Il aura fallu attendre cinquante ans de Ve République pour que la Cour des Comptes soit désormais autorisée à ausculter le budget de l’Elysée et celui de l’Assemblée. On constate à quel point nos élus sont adeptes du «Faites ce que je dis mais faites pas ce que je fais». L’administration est sommée de se réorganiser pour économiser 8 milliards d’euros avant la fin du quinquennat, mais ceux qui lancent ces réformes et les votent semblent s’exclure de l’effort collectif.
La gestion pour le moins dilettante du budget de l’Elysée comme les privilèges des députés (retraites en béton et distribution discrétionnaire de subventions) contredisent la rigueur affichée. Mais c’est sous les ors du Sénat qu’on vit le mieux. Son président depuis 1998, Christian Poncelet, s’y trouve d’ailleurs si bien qu’il n’exclut pas, à 80 ans, de rempiler à l’issue des élections de septembre...
La République entretien un monarque au Palais du Luxembourg
Comme la Reine d’Angleterre, le président du Sénat à sa liste civile. Négocié très discrètement avec les questeurs de cette même assemblée, le budget dévolu à Christian Poncelet n’est pas rendu public mais il atteindrait environ 2,5 millions d’euros. De quoi employer une vingtaine de domestiques dans deux appartements de fonction, là au cœur du Palais, l’autre en face du Sénat, mais aussi de garnir sa cave de grands crus (8.500 bouteilles), financer force dîners et cocktails (600.000 € de frais de bouche par an) et voir du pays (350.000 € de voyages). La chambre du Sénat prend aussi en charge 25 conseillers et 17 secrétaires, les quinze Peugeot 607 de fonction qui promènent tout ce petit monde et, bien entendu, l’indemnité du président de 180.000 € par an.
L’Assemblée nationale défend son régime de retraite très spécial
Dans sa juste lutte contre les régimes spéciaux de retraite, la majorité parlementaire a oublié d’en épingler un : le sien. Un seul mandat de députés de 5 ans ouvre en effet le droit à 1.550 € par mois, l’équivalent de ce que perçoit en moyenne un salarié du privé au terme d’une carrière complète. Pour financer leurs charentaises en or massif, les députés se votent les subventions nécessaires au renflouement permanent de leur caisse (53 millions d’euros en 2007), puisque leurs cotisations ne couvrent que 12% des prestations versées.
A la présidence de la République, les primes ont augmenté de 11%
C’est le retour de l’inflation. En 2007, les dépenses de l’Elysée ont augmentées de 8,4%, trois fois et demi plus vite que celle de l’Etat. Le palais n’est pas réputé pour la précision de sa gestion car «L’Elysée n’est pas organisé pour lister ses dépenses et encore moins pour les gérer !» peste le député socialiste René Dozière, spécialiste de ces questions au gouvernement (il espère toujours obtenir le coût détaillé du voyage en Chine de novembre dernier). Depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy, les effectifs sont passés de 960 à 1.045 personnes, car le Président a renforcé la sécurité (de 65 à 80 policiers) et le staff de conseillers (de 91 à 117 contractuels). La rémunération moyenne de ces derniers est passée de 36.000 à 42.000 € et leurs primes ont été revalorisées de 11%. Enfin, Sarkozy s‘est déjà agrandi : il loue de nouveaux locaux au 22 rue de l’Elysée (400.000 € par an) et a réquisitionné l’Hôtel de Marigny, jusqu’ici réservé aux hôtes de marque, pour loger une dizaine de hauts fonctionnaires qui planchent sur le projet d’Union Méditerranéenne.
L’Elysée et Matignon d’accord pour voler dans des jets flambant neufs
Mise à la disposition de la présidence et du Premier ministre, la flotte aérienne et gouvernementale va être totalement renouvelée dans les cinq ans. Les deux Airbus A319 actuels seront remplacés par des A330, dont l’un devrait être aussi bien équipé que le fameux Air Force One du Président des Etats-Unis. Six jets flambant neufs (4 Falcon 2000 et 2 Falcon 7X, le nec plus ultra de l’aviation privée) se substitueront par ailleurs à la flotte actuelle de Falcon 50 et 900 entrée en service dans les années 1980. Pour limiter un tant soit peu les dépenses, les anciens modèles seront revendus d’occasion, mais l’opération devrait tout de même avoisiner les 300 millions d’euros.
145 millions d’euros de subventions distribués sans contrôle
Tous les ans, l’Assemblée et le Sénat s’allouent une «réserve parlementaire» : 90 millions d’euros aux députés et 55 millions aux sénateurs, qui donnent à chaque élu une sorte de «droit de tirage» sur le budget de l’Etat pour financer des infrastructures ou des associations dans sa circonscription. Des députés décrochent plus de 100.000 €, d’autres 30.000, et les novices ignorent parfois l’existence du système. Il n’existe aucune liste publique des projets financés...
La «Sarkomobile» blindée à 150.000 € livrée le 14 Juillet
Sans doute une nouvelle manifestation de la «rupture» ! Délaissant la Citroën C6 blindée achetée par Jacques Chirac il y a trois ans, Nicolas Sarkozy se fait livrer une nouvelle Renault VelSatis. Plus longue de 25 cm que le modèle de série, le véhicule sera aménagé en bureau roulant avec sièges en cuir, ordinateurs et équipement de communication dernier cri.
Des sénateurs ont deux voitures avec chauffeur, une à Paris une en région
Vingt-trois des 331 élus du Luxembourg disposent chacun d’une «voiture de dignitaire». Un privilège réservé à la crème : le président, les 6 vice-présidents, les 3 questeurs, les 6 présidents de commissions et 7 responsables de groupes politiques. Ce sont 24 Peugeot 607, Citroën C6 et Renault VelSatis (de 45.000 à 53.000 € l’unité) que bichonnent, dans la cour, les chauffeurs de la maison. Organisés en tamdem (car ils sont aux 32 heures, pour 2.300 à 5.000 € par mois), ces pilotes multiplient les trajets haletants : Sénat-aéroport, Sénat-restaurant...
Bien sûr, les élus pourraient aussi utiliser la vingtaine de voitures à disposition de tous, prendre un taxi (remboursé) voire s’aventurer dans le métro munis d’un passe gratuit. Mais, en province, ils ont souvent pris de mauvaises habitudes : 47 sénateurs sont aussi présidents de leur Conseil général, où ils ont droit à une limousine du même acabit. Quand aux autres, ils dépensent souvent leur indemnité mensuelle de «frais de mandat» (6.141,33 €) chez un concessionnaire auto...
(Source : In-venterre)
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