Michael Van Gorkom a été licencié par Yahoo! fin avril. Il n’a pas paniqué. Il ne s’est pas précipité chez un psy. Au lieu de cela, cet homme de 33 ans, qui vit à Santa Monica, a découvert qu’être au chômage «peut avoir de bons côtés». Tandis que des millions d’Américains cherchent désespérément un emploi pour échapper aux expulsions et à la faillite [personnelle], d’autres trouvent que la crise économique a du bon. Ces chômeurs heureux sont généralement des célibataires âgés de 20 à 40 ans. Certains ont été licenciés. D’autres ont démissionné, attirés par des plans de départ volontaire avantageux. Maintenus à flot par leurs indemnités, leurs économies, leurs allocations chômage ou leurs parents, ces chômeurs-là ne passent pas leurs journées à écumer les offres d’emploi. Ils en profitent pour voyager. Ils retournent à leurs chères études ou font du volontariat à la soupe populaire de leur quartier. Et au moins jusqu’à l’assèchement de leur compte en banque, ils se satisfont de vivre au jour le jour.
«Avoir du temps, cela me permet d’y voir plus clair, je prends ça comme un cadeau», explique Aubrey Howell, 29 ans, de Franklin (Tennessee), qui a perdu son emploi de gérante d’une boutique de thé en avril. Après s’être accordée une période de grasses matinées et de visites à sa famille en Floride, elle s’interrogeait récemment sur Twitter : «Unemployment or funemployment ?»
Vous n’avez jamais entendu parler du «funemployment» ? Voici la définition qu’en donne l’Urban Dictionary : «Etat d’une personne qui profite d’une période de chômage pour prendre du bon temps». Ce terme n’est peut-être pas encore entré dans notre vocabulaire de tous les jours, mais un petit contingent d’accros aux médias sociaux, qui ont du temps à ne plus savoir qu’en faire, s’échangent sur Twitter des messages du genre : «Je profite de mon funemployment pour faire un road trip à Portland», «Vive le funemployment pour se remettre à lire» ou, encore, «Qui a besoin de travailler ?»
Chômeurs et heureux de l’être
Attitude irresponsable ? En tout cas, ce phénomène en dit long sur l’évolution de la société américaine. Selon des experts, il traduit à la fois le narcissisme culturel américain – notre propension à l’égocentrisme et le sentiment que tout nous est dû – et une réaction de rejet du monde de l’entreprise.
«Avec la récession, le chômage est mieux assumé», assure David Logan, professeur à la Marshall School of Business de l’université de Californie du Sud. «Pourquoi ne pas profiter de ce temps pour faire quelque chose de sympa ?» Jean Twenge, professeur de psychologie à l’université d’Etat de San Diego, explique que nombre de salariés, à force de passer leurs soirées et leurs week-ends au bureau, ne font plus la différence entre vie personnelle et vie professionnelle. Quand ils arrêtent de travailler, ils comprennent ce à quoi ils avaient renoncé.
Nina Flores, 28 ans, a démissionné de son poste de consultante juridique à Costa Mesa le 1er février dernier. Elle ne regrette rien. «On se rend compte qu’on passait à côté de beaucoup de choses, commente-t-elle. Soit parce qu’on était tout le temps pendu à son BlackBerry, soit, comme c’était mon cas, parce que j’étais sans cesse en déplacement pour mon travail. Je ne peux pas imaginer recommencer, sacrifier tout ce que je veux faire pour moi…»
Si l’on en croit Jean Twenge, le travail occupe une place moins essentielle dans la vie de beaucoup de jeunes. Aujourd’hui, les gens sont plus nombreux que dans les années 1970 à vouloir un travail qui leur laisse beaucoup de temps libre. De même, les jeunes salariés sont moins prêts à faire des heures supplémentaires. Quitteraient-ils leur emploi s’ils avaient assez d’argent ? Quand on leur pose cette question, ils sont plus nombreux à répondre «oui», même si la majorité affirme qu’elle continuerait à travailler. «Une chose est sûre, on voit apparaître une génération pour laquelle le travail n’est plus la seule raison d’être», conclut Twenge.
(Source : Courrier International)
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