Pas moins de 580 milliards de dollars : c'est la somme plutôt rondelette dont a été amputée la fiche de paie des salariés du monde entier en 2009, au bénéfice des profits des entreprises. Un gros chèque qu'ils auraient normalement dû toucher, compte tenu de leur productivité, si le partage des richesses ne s'était une nouvelle fois déformé au détriment de la masse salariale. Choquant ? Ce n'est pas la question. Il ne s'agit pas ici de faire de la morale ou de la politique. Dangereux ? C'est bien là tout le problème ! Car, au-delà des débats sur le "juste" partage des richesses, il est une réalité bien plus implacable : ce mouvement de balancier complique la sortie de crise dans les grands pays occidentaux et affaiblit, à terme, leur potentiel de croissance, au détriment des patrons comme des salariés.
Pourquoi s'inquiéter aujourd'hui d'une tendance qui s'est amorcée dans les années 90 et n'a pas empêché de connaître de longues années de prospérité ? "Parce que les salariés sont allés chercher ce qu'ils n'avaient plus sur leur feuille de paie auprès des banques et des sociétés de crédit pour maintenir leur train de vie", explique Daniel Cohen, professeur à l'Ecole d'économie de Paris. Résultat : en quinze ans, leur endettement a doublé presque partout.
Mais la crise a sonné la fin de cette prospérité à crédit. Soumises à des contraintes de rentabilité implacables par leurs actionnaires, les entreprises arbitrent plus que jamais le partage de leur chiffre d'affaires au détriment des salariés. Conséquence : dans tous les grands pays industrialisés sauf au Japon, les profits sont au moins aussi élevés qu'en 2007, alors que la masse salariale a été sérieusement rabotée. (...)
L'Occident menacé par la sous-consommation
Cette pression sur l'emploi et les rémunérations, au moment où le robinet du crédit a été sérieusement resserré, condamne l'Occident à se priver du moteur de la consommation, qui absorbe pourtant entre 60 et 70% du PIB. "Privées de ce socle de demande, les entreprises ne sont pas incitées à investir et consacrent une partie démesurée de leurs profits à cajoler leurs actionnaires, au risque d'entretenir une spirale dans laquelle s'auto-alimentent sous-investissement et sous-consommation", déplore Patrick Artus, le directeur des études économiques de Natixis, auteur, avec la journaliste Marie-Paule Virard, de Pourquoi il faut partager les revenus (La Découverte).
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Nous vous recommandons — entre autres — ”Cher capital, pauvre travail” où l'on découvre ce que nos grandes entreprises ont accordé à l'un et à l'autre entre 2003 et 2009 : sur cette période, 24 groupes du CAC 40 croulant sous les profits ont augmenté leur masse salariale par employé de seulement 8% en moyenne, alors que les dividendes par action gonflaient de 110%. Chez Vallourec, le clientélisme boursier a même tenu de la caricature avec un rendement en hausse de 1.000%. Même l'Etat se montre un actionnaire exigeant.
Question productivité, entre 1999 et 2009, les employés de Lafarge dans le monde ont augmenté la leur de 56% tandis que leurs salaires progressaient d'à peine 26%. Chez Michelin ou à Air liquide, le rendement par tête de pipe a crû deux fois plus vite que la masse salariale.
Ces astuces que sont la participation et l'intéressement, l'individualisation des rémunérations ou l'augmentation du poids des parties variables (primes) sont aussi passée au crible. Quatre pages aussi instructives qu'écœurantes...
Vraiment, un dossier remarquable. Bravo L'Expansion !
Piqûre de rappel => Le capitalisme antisalarial selon l'économiste Frédéric Lordon
Car l'évolution du partage de la valeur ajoutée en défaveur des salaires et au bénéfice des profits est un processus qui a commencé dans les années 80.
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