Peut-être moins attachés à leur service public que nous, plusieurs opérateurs européens se sont déjà transformés en sociétés par actions, comme la Deutsche Post en Allemagne ou la TNT aux Pays-Bas. Bruxelles oblige, à l'instar de France Télécom, La Poste doit donc prendre aussi le chemin de la privatisation...
Les dirigeants de l'établissement public (la plus grosse entreprise du pays avec ses 300.000 salariés) sont en plein brainstorm. Son président, Jean-Paul Bailly, précise que ce projet est «élaboré depuis plusieurs mois dans la plus grande discrétion», que «plusieurs réunions de travail ont eu lieu avec des représentants du gouvernement» et que «le dossier est loin d'être tranché».
Le groupe, qui a tout de même réalisé 20 milliards de chiffre d'affaires et dégagé un résultat net d'un milliard d’€ l'année dernière, doit pouvoir «financer sa croissance» et «mieux résister à la concurrence». Pour ce faire, La Poste passerait d'un statut d'exploitant autonome de droit public (Epic, établissement public à caractère industriel et commercial) à celui de société anonyme (SA) avec ouverture de son capital, y compris à ses salariés.
Pour rassurer sur ces préliminaires — dévoilés, comme par hasard, au moment où les Français partent en vacances —, Bercy temporise : «A l’heure actuelle, il n'y a aucun calendrier ou décision de prise», «L’Etat restera majoritaire dans le capital», «Quoi qu’il arrive, les missions de service public seront maintenues».
Côté syndical, on connaît la chanson et on s'alerte légitimement sur l'inévitable passage à «une logique exclusivement financière et comptable» qui, visant d'abord à satisfaire les actionnaires, sera «mortelle pour les personnels et les usagers». On songe à ce qu'est devenue France Télécom et on redoute des milliers de suppressions d'emplois ainsi que l'explosion du temps partiel, comme ce fut le cas en Suède, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas suite à la privatisation de leur service public postal. Affaire à suivre...
Articles les plus récents :
- 09/07/2008 11:17 - RSA : c'est sûr, ce sont les pauvres qui vont payer !
- 07/07/2008 20:12 - La défunte DRE bénéficiait aux ouvriers et employés
- 07/07/2008 16:27 - La convention Unedic 2009-2011 prend du retard
- 07/07/2008 11:57 - Les chômeurs lésés par la «prime à la mobilité» en Une du Parisien
- 05/07/2008 14:59 - Désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit !
Articles les plus anciens :
- 04/07/2008 13:03 - 43% des chômeurs feraient encore confiance à Nicolas Sarkozy ?
- 04/07/2008 09:46 - «Bouclier fiscal» à 50% : 47.000 € de remboursement moyen
- 04/07/2008 00:03 - Heures sup’ : dernières balivernes
- 03/07/2008 05:45 - Le papy-boom a bel et bien permis de supprimer des emplois
- 03/07/2008 04:24 - Le chômage «porte atteinte à la santé mentale des individus»
Commentaires
Le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, "a annoncé le changement de statut dans une loi en 2009, accompagné d'une ouverture de capital de 10 à 20%", a rapporté Colette Duynslaeger, secrétaire générale de la fédération CGT-Poste, à l'issue d'une rencontre avec M. Bailly.
Interrogé, le groupe n'a fait aucun commentaire.
A Bercy, on se dit "ouvert" à cette idée, en soulignant toutefois que l'Etat n'était "pas saisi d'un projet précis, qui n'est pas formalisé aujourd'hui".
Conscient de l'inquiétude que ce projet pouvait susciter, M. Bailly a tenté de rassurer ses personnels dans un message téléphonique. Il explique qu'une "telle évolution est indispensable" et juge "erroné" de "parler de privatisation" puisque la mission de service public de La Poste empêche selon lui l'Etat de descendre en dessous de 50% du capital. "L'Etat restera au minimum à 80%", a même assuré M. Bailly à la CGT.
Une affirmation qui n'a pas convaincu le syndicat : "A France Télécom, comme à Gaz de France, toutes les garanties données ont volé en éclat".
