Gilles, chômeur de 57 ans, signe son quatrième coup de gueule sur Actuchomage. Il en a validé le titre et l’illustration.
«Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d'abord» (1), qu’il nous a sorti dernièrement le Macron.
Il se dit déterminé à se «battre» sans prendre le risque de perdre son combat devant l’Assemblée. Craignant de voir son projet de loi retoqué par la représentation nationale, il est passé en force avec l’article 49-3. Petit bras !
Et lui «l’immunisé du chômage» par son statut ultra privilégié d’énarque et d’Inspecteur des Finances, le voilà qui nous donne la leçon sur la posture à adopter face à la perte d’un emploi. Comme si Liliane Bettencourt prodiguait ses conseils aux smicards pour ne pas finir dans le rouge en fin de mois. Désopilant !
Eh bien, Monsieur Macron, je vais vous conter la vraie vie du vrai chômeur que vous ne serez jamais. D’un demandeur d’emploi du bas de l’échelle, accroché à son RSA comme une moule à son rocher.
Moi, Monsieur Macron, je n’attends rien des autres qui pourtant m’empoisonnent la vie avec leur contrôle social. Tout ça pour moins de 400 euros par mois d’allocations, de quoi ne pas crever de faim.
Tous les deux mois, je dois rendre des comptes sur mes recherches d’emploi auprès du centre d’insertion qui me suit à la demande du département qui subventionne ma misère.
Tous les trimestres, j’ai obligation de déclarer l’ensemble de mes ressources et de mes avoirs à la CAF (Caisse d’allocations familiales) qui, en fonction, fixe le montant de mon RSA.
Vous savez quoi Monsieur Macron ? Comme j’ai mis de côté 30.000 euros (en 33 ans de boulot) dans lesquels je pioche pour me tenir à flot, la CAF défalque de mon RSA annuel 3% de ce montant (c’est la règle), c’est-à-dire 900 euros par an ou encore 75 euros par mois, sous prétexte que je touche des intérêts de mes «juteux placements».
En réalité, Monsieur Macron, mes 30.000 euros ne m’en rapportent pas la moitié. Mon RSA est donc amputé injustement de 500 euros par an que je n’ai jamais perçus.
Et quand ce n’est pas le centre d’insertion qui me convoque, c’est chez Pôle Emploi que je dois traîner ma carcasse.
Là encore, passage en revue de mes actes positifs de recherche, de mes candidatures spontanées, de mes investigations, de mes réponses…
Tous les mois, Monsieur Macron, je perds une demi-journée à me justifier, à expliquer encore et toujours que personne ne veut embaucher un vieux de 57 ans. C’est bien simple, je n’ai pas obtenu un seul entretien ces 5 dernières années. Mon CV est invariablement éliminé de la liste des postulants. Pas pour insuffisance de références professionnelles et savoir-faire probants, juste pour une question d’âge.
Monsieur Macron, cela fait 8 ans que je me bats au quotidien pour retrouver un emploi digne de ce nom, que je suis ouvertement discriminé des procédures d’embauche, que je n’en dors plus, que j’en suis malade tellement mes démarches infructueuses me minent le moral, me désespèrent.
Et vous savez quoi Monsieur Macron ? Je suis condamné à double peine car ces années que je passe au RSA ne m’ouvrent aucun droit à la retraite.
J’ai été un travailleur au revenu modeste. Je suis un chômeur enraciné sous le seuil de pauvreté. Je serai un «retraité» miséreux. Je mourrai indigent. Voilà la perspective des 10, 20 ou 30 ans qu’il me reste à vivre.
Je n’en aurai certainement pas le courage Monsieur Macron. À force de se battre, on s’épuise, on se résigne peu à peu à l’inéluctable. La corde au cou, une balle dans la tête, une capsule de cyanure, un cocktail mortel de médicaments… ? J’ai passé en revue toutes les possibilités de me foutre en l’air pour en retenir une.
On me retrouvera probablement, un jour ou l’autre, pendu à la branche d’un chêne en forêt de Melun-Sénart. J’ai repéré l’endroit. L’arbre centenaire n’attend que moi.
Le seul infime espoir que je caresse encore, est qu’un jour on vire les comme vous à grands coups de pied où je pense. La France a su le faire parfois, se débarrasser des arrogants, des possédants, des donneurs de leçon profiteurs du système inégalitaire auquel ils nous soumettent. Je crains malheureusement qu’elle n’en aie plus la volonté, la capacité, tant les comme vous Monsieur Macron ont gagné la bataille.
En 2015, la lutte des classes est toujours d'actualité, sauf que ce sont les riches et les nantis qui l’ont remportée.
Plus que mon statut de pauvre, de chômeur, de Rsaste, cette cruelle défaite me désole. Le jour où je n’y croirai vraiment plus, je partirai me perdre en forêt de Melun-Sénart…
Gilles – 57 ans
Chômeur depuis 8 ans qui survit avec quelques centaines d’euros par mois.
(1) Propos tenus face à Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV. Mercredi 18 février.
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