Votre sujet du jour tombe bien, si j’ose dire avec mon cynisme d’atelier habituel : Mon voisin, au chômage depuis quelques mois, s’est pendu hier soir dans son garage* pendant que sa femme et ses trois enfants regardaient la télévision à l’autre bout de la maison. Nous n’étions pas intimes : un signe de la main le matin lorsque nous nous apercevions, parfois quelques banalités échangées mais, lorsque j’ai vu le SAMU et les pompiers remballer les épaules un peu basses (on a beau être blindé, dans ces métiers, un échec reste un échec) le matériel de réanimation qu’ils avaient déballé en courant vingt minutes auparavant, je ne suis pas allé demander comment il allait.
J’ai beau être, moi aussi, un peu blindé par la vie, j’en reste encore un peu glacé ce matin... Je ne lui posais pas de questions sur sa situation pour ne pas ajouter ce qui aurait pu paraître une curiosité de voisinage à ses difficultés et il ne m’a dit qu’une fois : «A cinquante ans, je ne retrouverai rien… et où aller ?». Je suis, comme il l’était, un peu «taiseux» (on ne le dirait pas à lire mes commentaires mais c’est comme ça) et je n’avais pas relevé, partant du principe qu’on ne peut dire que des conneries dans pareille situation. Que peuvent bien parvenir à raconter les salariés du Pôle Emploi à leurs «clients» ? Je ne voudrais pas être à leur place !
Le privé étant le summum du phénix des solutions à la mode, nos gouvernants s’imaginent qu’il va faire mieux que le public… ce n’est pas sans rappeler les mercenaires des armées américaines. J’ai été plus de vingt ans à mon compte mais ce n’est pas vers ce genre de contrat que j’aurais tenté de courir : j’ai déjà travaillé pour des entreprises en difficulté et, baignant dans l’ambiance qui y régnait et sachant qu’il n’y avait pas de solution, il m’arrivait de dire à ma femme en rentrant le soir : «Je relève de la cuite ou du bordel !». La vérité est que, comme en quarante, on fait des plans de bataille (mal foutus en plus) avec des chars inexistants et des avions qui ne sont pas encore réceptionnés «bons de guerre».
Faurecia nous annonce ce matin dans Les Echos «une nette amélioration de sa marge opérationnelle au second trimestre 2009»… ben tiens, ils ont viré en urgence leurs intérimaires, fait payer le chômage technique par le contribuable et peut-être même mis, comme chez un autre équipementier avec lequel j’ai toujours des contacts, les administratifs et la logistique sur les chaînes, et ainsi sauvé les dividendes. Ça fera du PIB, comme nous l’écrit (c’est mon interprétation) Laurence Boone, mais du PIB qui veut dire quoi ? «Hermès fait mieux qu’attendu»… ça aurait bien une signification...
S’agissant des cabinets privés de conseil et d’intérim : «La concurrence bat désormais son plein et le lobbying est très marqué pour obtenir les faveurs de Pôle Emploi». Chouette, encore du PIB en vue ! «Toutes les solutions doivent être essayées», dites-vous... Mon voisin en a trouvé une de plus et nos gouvernants peuvent se réjouir : Ça fait un chômeur de moins ! Allez, Dominique, je suis amer, ce matin, donc j’arrête : aux économistes la théorie et à moi, ex sous-off de l’industrie, la pratique !
* Si vous croyez que je raconte des histoires pour illustrer un beau commentaire, je suis prêt à vous envoyer l’avis de décès du journal local.
Blackstream
Ci-dessous, extraite de l'article des Echos, une infographie très parlante sur la soi-disant efficacité des opérateurs privés :
Totalement débordé, Pôle Emploi n'aurait, nous dit son auteur Dominique Seux, pas d'autre choix que de sous-traiter. Le risque, admet-il, c'est que ces sociétés privées, soumises à des obligations de résultat, «ne soient pas regardantes sur les emplois proposés»... Ben voyons !
Ainsi, 320.000 chômeurs leur seront confiés dès la rentrée et jusqu'à fin 2011 : un «lot» de 150.000 licenciés économiques, notamment les signataires d'une convention de reclassement personnalisée et d'un contrat de transition professionnelle; et, par ailleurs, un «lot» de 170.000 autres demandeurs d’emploi venant de secteurs en déclin ou ayant des difficultés personnelles qui rendent nécessaire un accompagnement de longue durée. Coût total de l'affaire pour les caisses de l'Unedic (c'est-à-dire nos cotisations sociales) à 3.500 € la prestation (soit trois à quatre fois plus cher que par Pôle Emploi) : plus d'un milliard d'euros. Encore un beau détournement d'argent public !
Grâce à la réforme du service public de l'emploi initiée par Nicolas Sarkozy, le chômage est enfin un business légitimé. Il y a bien volonté, au détriment de l'efficacité et du maintien d'un service public de qualité, d'engraisser les copains : pour la petite histoire, rappelons que Raymond Soubie, «Monsieur le conseiller social de l’Elysée», est fondateur et actionnaire d’Altedia, l'un de ces grands cabinets privés... Et un pas de plus vers la privatisation, un !
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