Elle le fait surtout dans l’espoir de protéger les prêteurs, rentiers et autres détenteurs de capital des conséquences de la crise financière, en faisant payer les salariés à leur place. Seule la réaction organisée des citoyens peut infléchir cette orientation !
Les contribuables se substituent aux capitalistes
On ne répétera jamais assez que l’apport d’argent public pour sauver les banques sans exiger aucun effort de la part des créanciers de ces banques revient à faire payer par les ménages ordinaires les risques (grassement rémunérés) pris par les prêteurs (compagnies d’assurances, banques, fonds privés, riches particuliers, etc…). C’est un choix politique, qui comporte des conséquences importantes en termes de redistribution des richesses en faveur des plus favorisés. C’est aussi un choix malsain qui pousse aux comportements risqués, puisque les risques liés à la mauvaise qualité des emprunteurs ne se concrétisent pas.
Outre les relations de proximité existant entre le pouvoir politique et la finance (remarque : si l’Allemagne est la seule à vouloir faire payer les prêteurs, c’est aussi que le poids de la finance y est plus faible qu’ailleurs), ce choix de nos gouvernants s’explique par leurs énormes besoins financiers, qui leur fait craindre plus que tout une défiance générale des prêteurs. Ainsi, la France devra lever l’équivalent de 20% de son PIB sur les marchés l’an prochain. Mieux vaut que les prêteurs soient au rendez-vous...
Les marchés ont-ils des raisons de flipper ?
Il ne faut pas imaginer le FESF (Fonds européen de stabilisation financière) comme une grande boîte dans laquelle s’entasseraient 440 milliards d’euros apportés là par les membres de l’Union européenne, habillés en rouge et blanc pour l’occasion. Il s’agit d’engagements des pays européens d’emprunter jusqu’à 440 milliards sur les marchés financiers. Ce sont donc des milliards virtuels, d’autant qu’ils sont garantis sur le budget européen et que celui-ci n’est pas établi, faute d’accord entre les pays de l’Union ! A supposer que ces 440 milliards puissent être obtenus des marchés, cette forte augmentation de la demande de fonds entraînerait forcément une certaine hausse des taux sur les dettes nationales.
La clé de répartition de l’effort entre les pays européens n’est pas très claire. Il semblerait, compte tenu de la forte implication des banques anglaises dans le désastre bancaire irlandais, que le Royaume-Uni sera très sollicité. Concernant la France, par exemple, cet endettement supplémentaire (même s’il est versé à l’Irlande, l’argent levé sur les marchés par la France fait partie de la dette de l’Etat français) risque de se traduire par une hausse des taux d’intérêt exigés par les prêteurs et par une dégradation de la note attribuée par les agences de notation à la France.
La soi-disant “aide” européenne se fera au taux royal de 7% ; beaucoup moins que ce que les marché auraient exigé, précisent les commentateurs. Voire : les taux des emprunts d’Etat à dix ans irlandais sont actuellement de 8% environ, mais ils étaient de 6,5% il y a six semaines. Le smicard ou le fonctionnaire irlandais qui perdent 15% de leur pouvoir d’achat apprécieront la générosité européenne à sa juste valeur.
Les agences de notation ont réagi au «plan de sauvetage» de l’Irlande en dégradant sa note. Comme si le pays voyait sa situation aggravée par le prêt de 85 milliards accordé par le FESF ! Tout le monde s’offusque et trouve cette réaction absurde mais, en y repensant, c’est assez compréhensible. La dette publique de l’Irlande approche 100% du PIB. Une fois «sauvée» par les prêts de l’Union européenne, elle sera de 150% environ. A ce niveau, la question de la solvabilité (l’Irlande pourra-t-elle un jour rembourser ses créanciers ?) se pose.
Conclusion : prêter ne sert à rien. S’il s’agissait de lutter contre une crise de confiance, ça pourrait marcher. Mais il s’agit d’expliquer clairement comment les pays et les banques touchés par la crise vont faire pour rembourser leurs dettes. Un endettement supplémentaire n’est pas une réponse pertinente.
Les plans de sauvetage ne sauvent rien !
Selon le FMI, au bout de deux ans, une diminution du déficit représentant 1% du PIB entraîne en général une diminution du PIB de 0,5%. On peut imaginer que l’effet soit moins important pour un petit pays ouvert sur l’extérieur, la chute des salaires ayant des effets importants sur l’équilibre extérieur. Mais dans une zone de grande taille comme l’Union européenne, l’effet est plus grand. En général, le multiplicateur des dépenses publiques est estimé autour de 1 à 1,5 pour l’UE. Si c’est bien le cas, la chute du PIB entraînée par une réduction du déficit budgétaire de 1% du PIB est de 1% à 1,5%.
Le plus souvent, les conséquences négatives des épisodes de «consolidation budgétaire» (qui est l’expression employée par les spécialistes pour désigner l’austérité) sont atténuées par le jeu de la politique monétaire. Mais il n’en sera pas de même cette fois, puisque les taux d’intérêt demandés par la Banque centrale européenne sont déjà presque nuls et que la tendance n’est pas vraiment à la dépréciation de l’euro (encore largement surévalué à 1,3 $).
Honneur à l’île de Ré
Si vous allez sur le site du Parti socialiste, vous trouvez des communiqués et déclarations sur l’affaire de l’attentat de Karachi, les fermetures d’usines, les propos off du président Sarkozy, la question des prisonniers politiques en Iran, etc… mais rien sur l’Irlande ou la situation européenne, sauf erreur de ma part. Si vous tapez les expressions «parti socialiste plan de sauvetage Irlande» ou «parti socialiste Irland » sur votre moteur de recherche favori, vous ne trouvez rien… sauf un texte vengeur de la section de l’île de Ré daté du 4 octobre, qui est donc la seule réaction du PS que je parviens à trouver. On peut le regretter.
Pourtant, nous sommes face à un problème politique, qui exige des réponses politiques. Grève générale en Grèce, grève générale au Portugal, grève générale en Irlande : chaque plan d’austérité entraîne une réaction forte des citoyens et le gouvernement pourrait tomber en Irlande. Mais ces réactions éparses n’ont guère d’efficacité.
La solution est le recours à la grève et à la manifestation dans toute l’Europe en même temps, avec un programme simple alternatif à l’austérité : restructuration des dettes bancaires et de certaines dettes publiques, monétisation des déficits par la BCE dans certaines conditions, liaison chiffrée entre croissance et réduction des déficits.
Arnaud Parienty - Alternatives Economiques
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