Le divorce à l'amiable cher à Laurence Parisot entre dans les mœurs des entreprises. Fin octobre, selon la Direction générale du travail (DGT), 6.147 ruptures conventionnelles de contrat de travail avaient déjà été enregistrées, un total assez important pour un dispositif en vigueur depuis mi-juillet seulement.
Jusqu'ici, «peu ou pas d'incidents sont à déplorer et le dispositif commence à être assez connu», témoignent les syndicats comme les associations de DRH. Quelque 1.500 ruptures n'ont certes pas été validées par la Direction générale du travail, mais pour des raisons de forme ou d'ajustements techniques (non-respect du délai de rétractation, indemnités versées inférieures au minimum légal…) plus que de fond.
Globalement, la simplicité promise est bien au rendez-vous. L'appétence des salariés aussi. Ils l'ont vite compris, «cela peut être l'occasion de sortir proprement d'une situation professionnelle difficile à vivre», explique Gabrielle Simon (CFTC). Et comme en retour des DRH y trouvent, eux, un mode de séparation clair et bien bordé juridiquement, certains n'ont pas hésité à se lancer. Reste que cette rupture amiable n'est pas une réelle nouveauté pour nombre d'entreprises et doit encore s'y faire une place. Officieusement, beaucoup se séparaient déjà d'un commun accord de certains salariés, en procédant à un licenciement pour motifs personnels, avec les «petits arrangements» et les incertitudes juridiques que cela suppose.
La crainte des dérapages
Dans l'esprit du gouvernement, la rupture amiable, en formalisant la démarche, va naturellement venir remplacer cette forme de départs négociés. Mais la réalité du terrain est parfois tout autre et le nouveau dispositif ne va pas débloquer par enchantement toutes les situations, préviennent les DRH. «Certains salariés pensaient déjà que négocier leur départ était devenu une sorte de droit. Je crains qu'en cas de refus de notre part, ils aillent comme par le passé vers l'affrontement», relève le DRH d'un groupe financier, justifiant par avance le fait qu'il ne fera pas une grande promotion de cet outil au sein de son entreprise.
«Certains DRH refusent d'en entendre parler ; ils ont peur d'ouvrir la boîte de Pandore et que les demandes se multiplient s'ils acceptent une fois. Il y a aussi une peur, infondée, de la démarche administrative : ils ne veulent pas que "l’oeil de Moscou" s'immisce dans les départs négociés», explique Sylvain Niel, avocat en droit social au cabinet Fidal. Résultat, sur le terrain, de premiers conflits apparaissent entre salariés désireux de partir à l'amiable et DRH refusant. C'est le cas, par exemple, dans un laboratoire pharmaceutique de la région parisienne ou dans une caisse régionale d'assurance-maladie du sud de la France, où deux employées se sont vu refuser sans explication les ruptures qu'elles demandaient. Une attitude que déconseille Sylvain Niel : «Refuser par principe génère forcément des tensions et des attitudes extrêmes, comme des abandons de postes. Il faut examiner au cas par cas et accepter dans la mesure du possible, en contrôlant le nombre global de ruptures».
C'est là l'autre risque, celui que craignent désormais les syndicats : l'abus de ruptures conventionnelles «proposées» par les entreprises. «Il faut rester vigilant afin qu'avec la crise les DRH ne les multiplient pas pour déguiser leurs plans sociaux», prévient Alain Lecanu (CGC). «Pour s'épargner des licenciements collectifs plus coûteux, les entreprises vont jouer le "corps-à-corps" en poussant aux départs individuels par ce biais», analyse aussi Maurad Rabhi (CGT).
(Source : Les Echos)
Pour en savoir plus sur ce dispositif...
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