La transformation en société anonyme, qui permettrait une ouverture du capital, est présentée par le groupe comme une nécessité pour faire face à la libéralisation totale du marché du courrier, prévue en 2011. "Ce vers quoi on va, c'est de faire de La Poste une entreprise comme les autres comme on l'a fait dans les années 90 pour ce qu'on appelait la Régie Renault qui est devenue Renault SA, pour France Télécom (…), EDF", a réagi le secrétaire d'Etat au Commerce, Hervé Novelli.
Le calendrier offre une opportunité en 2009 : les pouvoirs publics pourraient profiter de la transposition en droit français de la troisième directive européenne postale sur la libéralisation du marché, prévue à cette date, pour entériner ce nouveau statut.
"Le discours du président n'est pas clair du tout, il parle d'hypothèses de travail et deux jours après d'une ouverture du capital jusqu'à 20%, les projets sont déjà très avancés", s'est alarmé Sud-PTT, deuxième organisation syndicale du groupe, qui sera reçue jeudi par M. Bailly. "Jusqu'à présent, il avait déjà des éléments de libéralisation, s'il y a ouverture du capital, on passe dans une logique de rentabilité et c'est la fin du service public", a estimé ce syndicat.
Redoutant les conséquences de ces projets, les syndicats représentatifs du personnel de La Poste (FO, CGT, CFDT, Sud, CFTC, CGC et Unsa) ont décidé de se réunir mercredi matin pour définir les "modalités" d'une action, la CGT souhaitant "créer les conditions d'une journée d'action à la rentrée", selon Mme Duynslaeger. "Nous avons eu la garantie qu'on ne toucherait pas au statut des fonctionnaires ni au droit des contractuels", a-t-elle précisé, tout en renouvelant ses craintes pour l'emploi des personnels de l'établissement.
Au sein de l'établissement public qui compte 280.000 employés, 60% des salariés sont fonctionnaires, les autres relevant du statut de droit privé puisque La Poste n'embauche plus avec le statut de fonctionnaires.
La Poste tiendra jeudi en fin de matinée un Conseil d'administration qui abordera notamment la question du statut. Répondre | Répondre avec citation |
Devant les guichets automatiques de la poste d’Hellemmes, un quartier populaire de Lille, la question amuse Angelina. Les 5 et 6 du mois, les jours où le RMI tombe sur les comptes, c’est devenu une habitude, c’est la queue aux guichets. La Poste ne ménage pas ses efforts pour essayer d’éradiquer cette attente.
Litiges. A Hellemmes, pour un meilleur flux, un agent accueille et oriente les clients. Et désormais, les guichetiers n’ont plus le droit de remplir les formulaires à la place des gens qui ne savent ni lire ni écrire. Par crainte des litiges, d’après la direction; pour gagner du temps à chaque opération, selon la CGT. «Nous les envoyons à la mairie, explique un agent, normalement, il y a une personne disponible au service social pour les aider.»
Cette nouveauté a créé un incident à Tourcoing : «Une guichetière s’est fait agresser, explique David Dubelloy, responsable syndical CGT, elle s’est retrouvée devant un jeune homme qui lui a demandé de l’aide et elle a dit qu’elle ne pouvait plus. Celui-ci s’est mis en colère, et il l’a giflée. C’était un jour d’allocations, ce garçon s’est senti rabaissé que tout le monde voit qu’il était illettré. Avant, on ne s’en rendait pas compte.» Pour lui, l’érosion de la notion de service public a déjà commencé avant même l’annonce, en début de semaine par Jean-Paul Bailly, le président de La Poste, de la cession de 10 à 20% du capital de l’entreprise. «La Poste incite les gens à ouvrir un compte courant, qui a des frais de tenue de compte, plutôt que de garder leur Livret A, qui ne coûte rien. Pour moi, le service public, c’est garantir une banque pour tous.»
Pas rentable. David Dubelloy est fier de servir les plus démunis : «Ce n’est pas une population difficile, malgré quelques incivilités. Ils parlent plus facilement, on prend connaissance de leur vie, des liens se créent. Mais c’est sûr que ce public-là n’est pas rentable, ce n’est pas avec lui qu’on va faire des placements : à chaque début de mois, les gens retirent tout ce qu’ils ont sur le compte, ils ne laissent pas un euro !»
