En matière de retraite, deux limites d'âge constituent des repères. Celle, plus ou moins factice, des 60 ans («âge légal») qui permet de faire valoir ses droits en fonction des cotisations versées à l'assurance-vieillesse alors qu'en réalité, l'âge moyen de départ effectif est évalué à 58 ans, le taux d'emploi des 55-64 ans stagne à 38% de la population active et le chômage des «seniors» reste un véritable fléau. Puis celle, plus ou moins obligatoire, des 65 ans («seuil» légal) qui sera, à partir de 2010, repoussée «sous réserve d'en avoir préalablement manifesté l'intention [à son employeur] et dans la limite de 5 années»...
La retraite à 70 ans ?
«L'âge de la retraite est insidieusement repoussé à 70 ans. Gageons que dans quelque temps, cette limite deviendra l'âge officiel de départ en retraite», a aussitôt soulevé Martine Billard, députée des Verts. «Comme pour le travail du dimanche, le pseudo-volontariat est avancé pour justifier ce scandale», dénonce quant à lui le PCF. Les inquiétudes sont nombreuses et fort légitimes à l'heure où l'on allonge la durée de cotisation des salariés (de 40 à 41 ans d'ici 2012) en dépit de la pénibilité de leur travail, où l'on restreint les modalités d'accès au dispositif «carrières longues» et où il est question, à terme, de relever l'âge légal à 62 ou 63,5 ans, comme le suggère le Medef.
D'autres rient de cette polémique en avançant qu'actuellement, seuls 3% des plus de 65 ans travaillent, soit 300.000 individus sur 16,5 millions de salariés et 23,5 d'actifs occupés. Cette mesure ne serait pas un «scandale» mais un «non-événement» à l'aune du peu de personnes qui seraient concernées. D'où le risque, fantasmé, de voir l'âge de la retraite repoussé à 70 ans.
Un «non-événement» plus que douteux
Or, si cette mesurette de plus ne doit concerner qu'une poignée de salariés âgés et, de ce fait, ne procurera à la CNAV qu'un gain dérisoire, pourquoi l'avoir votée et, de surcroît, en catimini et en dehors de toute négociation officielle sur les retraites (lire en commentaire) ? Parce que, comme l'explique Jean-Christophe Le Duigou (CGT), elle «traduit bien la réalité d'aujourd'hui : de moins en moins de salariés auront la totalité de leurs droits à 60 ans et une retraite suffisante à 65 ans. Ils devront donc chercher à prolonger leur activité, voire à cumuler emploi et retraite». Tout comme la loi sur «les droits et les devoirs» des chômeurs qui, en les obligeant à s'asseoir sur leurs prétentions salariales et leurs souhaits professionnels, officialise la triste réalité du marché de l'emploi, avec ses offres de plus en plus précaires et ses salaires de plus en plus bas.
Cet amendement sans conséquence fait donc partie de la stratégie de la hache de pierre menée patiemment par la droite et qui vise, mine de rien mine de crayon, à saper par petites touches, apparemment insignifiantes, les droits des salariés acquis depuis plus d'un demi-siècle. Comme toutes les autres, telle la face cachée d'un iceberg, cette mesurette prépare le terrain à des buts inavouables. Elle est tout sauf anodine.
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