Voici la lettre ouverte qu'un de nos membres actifs a adressée à François Hollande ainsi qu'à Marisol Touraine et Marie-Arlette Carlotti.
Le soussigné, membre actif de l’association APNÉE/Actuchomage, a l’honneur de porter à votre connaissance des dysfonctionnements relatifs à l’application du RSA dans de nombreux Départements.
Par ce courrier, je me positionne simplement en tant que lanceur d’alerte.
Aussi, je me contenterai d’énumérer les principales méthodes utilisées pour «éliminer de leur droits sociaux» les ayants-droits, ce qui est une manière détournée d’amener les demandeurs à ne plus faire de démarches (ce non-recours aux droits que l’on fait mine de déplorer).
Le RSA, élaboré par votre prédécesseur Nicolas Sarkozy, vous a été présenté par Martin Hirsch. Ce dernier avait pris soin de le rendre à la fois très complexe à l’encontre des ayants-droits, et particulièrement perméable quant à son application par les présidents des Conseils Généraux, leur donnant ainsi la possibilité de l’interprêter à leur guise.
Le RSA, au lieu d’aider les demandeurs à se réinsérer et leur permettre de rebondir, a créé plus de précarité en rendant les pauvres encore plus pauvres. Il suffit simplement de s’attarder sur l’application des 3% du montant des capitaux dans le calcul du RSA (articles R.132-1 et R.262-6 du code de l’Action sociale et des familles). Les personnes au RSA n’ont plus aucun intérêt à maintenir ouvert un Livret A ou un LEP, puisque les intérêts annuels acquis sont récupérés par le Département en totalité (et tout au long de l’année !), auxquels se rajoute la fraction des 3% manquante (0,25% sur le capital du LEP et 0,75% sur celui du livret A).
Vous avez préféré augmenter le plafond du Livret A, alors que cela n’intéresse que peu de gens, et non le taux d’intérêt. Cette application des 3%, outre le fait qu’elle est particulièrement injuste et, de mon point de vue, anticonstitutionnelle, pousse les pauvres à dépenser leur faibles économies car maintenir un livret à ces conditions n’a plus aucun sens.
Les services d’insertion des Départements pratiquent ce que je nomme «l’élimination sociale des ayants droits».
Quelques pratiques largement utilisées :
• Le calcul des droits se base sur le salaire brut au lieu du net perçu.
• Falsification des déclarations des ressources trimestrielles établies sur l’honneur par le demandeur, en lui rajoutant à ses dépens des revenus fictifs pour le déplafonner. Ce qui permet de minorer ou enlever le RSA.
La loi punit quiconque se rend coupable de fraudes ou de fausses déclarations (articles L.262-50 à L.262-53 du code de l’action sociale et des familles), mais quand un président de Département falsifie les déclarations trimestrielles de ressources, il peut le faire sans être inquiété !
• Au lieu d’appliquer les critères d’éligibilité au RSA établis par la loi, les départements en inventent d’autres : les retraits ou dépôts des dossiers de demande sont refusés (les services ne les prennent même pas pour les enregistrer et les étudier) en opposant aux demandeurs des critères d’éligibilité fallacieux tel, par exemple, «vous êtes au régime du réel»...
• Il ne s’agit plus de tenir compte de la seule période de trois mois prévue à l’article R. 262-7 du CASF, mais d’une période parfois de plusieurs années !
• Il ne s’agit plus de tenir compte uniquement des revenus perçus pour ceux qui travaillent en tant que salariés ou assimilés salariés, mais de rajouter des revenus de dividendes jamais perçus ou d’assimiler le patrimoine d’une société au patrimoine du demandeur.
- De violer systématiquement les décisions de justice, fussent-elles du Conseil d’Etat et même si certaines font jurisprudence.
