«Nous sommes subrepticement engagés dans un processus de décrochage qui peut nous conduire, si rien n'est fait, à une situation difficilement réversible.» C'était il y a un an, le 19 octobre 2004, au ministère de l'Economie. Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI, remettait son rapport à Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances. Commandé cent jours plus tôt, ce rapport baptisé «Le sursaut» traçait les grandes lignes de la réforme que devait appliquer la France pour renouer avec la croissance.
Michel Camdessus et la vingtaine d'experts qui a travaillé avec lui avaient alors identifié quatre chantiers prioritaires : développer l'économie de la connaissance, réformer le marché du travail, libéraliser celui des biens et services et «agiliser» l'Etat. Ils recommandaient aux pouvoirs publics d'avancer de front sur tous ces sujets, car seule une réforme globale peut, à leurs yeux, être efficace.
Un an plus tard, la méthode recommandée n'a été suivie que de loin. Si le gouvernement de Dominique de Villepin met mieux ses réformes en perspective que son prédécesseur, elles sont, de l'avis de nombreux membres du groupe Camdessus, encore trop timides. Ils reprochent en particulier au premier ministre d'être trop en retrait sur la réforme de l'Etat et l'assainissement des finances publiques. Sur ce sujet, bien que la Commission européenne, l'OCDE, les commissions des Finances du Parlement tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs années déjà, le gouvernement en est encore au stade des audits et des enquêtes. Thierry Breton, le ministre des Finances, a ainsi confié une mission de réflexion à Michel Pébereau, le président de BNP Paribas, sur la dette publique, à laquelle participe... Michel Camdessus. Pendant ce temps, le projet de loi de finances pour 2006 ne présente guère de signes d'assainissement. Le nombre de fonctionnaires, malgré 77.000 départs à la retraite, ne diminue pas sensiblement. En revanche, sur la première priorité citée dans le rapport Camdessus, l'économie de la connaissance, les membres du groupe de travail soulignent plusieurs avancées positives comme l'émergence des pôles de compétitivité poussés par un autre rapport, celui que Jean-Pierre Raffarin avait demandé au député Christian Blanc, l'ancien président d'Air France, ou encore le projet de loi sur la recherche et la relance de l'apprentissage. Ils regrettent toutefois que l'autonomie des universités n'ait pas davantage avancé.
Concernant le marché du travail, ils reconnaissent que plusieurs réformes vont dans le sens de leurs recommandations : la mise en place du contrat nouvelles embauches, le plan de développement des services à la personne, la réforme de la prime pour l'emploi, le prochain contrat de travail réservé aux seniors ou la réforme du service public de l'emploi.
Sur tous ces sujets, plusieurs rapports ayant précédé celui de Michel Camdessus – Marembert, Virville, Cahuc-Kramarz... – avaient préparé le terrain. Les membres de la mission Camdessus regrettent toutefois que toutes ces réformes soient présentées de manière pointilliste, parfois pas encore définitive comme c'est le cas pour le contrat nouvelles embauches.
Sur le volet libéralisation du marché des biens et des services, jugé trop cloisonné et réglementé en France, tout ou presque reste encore à faire. Pour autant, les deux benjamins du groupe Camdessus, Bertrand Badré, banquier chez Lazard, et Alexandre Saubot, directeur général de Pinguely Haulotte (fabricants de nacelles élévatrices), essaient de rester optimistes : «La réforme n'avance pas vite, mais le ver est dans le fruit.»
(Source : www.lefigaro.fr)
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