La chambre sociale de la Cour de cassation a invalidé ce jeudi midi l'arrêt de la cour d'appel de Paris annulant, pour absence de motif économique, le plan social de l'éditeur de logiciels Viveo.
L'affaire ne s'arrête pour autant pas là. Le dossier devra être rejugé par la cour d'appel de Versailles qui statuera à nouveau en conformité avec l'analyse de la Cour de cassation.
Un combat social emblématique
Le combat des salariés de Viveo, entamé en 2010, est devenu emblématique de la contestation des plans sociaux non motivés par des difficultés économiques (licenciements boursiers ou de pure convenance dans les groupes bénéficiaires). A tel point que cette décision de la Cour de cassation — une petite révolution en droit du travail qui aurait fait jurisprudence si elle n'avait pas été désamorcée hier — était très attendue par les syndicats et les juristes, mais surtout par les entreprises qui refusent l'ingérence du juge dans leur gestion.
Un plan social injustifié
Les syndicats de l'entreprise contestent depuis 2010 un plan social visant 64 salariés sur les quelque 180 que comptait alors l'entreprise, annoncé quelques semaines après le rachat par le groupe suisse Tenemos. Selon eux, au moment du rachat, Viveo France était une entreprise en bonne santé, et le plan social n'était pas justifié par des motifs économiques.
En première instance, les syndicats avaient été déboutés de leur demande d'annulation du plan social. Mais en mai 2011, la Cour d'appel de Paris leur a donné raison, en stipulant dans son arrêt que "la procédure de licenciement collectif engagée par la société Viveo France le 10 février 2010 n'est pas fondée sur un motif économique".
Une vision restrictive du code du Travail
Le 11 avril, lors de l'audience de la Cour de cassation, l'avocat général s'était prononcé en faveur d'une cassation du jugement de la Cour d'appel de Paris. Le magistrat avait estimé qu'il fallait s'en tenir à la jurisprudence et que le juge ne pouvait suspendre un plan, donc les licenciements, qu'en cas d'insuffisance des mesures d'accompagnement ou de non respect de la procédure de consultation des représentants du personnel.
Les hauts magistrats de la Cour de cassation ont repris le raisonnement. Dans leur arrêt, ils interprètent le Code du travail en estimant que selon celui-ci, la validité d'un plan de licenciements est indépendant de ses causes ou de son absence de causes. "Seule l'absence ou l'insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique", écrit la Cour dans son arrêt.
La jurisprudence reste ouverte
"Le juge avait la possibilité de confirmer l'annulation du plan social, mais il s'en tenu à la lettre de la loi plutôt qu'à son esprit", regrette Philippe Richard, secrétaire (CGC) du comité d'entreprise de Viveo. "Il me semble que la décision de la Cour de cassation vise avant tout à limiter l'explosion du nombre de contentieux et à ne pas bouleverser le droit existant, juge Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail au barreau de Montpellier. Je trouve dommage qu'on en reste à un contrôle a posteriori. Cela revient à reconnaître qu'un PSE peut être lancé même quand l'entreprise n'a pas de problème économique."
Philippe Brun, avocat du CE de Viveo, a exprimé sa déception mais estime que le débat va se poursuivre. "La jurisprudence reste ouverte. Il y a un besoin de clarification des textes", a-t-il dit aux journalistes.
Cet arrêt est rendu alors qu'une vague de plans de suppressions d'emplois (au moins 50.000 licenciements prévus, selon la CGT et la CFDT), qui auraient été mis en sommeil pendant la campagne, est redoutée après l'élection présidentielle. Le chômage en France est déjà au plus haut depuis 1999 avec près de 2,9 millions de chômeurs en catégorie A et 5,3 millions d'inscrits à Pôle Emploi.
(Source : L'Humanité)
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