Longtemps, il fut presque avantageux de se faire licencier à 57 ans, de multiples prises en charge permettant d'attendre la retraite à taux plein sans avoir à chercher d'emploi. Les règles sont aujourd'hui chamboulées.
Je pars, ou je fais tout pour rester ? Pour les salariés arrivés au milieu de leur cinquantaine, la question est désormais primordiale. En termes de carrière, il s'agit pour eux de négocier la dernière ligne droite. Or cette celle-ci vient d'être réaménagée. A l'inverse de ce qui se pratiqua pendant plus de trente ans, tout est fait désormais pour maintenir les seniors au travail. Les multiples mesures annoncées cet été vont toutes en ce sens.
Ainsi la loi sur l'offre valable d'emploi. Elle vise en fait les chômeurs de plus de 50 ans. En effet, la prise en charge de leurs cotisations retraite coûte horriblement cher à la collectivité. Il faut donc les inciter par tous les moyens à retrouver un travail. De même la convention Unedic, qui devait être rediscutée avant la fin de l'année. Si elle a été prorogée jusqu'en avril, c'est en grande partie pour laisser le temps aux partenaires sociaux de réfléchir à la manière de faire comprendre à l'opinion que le temps est désormais révolu où l'on incitait financièrement les quinquagénaires à cesser de travailler.
«Le fait est que, dans les entreprises, les mentalités n'ont pas évolué au même rythme que les textes», note Philippe Caré, consultant retraites chez Mercer, cabinet spécialiste des rémunérations. Chez les salariés, voire chez les DRH, la croyance reste toujours forte que, si l'on se fait licencier à 57 ans, on atteindra tranquillement le cap des 65 ans ou, en tout cas, le seuil libérateur du taux plein. Entre-temps, il n'aura pas été nécessaire de rechercher du travail et l'intéressé aura perçu 66% de son dernier salaire net, dans la limite de 11.000 €.
Oui, ce fut longtemps vrai. Jusqu'à la fin de décembre 2005, quand une personne de plus de 50 ans se faisait licencier, les Assedic prenaient le relais. Il fallait certes patienter durant un délai de carence de 75 jours, mais ensuite, pendant 42 mois, c'est-à-dire trois ans et demi, la personne pouvait percevoir jusqu'à 11.000 € par mois. Ses points de cotisation retraite Arrco et Agirc étaient validés à 100%. A 60 ans, le chômeur voyait ses droits se prolonger automatiquement jusqu'à ce qu'il parvienne à son taux plein, justifié par 160 trimestres de cotisation. Bref, à ce compte, un salarié licencié à 57 ans se retrouvait par anticipation dans la même situation qu'un retraité de 65 ans.
De plus en plus drastique
Mais, ces derniers mois, les conditions se sont tendues et l'avenir n'est pas à l'assouplissement. D'ores et déjà, la prise en charge par les Assedic ne dure plus que 36 mois au lieu de 42. Ensuite, la bascule vers la prise en charge totale ne s'opère plus qu'à partir de 60 ans et 6 mois. Enfin, la retraite à taux plein n'est plus déclenchée qu'à partir de 164 trimestres. Bref, il faut calculer serré. Il n'est plus systématiquement avantageux de se laisser licencier. Tout dépend de son âge.
En outre, au regard de l'évolution de la démographie, des comptes sociaux et de la tonalité générale des textes, il est à prévoir que l'option du départ prématuré sera encore moins facilitée à l'avenir. Déjà, comme on l'a vu cet été, il n'est plus sûr que les indemnités de licenciement soient toujours aussi largement exonérées d'impôt. Ensuite, la durée d'indemnisation par les Assedic pourrait bien tomber en dessous de 36 mois (si la cadence des évolutions passées se poursuit, on tomberait à 30 mois). Par ailleurs, le seuil de 60 ans et demi pourrait bien être encore reculé. Enfin, la retraite à taux plein ne serait accordée qu'au-delà de 164 trimestres.
Du coup, si la nouvelle durée d'indemnisation est instaurée à brève échéance, disons au printemps prochain, deux traitements fort différents risquent de se succéder brutalement. Au sein d'une même entreprise, à quelques mois près, deux collaborateurs aux carrières comparables se trouveront dans des situations fort différentes. L'un partira avec de bonnes chances d'être indemnisé jusqu'à ses 65 ans. L'autre devra impérativement trouver du travail au cours des huit prochaines années. Avec le risque, en cas d'échec, de perdre ses droits et de ne plus percevoir que l'Allocation spécifique de solidarité (ASS) de 15 € par jour.
Dans ces conditions, si cette seconde personne a le choix, elle aura bien évidemment intérêt à refuser de partir. C'est pourquoi un examen s'impose pour les quinquas. Ils doivent vérifier s'ils peuvent être concernés par le revirement des textes. Certes, en dernier ressort, la décision du licenciement appartient à la direction des ressources humaines. Il n'empêche, mieux vaut savoir que les règles changent. Rien ne serait pire que de devoir partir à la recherche d'un emploi alors qu'on se croyait tranquille pour les prochaines années. Plus que jamais, les cadres ont intérêt à écouter en boucle le morceau des Clash : «Should I stay or should I go ?»
(Source : Les Echos)
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