Le plan stratégique dévoilé début juillet 2012 par le directeur général de Pôle emploi, Jean Bassères, inquiète usagers et associations. Il prévoit, pour une partie des inscrits, “une offre de services 100% Web pour certains demandeurs d’emploi volontaires”. Et ajoute : “Des actions de promotion seront menées pour inciter à l’inscription et au renseignement de la demande d’allocation en ligne”.
La fiabilité du système mise en cause
Au-delà du fait que certains usagers ne sont pas encore familiers d’Internet, des inquiétudes se font jour sur la fiabilité du système. Témoin ce mail reçu récemment par ce cadre au chômage, émanant d’une conseillère de l’Apec, qui assure le suivi d’un groupe de cadres inscrits à Pôle emploi et qui le met en garde : “Je tenais à vous rappeler que vous devez déclarer sur votre espace personnalisé Pôle emploi vos congés de plus de sept jours […], et ce soixante-douze heures avant votre départ. […] Soyez donc très vigilant, d’ailleurs je vous conseille fortement de doubler votre déclaration Web d’une lettre avec accusé-réception adressé à l’agence Pôle emploi”.
Initiative personnelle ou reflet d’une réalité ? Quoiqu’il en soit, ce courriel met en cause la fiabilité de la relation de l’usager avec l’institution via Internet.
Plus de radiations administratives ?
Sylvette Uzan, membre du bureau national FSU-SNU et conseillère à Pôle emploi, y voit une défiance dont l’origine remonte à un an. Elle se souvient que “la mise en place du courrier dématérialisé en juillet 2011 a eu pour effet immédiat un saut de plus de 25% de radiations administratives”. Pôle emploi a réfuté cette accusation : “Le lien entre la hausse de juillet 2011 et la dématérialisation est impossible. Tout simplement parce que nous avons mis en place les premiers courriers dématérialisés lors de la dernière semaine de juin 2011”. Et d’expliquer que, en raison des différents délais d’envois et de relance, “il y a au minimum trois semaines entre la première convocation et un éventuel avis de radiation. La vraie raison est que les mois de mai et juin coïncidaient avec le plan pour les chômeurs de longue durée lors desquels ils étaient tous convoqués. Ces convocations ont été très suivies par les demandeurs ce qui a conduit à un faible niveau d’absence aux entretiens. À partir de juillet, nous avons de nouveau retrouvé des profils “normaux”, et donc des chiffres assez proches de ce qu’on constate habituellement sur ces périodes”, selon Pôle emploi.
Le collectif les Autres Chiffres Du Chômage (ACDC) pointait pourtant, dans un rapport de septembre 2011, une hausse des radiations de 7,2 points par rapport à juillet 2010. Il y voyait là, comme Sylvette Uzan, une troublante “coïncidence” que n’expliquait pas à elle seule la justification de Pôle emploi sur la fin de l’action en direction des chômeurs de longue durée.
Un défaut d’information ?
“La dématérialisation a fait des dégâts considérables”, renchérit d’ailleurs Rose-Marie Pechallat, administratrice du site/forum Recours Radiation, qui permet à des demandeurs d’emploi en difficulté d’échanger conseils et avis. Elle pointe surtout l’insuffisance de l’information envers les inscrits : “Les demandeurs d’emploi ne se rendent pas tous compte qu’ils ne seront plus du tout prévenus par courrier et qu’ils doivent consulter leur espace personnel sur le site de Pôle emploi”, explique-t-elle. D’autant que, précise-t-elle, certaines informations leur parviennent parfois encore par la poste, augmentant ainsi la confusion.
Une solution : annuler sa dématérialisation... Pôle emploi répond pourtant que l’assentiment du demandeur d’emploi est toujours nécessaire pour la mise en place de la dématérialisation, et qu’il lui reste la possibilité de “l’annuler à tout moment, soit en agence, soit au 3949 ou encore depuis l’espace personnel”. Pourtant, devant la polémique, “la direction a dû donner des consignes de modération après avoir poussé au passage au tout par e-mail”, soutient Sylvette Uzan. Les nouveautés du "plan stratégique Pôle emploi 2015" risquent encore d’attiser la méfiance.
Vers une nouvelle règle pour les notifications de radiation ?
Quand la radiation intervient-elle ? Cette question devrait être réglée à la rentrée 2012. Pour Pôle emploi, la radiation se situe au moment “du fait générateur”, c’est-à-dire le jour de l’absence à une convocation par exemple, et non au moment de la notification, c’est-à-dire à la date de réception du courrier. Conséquence : des demandeurs d’emploi radiés, puis parfois réintégrés après réclamation, mais qui ont dû auparavant rembourser un trop perçu.
Le médiateur de Pôle emploi a demandé de “mettre la date d’effet des radiations en conformité avec la loi” (en se référant aux jurisprudences) en respectant la règle de “la prévalence de la date de notification”. Jean Bassères est pour. Vincent Destival, directeur général de l’Unédic, est moins affirmatif : “Selon le médiateur, suspendre l’allocation est une sanction, elle est donc incompatible avec la rétroactivité”. Mais une autre analyse de ses collaborateurs) estime que “l’allocation est versée en contrepartie d’actes positifs de recherche d’emploi. Donc, si le demandeur d’emploi ne remplit pas ses obligations, c’est le moment où il a interrompu ses actions, le fait générateur, que l’on doit prendre en compte”. Vincent Destival affirme que ses services planchent sur les différences jurisprudences et options, tout en essayant de raccourcir les délais de notification. Une proposition doit être faite après l’été.
Un tiers des sorties ne concernent ni la reprise d’emploi, ni la formation
Dans un document rendu public le 10 juillet (voir en commentaire), Pôle emploi offre enfin une vision claire des motifs de sorties des listes de demandeurs d’emploi des catégories A, B et C. En décembre 2011, les motifs de sorties pour reprise d’emploi représentaient 46,8% des sorties totales. Une proportion stable sur l’année. Fin 2011, les sorties pour radiation administrative s’établissent à 1,6% du total, auxquelles il convient d’ajouter celles pour “autres motifs” qui concernent 4,5% de l’ensemble.
Plus problématique, celles pour défaut d’inscription suivi d’une réinscription demeurent à un niveau élevé, soit 16,5%, en légère baisse sur l’année. Un motif qui a souvent des conséquences en termes de trop-perçu pour les chômeurs concernés. Au final, hors reprise d’emploi, mise en formation, départ à la retraite et non renouvellement volontaire, les autres causes de sorties représentent tout de même plus de 30% des départs des listes de Pôle emploi.
(Source : Pourseformer.fr)
NDLR : En page 10 de la dernière note mensuelle de la Dares/Pôle Emploi, à fin mai 2012, on peut voir que l'ensemble des «cessations d'inscriptions pour défaut d'actualisation», «radiations administratives» et «autres cas» représentait 63% du volume total des sorties et touchait plus de 290.000 chômeurs. Alors que le motif de sortie pour «reprise d’emploi déclarée» ne représentait qu'à peine 20% du total. Allez comprendre...
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