Les demandeurs n’ont aucun moyen de faire appliquer les décisions de justice qui condamnent les présidents des Départements. Ils en abusent et font durer les procédures car ils tablent sur l’essoufflement des demandeurs qui finissent par abandonner et ne demandent plus rien. Quant à ceux qui s’obstinent, c’est sans fin et la durée se compte en années. Il faut aller jusqu’au Conseil d’Etat et les Départements n’hésitent pas à dépenser des centaines de milliers d’euros dans de telles procédures pour n’avoir pas à payer quelques milliers d’euros. L’argent des contribuables est ainsi dilapidé, sans aucun contrôle.
Quand le Département prend une décision et que le demandeur fait un recours administratif amiable, son recours est systématiquement refusé et le plus souvent aucune réponse n’est faite. Il engage alors une procédure en référé suspensif, car il n’a plus le versement de l’allocation RSA. Si le juge du tribunal administratif condamne le Département à réexaminer les droits à l’allocation RSA avec une astreinte, le Département répond tout de suite en disant qu’il procède au réexamen et du coup lève l’astreinte sans avoir rien à payer. Au bout de 2 mois, alors que le demandeur ne perçoit toujours rien, le Département l’informe que le réexamen a abouti aux mêmes conclusions qu’il avait formulées, avec les mêmes arguments, et refuse d’accorder l’allocation alors qu’il a été condamné pour cela. Sur le plan juridique, il a respecté la décision de justice, peu importe qu’il en viole l’esprit !
Le demandeur n’a pas d’autre possibilité que de recommencer une nouvelle procédure. C’est donc sans fin.
Lors de votre campagne présidentielle, vous vous êtes engagé à ne laisser personne sur le bord de la route, à moraliser la vie politique en exigeant des élus l’exemplarité. Le soussigné pense que, puisque vous exercez aujourd’hui les fonctions de Président de la République, rien ne pourrait s’opposer à ce que vous exigiez l’abrogation de cette loi sur le RSA. Elle est mauvaise, et de plus mal appliquée.
Vous avez engagé une conférence sur la lutte contre la pauvreté et les exclusions qui se tiendra les 10 et 11 décembre 2012. Vous pouvez innover, inventer, et c’est ce que tout le monde attend, un accompagnement qui respectera les plus pauvres.
Je parle en connaissance de cause. En effet, j’ai créé ma société en octobre 1992 (projet innovant avec un brevet dont je suis l’inventeur). J’ai rencontré des difficultés de trésorerie en 1994 et me suis retrouvé sans ressources. J’ai alors déposé une demande de RMI en mars 1999. Mon savoir-faire est unique au monde, à très forte valeur ajoutée, mes qualifications exceptionnelles et au lieu de m’accompagner, m’aider à concrétiser un innovant projet industriel (si j’étais parti aux Etats-Unis en 1992, des dizaines d’emploi auraient été déjà créés !), le Département a déployé toute son énergie (et des centaines de milliers d’euros dépensés) à nier mes droits. Pendant plus de 13 ans, j’ai vécu avec moins de 5 euros par jour, et ce n’est qu’au prix de sacrifices hors du commun qu’aujourd’hui mon entreprise est viable. Par deux fois le Conseil d’Etat, après plus de 10 ans de procédures, a condamné mon Département. Ces décisions de la plus haute juridiction ont été systématiquement violées. L’une des deux fait jurisprudence et, malgré cela, tous les Départements n’en ont pas tenu compte dans l’instruction de dossiers similaires au mien.
L’insertion passe par le monde du travail. Il est regrettable que les Départements fassent preuve d’une telle ignorance et que les Présidents se comportent comme des petits roitelets. Ils en oublient que le droit, c’est le droit — et il doit s’appliquer —, non une aumône que l’on jette aux pauvres.
Le soussigné pense qu’il est important que vous recentriez le débat et l’action sociale sur les fondamentaux, mais pour cela je crains que vous ne soyez amené à faire table rase. Il faut du courage.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’hommage de mon profond respect.
Joseph SEVILLA, membre d’APNÉE/Actuchomage
DERNIÈRE MINUTE : Une pétition circule : RSA, STOP AUX SUSPENSIONS !
Signez-la ici => http://www.petitionpublique.fr
Nous, Actuchomage, l'avons signée.
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