Des violences sporadiques ont éclaté pour la troisième nuit consécutive, jeudi 23 février au soir, sur l'île de La Réunion, en perdant en intensité mais en s'étendant à plusieurs villes. "La situation est beaucoup plus calme que les nuits précédentes à Saint-Denis, Saint-Benoît et au Port", a précisé Benoît Huber, directeur de cabinet du préfet.
Des groupes de jeunes et les forces de l'ordre continuaient à s'affronter à distance – lancers de bouteilles incendiaires contre tirs de grandes lacrymogènes – dans le quartier du Chaudron à Saint-Denis, où des barrages de pierres et des poubelles en feu avaient été installés en début de soirée. Des incidents étaient également signalés dans d'autres communes de l'est et du sud de l'île, mais aucun pillage de bâtiment public ou privé n'était à déplorer.
Partout le même scénario s'est produit : la nuit tombée, des groupes de 50 à 100 jeunes investissent le centre-ville, dégradent du mobilier urbain, enflamment des poubelles, provoquant l'intervention des forces de l'ordre qu'ils affrontent par des jets de pierres avant d'être dispersés par les grenades lacrymogènes. Pour la seule commune de Saint-Louis, 26 jeunes ont été interpellés, la grande majorité d'entre eux ayant à peine 16 ans, selon la préfecture.
En milieu de nuit, les forces de l'ordre avaient déjà procédé à 35 interpellations. Dans la journée de jeudi, quatre des 68 personnes interpellées lors des violences des deux derniers jours ont été condamnées à des peines allant de 6 mois à 2 ans de prison ferme, et deux ont été placées en détention provisoire en attendant leur comparution. Plus tôt dans la journée, un escadron de gendarmes mobiles est venu en renfort de métropole. Le préfet de La Réunion, Michel Lalande, et les élus de l'île ont, de leur côté, lancé en fin d'après-midi un appel au calme. "Je demande à la population (…) de rester à l'écart des lieux de ces exactions", a dit M. Lalande.
Misère sociale
Pourquoi ce débordement de colère ? Les troubles qui agitent l'île témoignent d'un "ras-le-bol" face à la précarité, mais aussi de "la frustration" de certains jeunes face à une "société de consommation, voire de surconsommation" à laquelle ils n'ont pas accès, estime le sociologue Laurent Médéa, auteur d'une étude sur «Les causes sociales de la délinquance à La Réunion».
Jeudi matin, le maire socialiste de Saint-Denis, Gilbert Annette, s'est rendu au Chaudron où la bibliothèque municipale et l'atelier d'initiation à l'informatique ont également été la cible des vandales. Ce quartier populaire est massivement touché par le chômage, qui frappe 29,5% de la population réunionnaise et 60% des jeunes de moins de 25 ans. Déjà, en mars 2009, le quartier avait été le théâtre d'affrontements en marge de grandes manifestations contre la vie chère. "Les minima sociaux sont calculés sur des bases métropolitaines, ils ne permettent plus aux familles réunionnaises de s'en sortir", a répété le maire face à des habitants sceptiques, voire agressifs. "Vous connaissez un enfant du Chaudron qui a réussi dans la vie et qui gagne 3.000 ou 4.000 euros par mois ? Ne cherchez pas, il n'y en a pas !" lui a lancé, en créole, un homme passablement énervé.
"C'est un effet collatéral du conflit des carburants, analyse Henri Hippolyte, conseiller général (PCR) du Port, à 15 kilomètres de Saint-Denis. Ces jeunes se sont attaqués à des biens de consommation hautement symboliques. Ils sont au bout du rouleau. On ne peut accepter ces dérives violentes, en même temps qu'il faut comprendre l'immense détresse sociale qui est la leur."
Table ronde sur la vie chère
Vendredi, tous les Réunionnais auront le regard tourné vers la préfecture où une table-ronde sur la vie chère doit réunir autour du préfet Michel Lalande, les présidents des assemblées locales, des chambres consulaires, les représentants des associations de consommateurs, des compagnies pétrolières et des professionnels de la route dont la manifestation mardi, au Port, a mis le feu aux poudres.
Le président de la Région, Didier Robert, a laissé entrevoir jeudi une baisse du prix de l'essence de 5 centimes, la présidente du conseil général, Nassimah Dindar proposant de financer un "tarif social" de l'eau, de l'électricité, de la téléphonie et d'internet, assortis d'un gel de loyers par les bailleurs sociaux. Les partis de gauche continuent, pour leur part, à réclamer une aide exceptionnelle de l'Etat, le PCR revendiquant une "prime de vie chère de 200 euros mensuels" provisoire. Le PS a pour sa part proposé des mesures de gel des prix sur "100 produits de première nécessité, aux prix de la métropole" et demande à l'Etat un plan d'urgence exceptionnel.
(Source : Le Monde)
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