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Travail saisonnier : une mise en concurrence de la précarité

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Chaque été, on compte entre 1,2 et 2 millions de saisonniers qui permettent à l’économie touristique de tourner, souvent au détriment de leurs droits.

Vendeurs de beignets, employés de l’hôtellerie ou cueilleurs de fruits : l’été, une armée d’employés précaires déferle dans les régions touristiques ou agricoles. On dénombre entre 1,2 et 2 millions de ces travailleurs qui déclarent pour 65% d’entre eux ne pas connaître le Code du travail.

Pour la Communauté économique européenne (CEE), le travail saisonnier désigne «un travail qui dépend du rythme des saisons et se répète chaque année». Mais le flou juridique qui entoure ces emplois favorise le travail dissimulé et les manquements au règlement.

Pour informer ces travailleurs qui espèrent obtenir un salaire conséquent en une saison, souvent au mépris de leurs droits, la CGT a sillonné la France à bord d’une «caravane des saisonniers» du 6 au 18 juillet. Le contact a également été établi avec les vacanciers et les employeurs, qui s’avouent parfois ignorants de la juridiction. D’autres syndicats comme la CFDT organisent aussi chaque année des campagnes de sensibilisation dans tous les lieux où l’activité saisonnière est forte : exploitations agricoles, foires, festivals, parcs d’attractions, campings.

Des actions plus originales voient le jour afin d’informer de manière ludique un public de vacanciers. La troupe des Z’en Trop, composée de saisonniers, joue ainsi une pièce intitulée «Comment ils ont inventé le chômage». Richard Dethyre, qui a écrit la pièce, donne une scène pour exemple : «On montre qu’à Pôle Emploi, les habits qui sont offerts sont trop étroits. Le Z’en Trop poète compte alors les chiffres réels du chômage et arrive à 8,5 millions de chômeurs.»

La moitié du salaire part en fumée

Sabine Génisson, membre de la CGT et passagère de la caravane, explique : «8% des employeurs seulement logent les saisonniers, et pas forcément dans des conditions enviables. J’ai recueilli le témoignage d’un jeune sans contrat qui était logé dans un hangar». Les saisonniers, souvent jeunes, peinent à se loger lorsque l’emploi n’est pas à proximité de chez eux. Une enquête réalisée durant l’été 2007 par la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) révèle ainsi qu’un tiers des saisonniers vit de manière précaire dans des campings, peu adaptés au repos nécessaire après une journée de travail. Selon Richard Dethyre, les saisonniers consacreraient en moyenne 56% de leur salaire à se loger.

Le salaire n’est pas forcément adapté à ces conditions de travail. Les heures supplémentaires ne sont pas payées dans 25% des cas, selon les chiffres de la CGT. Pierre, étudiant en licence qui a fait la récolte des framboises cet été pour financer ses vacances, raconte : «Je devais en théorie travailler de 6 heures à midi mais en pratique, je pouvais travailler jusqu’à 16 heures. J’étais payé à la barquette : 40 centimes pour 250 grammes. Être saisonnier, c’est travailler plus pour gagner autant…» D’autant plus que les saisonniers, payés au Smic lorsque ce n’est pas à la tâche ou au kilogramme, ne bénéficient pas de la prime de précarité à laquelle ont droit les CDD classiques.

Une population très hétérogène

Alors que l’image du saisonnier toujours bronzé, sur la plage l’été et sur les pistes de ski en hiver est trompeuse, peu parviennent à conserver leur emploi d’une année sur l’autre. Richard Dethyre, co-animateur du deuxième Forum social des saisonniers, milite pour une clause de reconduction des contrats «qui sécuriserait et professionnaliserait les saisonniers. Cela leur permettrait de ne pas être comme aujourd’hui la variable d’ajustement en toutes circonstances.»

Il ajoute : «Les saisonniers ne sont pas une population homogène. Tous n’ont ni la même histoire, ni le même parcours professionnel ou social. Moins de saisonniers sont embauchés, plus ont des difficultés sociales. Cela pose la question de la sécurisation des parcours professionnels.»

Les étudiants, qui travaillent de plus en plus pour se payer leurs études, côtoient des travailleurs précaires, des chômeurs et même des retraités. Pierre raconte ainsi avoir travaillé à la fois avec des femmes de 55 et 64 ans et avec des jeunes de moins de 20 ans. Le travail saisonnier donne lieu à une véritable mise en concurrence de la précarité. Corinne Helliot, chargée de mission pour Alatras, explique : «En été, il s’agit souvent de non-professionnels, qui côtoient des personnes dans la précarité et des personnes installées sur ces territoires. Ces dernières, poussées à la pluriactivité, vont s’installer peu à peu dans leurs emplois». Sabine Génisson ajoute : «Désormais, les étudiants font cela pour vivre. Ils travaillent avec des seniors qui doivent retrouver un emploi avant la retraite, et avec des retraités qui ont des salaires trop peu élevés. Beaucoup de femmes sont également contraintes au travail saisonnier».

Pour Richard Dethyre, le travail saisonnier est emblématique d’une précarisation plus large du travail. Alors que 77% des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête de la JOC affirment que le travail saisonnier n’a pas été un choix, la question de la saisonnalité subie se pose. Il convient de réviser les clichés qui entourent les travailleurs de l’ombre sur nos plages et dans nos bars à l’aune de cette réalité.

(Source : Politis)

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Mis à jour ( Vendredi, 10 Août 2012 13:24 )  

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