Quand l’Agessa (Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs) va-t-elle enfin siffler la fin de la partie ?
Une partie consistant à rémunérer sous le statut d’Auteur (qui concerne UNIQUEMENT les écrivains, les compositeurs de musique, les cinéastes…) des collaborateurs qui, d’aucune façon, n’exercent une activité artistique, notamment les Journalistes Pigistes ?
Dans son édition du 8 décembre 2010, Le Canard Enchaîné nous apprenait page 7 (rubrique «Canard Plus») que 20 Journalistes Pigistes des Inrockuptibles exigeaient de leur patron leur rémunération en Salaires et non en Droits d’Auteur.
Rappelons que, dans l’exercice de sa profession, tout Journaliste (professionnel ou assimilé, titulaire ou non de la Carte de Presse) relève OBLIGATOIREMENT du régime général des salariés et non du régime des Droits d’Auteur.
Mais, comme nous l’écrivions le 9 novembre dernier, la tentation est grande pour une entreprise de presse de rémunérer ses Pigistes via l’Agessa. Et ce pour plusieurs raisons :
• Les cotisations patronales s’élèvent à 1%.
Quand un employeur verse une rémunération de 10.000 euros par an à un Journaliste Pigiste abusivement payé en Droits d’Auteur, il doit s’acquitter de 100 euros de cotisations patronales. Quelle aubaine !
Imaginez qu’un employeur «indélicat» (pour ne pas dire fraudeur) rémunère 10 Journalistes Pigistes 10.000 euros par an. Il devra donc verser 1.000 euros de cotisations patronales à l’Agessa… pour 100.000 euros de rémunérations. Jackpot !
• Les Journalistes Pigistes rémunérés sous le régime des Droits d’Auteur ne bénéficient d’aucun avantage social : Pas de 13e mois, pas de congés payés, pas d’assurance-chômage…
• Et cerise sur le gâteau, le Journaliste Pigiste peut se faire remercier du jour au lendemain, sans préavis, sans indemnités, sans possibilité de toucher une allocation chômage.
Le patronat en rêvait. Le régime des Droits d’Auteur le permet !
Et ce n’est pas tout. Car les Journalistes Pigistes, qui sont évidemment des travailleurs précaires, voire très précaires (beaucoup gagnent moins que le SMIC), ont rarement les moyens de traîner leur employeur devant le Conseil de Prud’hommes qui, dans le meilleur des cas, mettra un an ou deux avant de leur donner gain de cause.
Sans compter que l’employeur peut faire Appel de la décision, ce qui reportera le Jugement définitif à la Saint-Glinglin. Pas belle la vie ?
Autant dire que la plupart des Journalistes Pigistes spoliés renoncent à faire valoir leurs Droits.
Sur le papier, ils disposent pourtant d’un recours simple et efficace, en transmettant leur dossier à l’URSSAF.
Après contrôle, cet organisme de recouvrement tout puissant pourrait alors contraindre l’employeur à régulariser la situation, en réintégrant le Pigiste floué dans le salariat et ses «avantages sociaux» (13e mois, congés payés, assurance-chômage…).
Dans les faits, c’est une autre paire de manches !
Car le Journaliste Pigiste ne prendra pas le risque de dénoncer son employeur à l'URSSAF, de crainte de perdre cette source de revenus.
Et puis, l’URSSAF est déjà débordée par les dossiers litigieux (tout comme l’Inspection du Travail). De plus, elle est tenue au «secret professionnel» qui lui interdit de communiquer au travailleur floué le résultat de ses investigations (sous réserve qu’elles aient été menées, ce qui est loin d’être garanti).
Bref, le piège de la Précarité dans sa dimension la plus kafkaïenne se referme sur le Journaliste Pigiste rémunéré en Droits d’Auteur :
Une rémunération au rabais - Des collaborations aléatoires, voire sporadiques - Des Droits sociaux inexistants - Un «licenciement» expéditif et sans appel au moindre tiraillement - La passivité bienveillante (pour les employeurs) des organismes de recouvrement (Agessa et URSSAF) - Un recours auprès des Prud’hommes long, fastidieux et coûteux qui mettra plusieurs années à aboutir sur un dédommagement (qui n’est jamais garanti)…
Bref, ce contexte défavorable encourage la malléabilité totale du Journaliste Pigiste qui n’a pas d’autre choix que d’accepter sa situation et, plus encore, de fermer sa gueule !
Cette démonstration illustre la précarisation grandissante de l'activité de centaines de Journalistes Pigistes qui travaillent pour certaines publications (quotidiens, magazines…), radios et télés, agences de presse et, plus encore, pour des sites Internet d’information au public.
Il va sans dire que ces conditions défavorables à l’exercice du journalisme ne peuvent conduire qu’à une dégradation constante du travail rendu (enquêtes bâclées, investigations et recoupements d’informations limités, rédaction à la va-vite, voire même connivences à but publicitaire…).
Cette démonstration illustre aussi le «laisser-faire» des organismes chargés de contrôler les obligations sociales des employeurs qui, de toutes façons, ont trouvé la parade.
À en croire certains, l’usage abusif des Droits d’Auteur s’estomperait à mesure que se développe… l’auto entreprenariat.
Vous l’aurez compris, de plus en plus d’éditeurs de presse exigent de leurs Journalistes Pigistes un statut de «travailleur indépendant».
Et c’est ainsi que se développent la mise en concurrence des statuts professionnels au rabais et la régression accélérée des Protections sociales.
Un exemple… parmi tant d’autres.
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(Re)lire notre article du 9/11 : Rémunération des Journalistes : La grosse magouille des Droits d’Auteur
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