La nouvelle Loi du Travail célébrée en grande pompe par les travailleurs vénézuéliens ce 1er mai 2012 est un vieux rêve devenu réalité au bout d’un débat citoyen qui a duré près de trois ans. Plus de 19.000 propositions ont été remises par toutes sortes d’organisations de travailleurs, syndicats, coordinations, etc… à la Commission présidentielle chargée d’élaborer le projet. Avec la Constitution Bolivarienne, c’est le texte de loi qui a le plus bénéficié de la participation populaire.
Résultat : La loi signée le 30 avril 2012 par le président Chavez brise enfin le carcan néo-libéral où les gouvernements antérieurs avaient étouffé les droits sociaux. Depuis le 2 mai, la loi (dont on peut lire ici le texte intégral en espagnol) circule gratuitement sur internet et de main en main, massivement, dans plusieurs journaux. Sauf dans ceux de l’opposition qui relaient les critiques patronales contre son contenu : égalité homme/femme, augmentation des indemnités dues aux travailleurs, etc... Des réunions seront organisées partout dans les mois qui viennent, notamment par les syndicats, pour continuer à la faire connaître et pour qu’elle soit un levier de nouvelles transformations.
Points forts : L’égalité entre hommes et femmes; l’interdiction de la sous-traitance du travail; les conseils de travailleurs (ceux-ci ne se substituent pas aux syndicats qui voient leurs prérogatives renforcées par la loi) : leur fonction, bientôt développée par une loi spéciale, est de promouvoir la participation des travailleurs et de la communauté vivant autour des centres de travail, dans la gestion des entreprises. Ainsi que de lutter contre la spéculation, l’accaparement des produits de première nécessité.
Cette loi s’accompagne par ailleurs d’une nouvelle augmentation du salaire minimum, qui en fait le plus élevé d’Amérique latine. Une augmentation du pouvoir d’achat protégée par la baisse continue de l’inflation depuis cinq mois consécutifs (0,8% en avril), par une loi de contrôle des prix pour les produits de première nécessité, et par l’offre concomitante de biens bon marché produits par les entreprises nationalisées.
Détail amusant qui rappelle l’extrême misère de l’information sur le Vénézuela en France : pour occulter le débat citoyen à la base de cette loi, Le Monde et l’AFP n’ont rien trouvé de mieux que de la présenter comme une épreuve de force entre un "autocrate" et son opposition. Saluons cette nouvelle victoire du droit des lecteurs qu’on "informe" sur une Loi du travail sans donner la parole à un seul des millions de travailleurs concernés mais en la donnant… au patronat.
Voici un résumé (non exhaustif) de quelques uns des droits dont jouissent à présent les travailleurs vénézuéliens.
INDEMNITÉS AUX SALARIÉS LICENCIÉS. A la fin ou lors de la rupture d’un contrat, elles seront calculées en fonction du dernier salaire. Le travailleur y a droit de manière immédiate, tout retard dans le paiement entraînant des intérêts supplémentaires à lui verser. Ce calcul d’indemnités a un effet rétroactif à partir de juin 1997, date à laquelle le gouvernement néo-libéral de Rafael Caldera et de Teodoro Petkoff avait modifié la loi au détriment des travailleurs. A présent, le patron devra verser pour chaque trimestre et à chaque travailleur une somme équivalant à 15 jours de salaire (Art. 141 et 142).
RETOUR DE LA DOUBLE INDEMNISATION, comme l’avait annoncé le président Hugo Chávez peu avant la promulgation de la loi. Ce mécanisme vise à sanctionner le patron qui effectue un licenciement injustifié, et à compenser la perte de l’emploi pour le travailleur en doublant ses indemnités de licenciement (Art. 92).
LE PATRON PAIERA PLUS S’IL LICENCIE. Tandis qu’en Europe les politiques d’ajustement visent à rendre les licenciement plus faciles et moins chers pour le patronat, au Vénézuela, la nouvelle loi en élève le coût (Art. 92).
DURÉE DU TRAVAIL. Elle était jusqu’ici de 44 heures par semaine, ce qui obligeait à travailler les samedis. Désormais, elle se réduit à 40 heures hebdomadaires (Art. 173). L’idée est d’avancer progressivement vers plus de temps libre (Art. 174).
LA SOUS-TRAITANCE DU TRAVAIL EST INTERDITE. Cette pratique s’était étendue à toute l’Amérique latine depuis les années 90 avec la néo-libéralisation du continent. On estime qu’au Vénézuela, 1,2 million de travailleurs en sont victimes.