Aux guichets automatiques d’Hellemmes, c’est vrai, les gens demandent systématiquemen t leur relevé de compte, un coup d’œil au montant restant, avant de retirer ou pas. Un jeune homme s’énerve tout seul — «j’comprends pas ce qui se passe» — et il part, rageur, sans argent. Bachir apprécie la précision de la Poste : «A chaque opération, ils m’envoient un relevé, alors que dans mon ancienne banque il y avait toujours quinze jours de décalage pour savoir les mouvements sur le compte. Et puis il n’y a pas beaucoup de frais à la Poste. Cela compte pour moi : après trente-huit ans de travail, j’ai dû entrer en maladie longue durée, le budget est serré.» Mehdi : «Moi, je suis interdit bancaire, je ne peux pas ouvrir un compte ailleurs. Et puis, c’est pratique, je peux envoyer facilement des virements au Maroc.»
Privatisation. Alors, on l’aime, la Banque postale ? Elle fait râler tout de même, toujours sur les mêmes thèmes : «Il y a la queue, et quand je dépose un chèque, il faut attendre quinze jours pour qu’il soit encaissé», résume Alice. Mais Bachir l’aime comme elle est : «Si elle est privatisée, elle deviendra une banque ordinaire.»
(Source : Libération) Répondre | Répondre avec citation |
Cette nouvelle feuille de route sera paraphée par plusieurs ministres - Christine Lagarde (Economie), Eric Woerth (Budget et Fonction publique) et Luc Chatel (Industrie) - et le président de La Poste Jean-Paul Bailly. Elle reprend les précédents textes définissant les missions du groupe, notamment la loi postale de 2005. "Il est important pour La Poste d'ancrer ses missions de service public avant l'ouverture à la concurrence", a expliqué une source proche du dossier.
Les quatre grandes missions de l'établissement public sont le service postal universel, l'acheminement de la presse, l'accessibilité bancaire, notamment l'ouverture d'un compte pour tout citoyen, et enfin l'aménagement du territoire.
La première obligation de La Poste impose notamment la levée et la distribution du courrier 6 jours sur 7 au même tarif partout en France. Par ailleurs, le contrat fixe des critères de qualité de service pour l'établissement public : La Poste s'engage pour 2008 à acheminer 83% du courrier le lendemain de leur envoi, la proportion devant atteindre 85% en 2010.
Concernant le déploiement de la présence postale sur le territoire, "pas plus de 10% de la population d'un département ne peut se trouver éloignée de plus de 5 kilomètres et de plus de 20 minutes de trajet automobile […] des plus proches points de contact de La Poste" détaille le contrat, ce qui devrait assurer le maintien des 17.000 points de contact en France.
Après compensation de l'Etat, ces quatre grandes missions d'intérêt général coûtent à La Poste 816 millions d'euros par an.
En outre, les syndicats s'inquiètent du financement du service public universel, assuré actuellement par le monopole qui doit prendre fin définitivement au 1er janvier 2011. Dans le contrat, l'Etat s'engage à "mettre en place un dispositif permettant d'assurer un financement du service universel, pérenne, économiquement efficace". Mais il n'avance aucune proposition concrète.
"Dans le contexte actuel, l'Etat et la direction de La Poste veulent, avec ce plan, tenter de rassurer. Mais quand on regarde le texte dans le détail, il s'agit plutôt d'une fragilisation des missions de service public", dénonce Régis Blanchot de Sud-PTT. "Par exemple, la Poste doit garantir l'accessibilité bancaire mais rien ne l'oblige à proposer le livret A dans toutes ses agences", ajoute-t-il.
"Ce contrat ne garantit rien du tout", ajoute Colette Duynslaeger, secrétaire générale de la fédération CGT-Poste. Selon elle, il s'agit "du service minimum du service public" puisque le contrat "n'engage pas La Poste à conserver de vrais bureaux de poste".
La direction de La Poste a indiqué début juillet que la transformation de l'établissement public en société anonyme pourrait être décidée dès 2009 et qu'à terme une ouverture de 10% à 20% capital sous forme d'augmentation de capital était envisagée.
(Source : 20 Minutes) Répondre | Répondre avec citation |