Nicole attendait beaucoup du revenu de solidarité active. Cette femme seule, mère d’un fils de 21 ans, enseigne durant 4 à 8 heures par semaine le français en BTS en tant que contractuelle, ce qui lui rapporte entre 200 et 500 € par mois. Le RSA inauguré il y a deux ans et demi devait, pensait-elle, lui rapporter plus que l’ancien RMI.
De fait, ce dispositif ambitionnait de ne plus seulement garantir aux personnes sans emploi des ressources minimales pour vivre, mais d’encourager les travailleurs qui ne parviennent pas à se hisser au-dessus du seuil de pauvreté en leur garantissant un complément de revenus. Aujourd’hui, Nicole déchante. «Certains mois, je gagne plus sans travailler (565 €) qu’en travaillant (500 €, soit 160 € de salaire et 340 € de complément RSA). C’est vraiment désespérant !»
Un dispositif mal adapté
La situation de cette quadragénaire n’est pas isolée. Son cas illustre bien les effets contre-productifs de l’outil de lutte contre l’exclusion. D’abord, parce que le RSA se cumule difficilement avec d’autres dispositifs de protection sociale et s’adapte mal aux réalités de vie.
Le fils de Nicole a dû s’installer en colocation à Lille pour suivre un cursus de master 2 en sciences physiques. Il a obtenu une aide au logement de 130 €. Mais pour la Caisse d’allocations familiales, l’étudiant n’est dès lors plus considéré comme un enfant à charge. Sa mère voit en conséquence son RSA amputé de 200 €, quand bien même doit-elle trouver chaque mois 100 € de plus pour compléter le loyer de son enfant.
Autre point mort du dispositif : les frais nécessaires pour se maintenir dans l’emploi ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’allocation. Or, Nicole, qui habite dans les environs de Dunkerque, doit parcourir 30 km en voiture pour se rendre sur son lieu de travail mais aussi acheter des livres, des cartouches d’encre, faire des photocopies… «J’aime mon métier et je ne souhaite pas être assistée, mais je vais bientôt payer pour donner mes cours», s’insurge-t-elle.
La pauvreté n’a pas reculé
Les critiques à l’encontre du minimum social se sont ainsi accumulées ces derniers mois. En novembre dernier, deux sociologues, Bernard Gomel et Dominique Méda, publiaient les conclusions d’une enquête de terrain auprès de bénéficiaires : les effets de seuil qui dissuadaient les bénéficiaires de l’ancien RMI de reprendre un emploi n’ont pas été supprimés, mais seulement déplacés.
Un mois plus tard, le comité d’évaluation du dispositif rendait un rapport final sans complaisance. Certes, la crise n’a pas aidé, mais selon le document, le RSA n’a pas permis de faire reculer la pauvreté. Tout juste a-t-il permis d’en atténuer «l’intensité»...
Il faut dire qu’il n’a pas été assorti d’une revalorisation du montant des aides. À la création du RMI, l’allocation représentait une moitié du salaire minimum. Aujourd’hui, le RSA socle ne dépasse pas 42% d’un Smic.
L’accès doit être moins restrictif
Le réseau d’associations Alerte, dont les représentants ont rencontré lundi pour la première fois la ministre des affaires sociales, s’inquiète de ce maigre bilan. Le collectif, qui en avril dernier interpellait dans nos colonnes les candidats à la présidentielle sur leurs objectifs de lutte contre l’exclusion, demande des changements concrets, à commencer par une revalorisation de 25% du RSA socle et un accès moins restrictif de celui-ci aux moins de 25 ans. «Nous souhaitons également que les caisses qui versent les allocations puissent se déplacer directement à la rencontre des personnes qui ne viennent pas réclamer leurs droits aux guichets, le plus souvent faute d’information», souligne Bruno Grouès, porte-parole du mouvement.
Certains chercheurs prônent un changement d’approche. Pour Bernard Gomel et Dominique Méda, un aménagement du RMI, avec une concentration de moyens sur l’accompagnement des personnes bénéficiaires et un recentrage de la prime pour l’emploi sur les seuls travailleurs pauvres, aurait obtenu de meilleurs résultats que le RSA. Un avis auquel se range le sociologue Nicolas Duvoux, pour qui seules des mesures fiscales pourront efficacement lutter contre l’exclusion liée au sous-emploi.
(Source : La Croix)
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