Plus de trois millions de personnes avaient tenté de calculer... 21,50 €, concrètement, quels produits de plus dans le panier, qu'améliorer avec 21,50 euros ? Du pain et des jeux, peut-être. Des tickets à gratter, une place de cinéma, un abonnement à Free. Sur le mois, même pas de quoi s'assurer la baguette. Une nuitée ou deux au camping, ce serait toujours ça de gagné dans la mesure où, contrairement à ce qui avait été annoncé, le blocage des prix de l'essence n'avait pas été effectué avant les vacances de juillet.
L'Humanité titrait : «Un coup de pouce n'est pas une pichenette». Jean-Luc Mélenchon, lui, s'emportait à son tour : «Vous pouvez vous payer un petit café par semaine. Vous pourrez trinquer, vous direz : merci, c'est ce que m'a donné Moscovici. Si vous achetez un Carambar tous les jours, vous pourrez dire : merci, c'est ça le Smic de la gauche».
Ça m'a marquée, j'avoue, le coup du Carambar. Pas seulement parce que 21,50 € ça sonnait comme une mauvaise blague. Peut-être parce que du haut de ses 15 centimes, le Carambar restait une denrée abordable, en dépit de l'augmentation de son prix de 2000% en quarante ans. Peut-être aussi à cause du fameux patriotisme économique dont il fallait faire preuve pour soutenir le projet de redressement productif d'Arnaud Montebourg.
A défaut d'être capable d'inventer un truc qui se vend en général, et dans le monde en particulier, le Français devait consommer français. Alors, oui, j'avoue, j'ai bloqué un chouïa sur le coup du Carambar. Peut-être parce que c'est représentatif, quelque part, de la réalité avec laquelle devait composer Arnaud Montebourg.
Le Carambar a été créée en 1954 dans le Nord par l'entreprise Delespaul. Depuis, l'usine de Marcq-en-Baroeul fabrique le milliard d'unités consommées à l'année. Cette sublime sucrerie que nous envient les dentistes des cinq continents ne s'exporte pas tellement. Une sorte de spécialité française, le Carambar.
Il a appartenu à la Générale Alimentaire, puis à la Générale Occidentale, puis à BSN devenu Danone. En 1988, Cadbury l'a racheté puis revendu au groupe américain Kraft Foods, qui le commercialise actuellement. Kraft Foods est le leader mondial de la confiserie.
J'ai pensé aux 21,50 euros dépensés en Carambar made in France, aux nombre de Smicards travaillant à l'usine de Marq-en-Baroeul, au chiffre d'affaire du groupe américain Kraft Foods, au nombre de zéro des sommes versées à chacun de ses actionnaires...
Kraft Foods appartenait surtout à la holding de Warren Buffett. Avec une fortune qui s'élevait à 44 milliards de dollars, Warren Buffett était le troisième homme le plus riche du monde.
En 2005, Warren Buffett avait dit sur CNN : «Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner».
J'ai pensé à François Hollande, aux 50 milliards d'économies sur cinq ans, aux euphémismes, paraphrases et autres astuces lexicales des membres du gouvernement pour ne pas prononcer les mots "rigueur" et "austérité", à Jean-Marc Ayrault qui déclarait : «La France n'est pas fichue».
(...) L'âme pèse, dit-on, 21 grammes. L'album souvenir de Normaland [1] coûte, quant à lui, moins de 20 euros. Le poids de la lassitude, comme le prix de l'espoir, par contre, je ne suis pas certaine que ça puisse se calculer.
Chloé Delaume - Arrêt sur Images
[1] Il s'agit du livre “François Hollande Président”, où le travail de photojournalisme effectué par Stéphane Ruet s'était transformé en journal intime de Valérie Trierweiler.
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