. Cela me met mal à l'aise de voir ces centaines de millions d'euros gaspillés dans l'espace urbain alors qu'il y a des centaines de milliers de gens qui travaillent à plein temps et doivent encore quémander l'aumône à l'ANPE car leur salaire est insuffisant pour vivre.

Alors, en France, est-ce mieux ou est-ce pire ?

Je voudrais affiner la question en demandant : pour qui est-ce mieux ou pour qui est-ce pire ? Vaut-il mieux être malade en France ou en Allemagne, pauvre, chômeur, travailleur précaire, entrepreneur, retraité, SDF, étranger, sans-papiers, famille nombreuse, femme, homme, riche, chercheur… ? Il y a peut-être autant de réponses que de catégories socio-professionnelles, ou autant de réponses que d'individus. Je ne peux répondre que pour moi, donner une réponse qui n'a qu'une vérité personnelle.

Jeune, j'étais venu en France avec la sensation de vivre une aventure. Tout était nouveau, Paris à découvrir. Vingt ans plus tard, la sensation de vivre une aventure n’est plus très présente, elle a été remplacée par une réalité qui souvent me pèse, j'y ai laissé des plumes mais je crois que ce n'est pas la France, c'est moi, moi seul, ma condition d'humain, mes désillusions, mes combats gagnés et perdus, mes amours rencontrés et ratés, le quotidien. Néanmoins je veux continuer à vivre en France, la France est devenu mon pays. Parfois je rêve de partager ma vie entre les deux pays : 4 mois à Berlin, 4 mois à Paris et 4 mois en province ou quelque chose comme ça.
Mais une aventure m'est restée : celle de la langue. Que j'aime cette langue, elle me donne tant, et vingt années plus tard je continue à l'apprendre, à l'approfondir, à découvrir des subtilités. Voilà, concernant la langue, c'est mieux en France !

Stephan M. / Les dessous de l'Allemagne

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Mis à jour ( Lundi, 17 Mars 2008 12:40 )  

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