TRAVAILLEURS PRÉCAIRES FIXÉS DÈS LE PREMIER MOIS. Les travailleurs de durée indéterminée (comme de durée déterminée, ou à la tâche) seront considérés comme fixes par la loi dès le premier mois et non à partir de trois mois (en fin de période d’essai) comme auparavant. Dans la loi antérieure, le patron pouvait rompre le contrat en payant simplement la valeur de celui-ci au salarié, ou en s’appuyant sur les causes de licenciement (Art. 87).
SIX MOIS DE CONGÉ PRÉ ET POST-NATAL : six semaines avant l’accouchement et vingt semaines ensuite (Art. 336 et 338). Les pères auront droit, de leur côté, à quatorze jours de congé à partir de la naissance de leur enfant (Art. 339). Les parents sont désormais protégés contre toute forme de licenciement durant deux années à partir de l’accouchement. La loi prévoit des avantages semblables en cas d’adoption. L’idée est de permettre à l’enfant d’être mieux accueilli, mieux entouré affectivement par ses parents. Des repos quotidiens sont prévus pour l’allaitement des nourrissons (Art. 335-330-345).
SANTÉ ET ÉDUCATION GRATUITES QUI PROTÈGENT LE REVENU DU TRAVAILLEUR. (Art. 97)
QUINZE JOURS D’INDEMNITÉS DE VACANCES, c’est ce que devra payer à présent le patron au travailleur en plus du salaire normal (Art 192).
VACANCES OBLIGATOIRES. Le travailleur devra jouir de ses congés de manière effective et obligatoire (Art 197).
PLUS DE JOURS FÉRIÉS. La nouvelle loi prévoit quatre jours fériés supplémentaires en faveur des travailleurs (Art. 184).
DAVANTAGE DE BÉNÉFICES NON SALARIAUX. La loi crée des avantages nouveaux (non décomptables des cotisations et des épargnes déjà établies en faveur des travailleurs) : notamment le remboursement de soins médicaux, l’octroi de bourses ou le financement de formations, de spécialisations (Art. 105).
LE CALCUL DES DIVIDENDES ET AUTRES BÉNÉFICES DE FIN D’ANNÉE DUS AU TRAVAILLEUR se fera a présent sur la base de trente jours au lieu de quinze. La fourchette va donc à présent de trente jours minimum à quatre mois maximum de salaires (Art. 131-132). Les organisations syndicales pourront aussi inspecter les comptes de l’entreprise pour déterminer si ce qui est versé aux travailleurs reflète bien la réalité des bénéfices de l’entreprise (Art. 133-138).
SANCTIONS PÉNALES CONTRE LES PATRONS DÉLINQUANTS AVEC DE POSSIBLES PEINES D’EMPRISONNEMENT. Nouveauté introduite par la loi, la détention comme mécanisme de sanction en cas d’infraction à la loi par un patron. Exemples d’infractions : le refus de réembaucher un travailleur, la violation du droit de grève, le refus d’appliquer ou l’obstruction aux actes des autorités du Travail. Ces infractions seront sanctionnées par une mesure de détention de six à quinze mois (Art. 512, 538).
ENTREPRISES SOUS CONTRÔLE OUVRIER : c’est le mécanisme établi par la loi pour faire face à la fermeture illégale ou frauduleuse d’entreprises et de centres de travail. Si le patron ne se soumet pas à l’ordonnance de reprise des activités productives, le Ministère du travail réunira les travailleurs pour former une instance d’administration et réactiver la production. Dans ce Conseil d’administration spécial est prévue la participation du patron. Si celui-ci s’y refuse, le contrôle revient totalement aux travailleurs. La loi prévoit la possibilité que l’État offre son assistance technique et participe à la gestion à travers les ministères compétents (Art. 149).
EN CAS DE DÉFAILLANCE, CE N’EST QU’APRÈS LE PAIEMENT DES TRAVAILLEURS et quand ceux-ci s’estiment pleinement satisfaits que les tribunaux peuvent désormais procéder à la déclaration de faillite. Le paiement des salaires est prioritaire par rapport à tout autre engagement de l’entreprise. (Art. 150-151).
CONTRE LE HARCÈLEMENT MORAL ET SEXUEL AU TRAVAIL. La loi les interdit tout autant et établit les sanctions. Elle définit le harcèlement au travail comme la pression constante et la conduite abusive exercée par le patron ou ses représentants ou un salarié portant atteinte à la dignité ou à l’intégrité bio-psycho-sociale d’un collègue. Le harcèlement sexuel est défini comme l’imposition d’une conduite sexuelle non désirée et non demandée, exercée de manière isolée ou de manière répétée par le patron ou ses représentants. La norme légale établit à présent que l’État, les travailleurs, leurs organisations sociales, les patrons sont dans l’obligation de promouvoir des actions qui garantissent la prévention, l’enquête, la sanction ainsi que la diffusion, le traitement, le suivi et l’appui aux dénonciations de harcèlement. (Art. 164-166).
(Source : Venezuela Infos)
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