Les séminaires d'entreprise tiennent souvent d'une grand-messe convenue et tranquille. Bien enfoncés dans leur siège, les salariés roupillent entre deux interventions. Spécialisée en ingénierie du bâtiment, la société Coplan en organise trois à quatre par an. Mais la direction entendait innover. «Je réfléchissais à la façon de réagir à la crise, par une meilleure gestion du stress, une plus forte implication des équipes et le renforcement de la cohésion», explique le PDG, Christophe Bousquet.
«Vous êtes dans une zone attaquée»
Ce jeudi à Barbizon, proche de la forêt de Fontainebleau, la journée ne dépareillait pas des rendez-vous précédents : présentation corporate, communication des derniers indices de performance, projets à venir. Mais à 19 heures, une intervention d'un membre du GIGN surprend l'auditoire. Une programmation hors sujet ? Certains salariés se méfient : la direction leur a demandé de prévoir un certificat médical d'aptitude à la pratique sportive et une tenue à l'avenant. Alors que l'exposé se termine, des militaires, visages grimés et armés de Famas, font irruption dans la salle. «Vous êtes dans une zone attaquée, ils veulent kidnapper une vingtaine de Français. L'armée a pris possession des lieux et vous allez être exfiltrés», lance le chef du gang. Les vingt-deux directeurs d'agence sont aussitôt évacués, les autres salariés libérés. Les membres retenus pour l'expérience dirigent au quotidien des équipes de dix à cinquante personnes. «Je voulais tester leur leadership et détecter leurs potentialités», confie le dirigeant.
Coût : 1.000 € par participant
Pour eux, une nouvelle aventure commence, chaperonnés par des militaires formant la société DCI campus. Emanation du ministère de la Défense, cette entreprise est spécialisée dans le transfert de compétences à des armées amies. Pour cette expérience, elle a facturé sa prestation 1.000 € par salarié pour une journée et demie de formation. L'objectif est de transmettre à ces dirigeants des techniques enseignées dans les écoles d'officiers. Avec un préalable : «les déstabiliser afin de faire tomber au plus vite les masques». «Pour parler de situation de crise, on met les gens en situation de crise; pour parler de gestion du stress, on les stresse d'abord. L'expérience est plus psychologique que physique», expose Thomas Gueudet, chef de projet chez DCI Campus.
«Repousser leurs limites»
Dès leur intrusion, les militaires distribuent boussoles, lampes frontales, cordes et sacs à dos. Les participants s'enfoncent alors dans la campagne environnante, sans possibilité de se parler ni d'éclairer le chemin. Arrivés au dortoir, leur nuit sera courte. Cinq heures plus tard, ils s'activent déjà le long d'un parcours santé, confrontés à des situations périlleuses. «L'objectif est de repousser leurs limites et de leur apprendre à canaliser la peur», décrypte Christophe Bousquet. Comme chacun est assuré au moyen d'une corde par un collègue, l'épreuve vise aussi à tester la confiance que les uns éprouvent envers les autres.
Vient ensuite un exercice collectif : il s'agit de récupérer des rations alimentaires dans un champ soi-disant miné. Chacun fait alors des propositions dans la cacophonie la plus complète. «On les a laissés se débrouiller. Le chef désigné n'a pas été respecté par les autres», relate le PDG. Le promu évincé, un autre le remplace qui propose de tendre une corde entre deux arbres afin de permettre à l'un d'eux d'évoluer dans les airs. «L'objectif, c'est de développer la technique de l'O.D.A. (observation, décision, action)», confie Christophe Bousquet. «Face à une urgence, il convient de ne pas se précipiter mais de hiérarchiser ses priorités et définir un plan d'actions. Ce sont des mécanismes de base qui font défaut à nombre de chefs d'entreprise», explique Thomas Geudet.
Suivent des exercices dans une piscine puis une séance de sports de combat. La dernière nuit sera toute aussi courte, achevée par des tirs de (fausses) grenades. Après le petit déjeuner, tous peuvent enfin regagner leurs pénates. Ils reprendront leur poste le lundi matin, les yeux bien cernés.
(Source : Le Figaro)
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