La graphologie est une technique qui prétend déduire les caractéristiques psychologiques d'un individu par l'analyse de son écriture manuscrite. A l'aide d'indices graphiques interprétés isolément ou regroupés en configurations, le graphologue est supposé parvenir à formuler une description psychologique du scripteur.
Aujourd'hui la France est, avec la Belgique, le pays ayant probablement le plus fréquemment recours à la graphologie au monde, notamment dans le domaine de la sélection du personnel et de la gestion des ressources humaines.
Toutefois, plusieurs recherches visant à tester la validité de la graphologie sont parvenues à établir des grilles d'analyse objectives de l'écriture; les résultats ont ensuite été comparés aux mesures psychométriques standardisées.
Des études montrent l'inexactitude de la graphologie
Par exemple, en 1976, Richard Vestewig et ses collègues de l'université d'Etat de Wright ont demandé à 5 graphologues d'évaluer à partir de leur écriture quinze traits de personnalité d'un groupe d'étudiants. La corrélation entre les jugements graphologiques et les traits issus des échelles de personnalité standardisées était… nulle.
Dans une autre étude réalisée par Edward Pepples, de l'université du Nord Colorado, 37 graphologues ont été invités à se prononcer sur la personnalité de scripteurs sur une échelle détaillée, constituée de seize dimensions (anxieux, empathique, stable émotionnellement, chaleureux, perfectionniste, etc). Les résultats ont montré que l'analyse graphologique donnait des traits de personnalité opposés à ceux fournis par les tests admis par les psychologues du monde entier !
Lorsqu'il s'agit de prédire non la personnalité mais les performances professionnelles, les résultats sont encore plus faibles. Par exemple, Rafaeli a demandé à 70 agents immobiliers d'écrire un texte neutre ou biographique, puis a demandé à leur supérieur hiérarchique de les noter sur dix dimensions comme la confiance en soi, la sociabilité, l'empathie, etc. Il a également utilisé des mesures objectives comme le nombre de ventes effectuées ou la hauteur des commissions perçues. Les résultats ont montré un lien très faible entre les performances professionnelles et l'écriture évaluée par les graphologues lorsque ces derniers disposaient d'un texte biographique. Lorsque le texte était neutre, la corrélation était de zéro.
Les liens entre les performances au travail et l'écriture on fait l'objet d'une méta-analyse portant sur dix-sept études indépendantes. Celle-ci a montré que les graphologues n'étaient pas plus exacts que les non-graphologues dans la production d'inférences exactes quant aux performances professionnelles des individus à partir de leur écriture. Lorsque les échantillons d'écriture étaient autobiographiques, les deux groupes parvenaient à une modeste capacité à prédire les performances. Toutefois, lorsque les échantillons d'écriture étaient identiques pour tous les individus, aucun groupe n'était alors en mesure de prédire les performances.
L'utilisation de la graphologie lors d'embauches est injustifiée
Comment expliquer que, malgré l'absence de preuves de sa validité, la graphologie conserve une telle place ? Selon Thomas Boyce, de l'université du Nevada, et Scott Gellern, de l'institut polytechnique de Virginie, on peut comprendre cette perdurance de la graphologie en dépit des infirmations par ce que l'on appelle l'«effet Forer», phénomène induisant toute personne à accepter une vague description de la personnalité comme s'appliquant spécifiquement à elle-même (on parle aussi d'effet Barnum, du nom du célèbre directeur de cirque et organisateur de spectacles américain).
Dans une étude, après avoir fait passer un questionnaire évaluant l'adhésion à la graphologie, ces auteurs se sont présentés comme des experts en graphologie et ont demandé à des sujets d'écrire sur une feuille blanche en anglais «Le rapide renard brun saute par-dessus le chien paresseux», expliquant que cette phrase contenait toutes les lettres de l'alphabet anglais. Les participants signaient ensuite à quatre reprises la feuille de papier, trois fois au recto et une dernière fois, lentement, au verso. Quelques jours plus tard, chaque individu recevait, avec son échantillon annoté, un diagnostic de son écriture, apparemment personnalisé (mais en réalité, tous les diagnostics étaient identiques). Immédiatement après avoir reçu leur échantillon avec le résultat de l'analyse, les sujets remplissaient à nouveau le questionnaire d'adhésion à la graphologie. Les résultats ont montré qu'après avoir reçu leur évaluation, les sujets croyaient en moyenne davantage à la graphologie, alors que leur perception de la scientificité de la physique ou d'autres sciences n'avait pas changé.
La graphologie est donc a mettre du côté des fausses sciences et son utilisation dans la sélection du personnel, d'ailleurs peu appréciée par les candidats, doit être tenue pour injustifiée et contraire à la loi du française sur le recrutement et les libertés individuelles votée en 1992 (loi Aubry), selon laquelle tout candidat à un emploi doit être soumis à des méthodes «pertinentes au regard de la finalité poursuivie».
(Source : Eco89)
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