Sous la pression de Bercy, la ministre du Logement Christine Boutin entend piocher 1,05 milliard d’euros dans les caisses du 1% Logement [1], géré de façon paritaire par les syndicats et le Medef dans le cadre de l’UESL (Union d’économie sociale pour le logement). Alors que deux séances de négociations doivent avoir lieu les 19 et 30 septembre, le gouvernement tient pour acquis ce prélèvement qui doit compenser la baisse inédite de 7,8% des crédits du ministère du Logement pour l’année 2009. Cette ponction de 1,05 milliard représente plus du quart des ressources annuelles du 1% (3,95 milliards en 2008).
Au ministère du Logement, on fait comme si tout était plié alors que les partenaires sociaux n’ont pas donné leur accord. «L’attitude du gouvernement fait fi de toutes les bonnes manières, s’énerve Jean-Luc Berho, secrétaire confédéral de la CFDT et vice-président de l’UESL. Le ministère donne la conclusion de la négociation avant qu’elle n’ait été menée à son terme. Cela s’appelle une erreur politique.»
Rénovation. Le gouvernement semble si sûr de l’issue des discussions qu’on connaît déjà la ventilation de la manne. Ainsi, 480 millions d’euros iraient à l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (Anah) qui aide à réhabiliter les logements privés anciens. Jusqu’ici, l’Anah était intégralement financée par l’Etat. Par ailleurs, le gouvernement demande au 1% d’accentuer son effort en ajoutant 320 millions d’euros supplémentaires au financement de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru), bailleur de fonds de la restructuration des cités HLM à laquelle le 1% verse déjà 450 millions d’euros par an. Ceci parce que l’Etat réduit son effort dans les banlieues. Enfin, dans son projet de loi «mobilisation en faveur du logement»qui doit être débattu à l’automne, Boutin a prévu la rénovation de 100 quartiers anciens dans les centres-ville. Pour financer ce projet, elle demande 250 millions d’euros au 1%. Voilà pour l’utilisation prévue du 1,05 milliard d’euros.
Ce prélèvement est perçu comme un diktat par le patronat. Le 11 septembre, Didier Ridoret, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB) avait dénoncé «un quasi hold-up sur les ressources du 1%». Et la FFB est l’une des rares fédérations du Medef à s’insurger publiquement contre cette convoitise des ressources du 1% par l’Etat. Pour Didier Ridoret, le gouvernement commettrait «une erreur lourde» en enfermant les partenaires sociaux dans une alternative qui consisterait soit à «claquer la porte», soit à «jouer le rôle de figurant».
Dérives. En coulisse, le gouvernement avance ses pions face à un mouvement patronal divisé. La guerre entre Laurence Parisot et l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), sur fond de caisse noire, a trouvé ses prolongements dans ce dossier du 1% logement. Depuis trois mois, les uns et les autres se sont mutuellement rejeté la responsabilité des dérives dans la gouvernance du 1%, soulignées dans un prérapport de la Cour des comptes. Résultat ? Deux licenciements et une démission. Jacques Creyssel, directeur général du Medef et Etienne Guéna, le «Monsieur logement» du mouvement patronal, ont été licenciés. De son côté, Daniel Dewavrin, issu des rangs de l’UIMM, a démissionné de son poste de président de l’UESL, le gestionnaire central du 1% logement. Il va être remplacé par Jérôme Bédier, proche de Parisot, qui préside depuis 1995 la Fédération du commerce et la distribution. C’est lui qui mène au nom du Medef la négociation avec le ministère.
Pour les partenaires sociaux, le gouvernement prétexte des indélicatesses pointés par la Cour des comptes dans la gestion des fonds du 1% pour mieux mettre la main sur le magot. Jusqu’ici on n’avait pas entendu le Medef. Mercredi, il a signé un communiqué avec la CGPME et les syndicats salariés (CFDT, CGC, CFTC, FO et CGT) affirmant que «les partenaires sociaux s’opposeront à toute tentative visant à ponctionner les fonds du 1% logement pour compenser un désengagement de l’Etat». Les deux séances de négociations à venir s’annoncent plus musclées que prévu par le gouvernement.
[1] Il provient des cotisations des entreprises de plus de 20 salariés et des remboursements de prêts faits aux salariés pour les aider à se loger.
(Source : Libération)
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