La taxation confiscatoire des revenus exorbitants est non seulement possible économiquement, mais souhaitable. En 1932, quand Roosevelt arrive au pouvoir, succédant au calamiteux Herbert Hoover, le taux de l’impôt fédéral sur le revenu applicable aux plus riches était de 25% aux Etats-Unis. Le nouveau président décide de le porter immédiatement à 63%, puis à 79% en 1936 et à 91% en 1941, niveau qui s’appliqua jusqu’en 1964 avant d’être réduit à 77%, puis 70% en 1970. Pendant près de cinquante ans, des années 30 jusqu’en 1980, jamais le taux supérieur ne descendit au-dessous de 70%, et il fut en moyenne de 82%.
Cela n’a pas tué le capitalisme et n’a pas empêché l’économie américaine de fonctionner. Pour une raison simple : ces taux ne s’appliquaient qu’à des revenus très, très élevés. En 1941, Roosevelt fixe le seuil du taux de 91% à 200.000 dollars de l’époque, soit 1 million de dollars d’aujourd’hui (770.000 euros). Or, à ces niveaux de revenus, ce ne sont pas les compétences ou le dynamisme que l’on rémunère : ce sont la rapacité, le court-termisme et des prises de risque excessives. Il ne s’agissait donc pas de matraquer n’importe quel cadre supérieur ou entrepreneur sortant du lot, ce qui aurait été dévastateur économiquement.
En France, comme dans la plupart des pays développés, le taux supérieur atteint 90% pendant l’entre-deux-guerres, puis se stabilisa autour de 70% pendant les Trente Glorieuses — ce qui n’a pas empêché des taux de croissance économique de l’ordre de 4% à 5% par an tout au long de cette période.
Puis Reagan et Bush père & fils décidèrent, pour des raisons purement idéologiques, d’abaisser brutalement le taux supérieur à environ 30%-35%, soit à peine plus que les niveaux appliqués avant 1932. J’ai acquis la conviction que ce tournant fiscal explique pour une large part l’invraisemblable progression des inégalités observée aux Etats-Unis depuis les années 80, avec pour conséquence un transfert de l’ordre de 15 points de revenu national en direction des 1% les plus riches, et la stagnation du pouvoir d’achat du reste de la population.
Les cadres dirigeants des grandes entreprises ont pris le contrôle et se votent à eux-mêmes des revenus exorbitants, sans rapport avec leur productivité. Pour une raison économique simple : pour ces fonctions peu réplicables, les productivités individuelles sont impossibles à mesurer. Dans le secteur financier, ces rémunérations indécentes ont en outre stimulé des comportements insensés en termes de prise de risque et ont clairement contribué à la crise actuelle.
Face à une telle dérive, la seule réponse crédible est une taxation accrue des très hauts revenus — solution qui commence à émerger aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et qui finira bien par atteindre la France. […]
(Source : Libération)
NDLR : Henry Morgenthau, qui fut secrétaire américain au Trésor sous la présidence de Franklin Delano Roosevelt, disait en 1937 : «Les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée. Trop de citoyens veulent la civilisation au rabais»... CQFD.
Pour approfondir la réflexion :
• L'argent des riches ruisselle-t-il sur les pauvres ? Pas vraiment…
• Plus on est riche, moins on a de morale, c’est prouvé
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