La HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) s'est autosaisie de la question des retraites des femmes. Une commission spéciale chargée de réfléchir sur le sujet a été créée au sein de l'autorité administrative indépendante. Son rôle sera de faire des recommandations au gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites, qui sera examinée en septembre à l'Assemblée.
Les femmes à la retraite sont-elles moins bien loties que les hommes ? Oui. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 76% des bénéficiaires du minimum vieillesse (le Smic retraite équivalent à un peu moins de 710 € par mois) sont des femmes, et leur pension moyenne est inférieure de plus de 40% à celle des hommes (825 € en moyenne contre 1.425 € pour les hommes). "Notre système de retraite est construit sur le modèle d'une carrière masculine et ascendante", note Jean-Louis Malys (CFDT).
Pourquoi ? Parce que "les femmes sont les premières victimes de discriminations dans le monde du travail", rappelle la présidente de la HALDE Jeannette Bougrab dans une interview aux Echos. Première discrimination : une salariée gagne en moyenne 19% de moins que son homologue masculin. Par ailleurs, les discriminations envers les femmes enceintes ne cessent d'augmenter : elles font l'objet de différence de traitement en matière d'évolution de carrière, donc de rémunération. Les écarts de salaires n'expliquent toutefois qu'un cinquième du différentiel de niveau des pensions. L'autre raison est que les femmes partent à la retraite sans avoir cumulé le nombre de trimestres nécessaire pour toucher une pension à taux plein. Parce que les femmes interrompent leur carrière pour élever leurs enfants. Et parce qu'elles se voient plus souvent que les hommes imposer un travail à temps partiel.
En quoi la réforme des retraites va-t-elle les pénaliser ? Le gouvernement veut non seulement reculer l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, mais il prévoit aussi de relever l'âge du taux plein, qui permet à ceux qui n'ont pas réuni les trimestres nécessaires de toucher leur pension sans décote. Il passera de 65 à 67 ans d'ici à 2023. Près de 18% des Français liquident aujourd'hui leur retraite à 65 ans, grâce à ce dispositif. Et plus de la moitié d'entre eux sont des femmes, pénalisées comme on l'a vu par des carrières fragmentées. En conséquence, avec cette réforme, de nombreuses femmes vont devoir travailler jusqu'à 67 ans, ou à défaut subir une baisse du niveau de leur pension. "C'est le point le plus sensible de la réforme des retraites", concède Danièle Karniewicz (CFE-CGC), présidente de la Caisse nationale de l'assurance vieillesse.
Pourtant le gouvernement présente sa réforme comme "solidaire" envers les femmes... Le projet de loi prévoit en effet une meilleure prise en compte du congé maternité pour la retraite. Actuellement, les indemnités versées par l'Assurance maladie pendant le congé maternité ne sont pas prises en compte pour le calcul de la pension, ce que propose de corriger le projet de réforme. Un congé maternité dure de 16 à 26 semaines. Les syndicats ont salué cette mesure, qui va dans le bon sens. Mais elle n'est pas de nature à régler les inégalités de retraite subies par les femmes : "Deux mois de congé maternité sur 25 ans de carrière, ça n'apportera pas grand chose", souligne Pascale Coton (CFTC). Le coût estimé de cette mesure est en effet de 4 millions d'euros en 2030.
L'intervention de la HALDE dans ce dossier aura-t-elle des conséquences ? Les recommandations que fait la HALDE n'ont pas de portée contraignante. Le gouvernement sera libre d'en tenir compte et de les intégrer dans son projet de réforme, ou non. Mais son intervention sur ce dossier apporte une "légitimité et une force morale" au discours des syndicats, estime Jean-Louis Malys.
(Source : L'Expansion)
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