Objectif, traiter les dossiers le plus vite possible. Quitte à léser les demandeurs d’emploi, qui de toute façon n’y verront que du feu... Telle est la dérive pernicieuse organisée par la direction de l’ASSEDIC, afin d’augmenter la productivité des agents qui «liquident» les dossiers de demande d’allocation chômage.
La réglementation de l’assurance chômage est complexe, tout comme les parcours des salariés qui alternent de plus en plus périodes de chômage et contrats temporaires. Pour calculer le montant et la durée de l’allocation d’un chômeur, l’agent ASSEDIC doit faire l’inventaire de toutes ses périodes travaillées et de ses salaires sur au moins deux ans. Mais la plupart des chômeurs ignorent ces règles, et viennent avec des pièces justificatives insuffisantes. Auparavant, l’agent ouvrait des droits sur la base de ces papiers, mais demandait au chômeur toutes les pièces complémentaires susceptibles d’augmenter les droits. Depuis le début des années 2000, les cadres de l’ASSEDIC ont fait passer des consignes de «simplification des procédures». Sous prétexte d’aller plus vite pour rendre service au chômeur, ils poussent les agents à aller moins loin dans l’inventaire des périodes de travail, et arrondissent la prise en compte des salaires.
«Sous cette pression, la cuture professionnelle des agents a changé, raconte un salarié ASSEDIC de Bretagne. L’attachement à la réglementation baisse, l’objectif est d’aller vite. Les agents sont évalués au nombre de dossiers traités, ils sont mal vus et n’auront pas de promotion s’ils perdent du temps à étudier à fond les dossiers. Avec l’individualisation du travail, ils sont de plus en plus isolés et ont peur de s’opposer. J’ai été accusé par un chef d’être un harceleur d’allocataire, parce que je demandais trop de pièces !» Un agent de Normandie confirme : «J’ai travaillé dans la sidérurgie. Je retrouve aux Assedic la même course à la productivité !»
«Le dossier est traité rapidement, il y a donc une qualité apparente du travail aux yeux du chômeur, mais pas une qualité réelle puisqu’il a pu être lésé au passage», dénonce Stéphane Guillou, délégué CGT à l’ASSEDIC de Nantes. Les principales victimes sont les travailleurs précaires, dont les dossiers sont les plus complexes. «Il peut arriver qu’un précaire se voie refuser toute allocation, alors qu’il y aurait droit si on étudiait son passé, explique un agent. Plus souvent, la simplification peut diminuer le salaire. Il peut s’agir de deux ou trois euros, mais ça compte quand l’allocation est très faible.»
«Il est impossible de quantifier les conséquences de ces simplifications, mais c’est une question de principe, appuie Denis Lalys, de la fédération CGT des organismes sociaux. Le rôle de l’assurance chômage est-il de faire des économies ou d’être au service des demandeurs d’emploi, en respectant leurs droits ?» Le pire, c’est que ces petits arrangements avec la réglementation de font pas de vagues. D’abord, les chômeurs sont rarement en mesure de s’apercevoir eux-mêmes des «erreurs», ils font confiance... L’ASSEDIC joue sur cette ignorance. «Et si par hasard un allocataire apporte une pièce supplémentaire, on va régulariser la situation automatiquement, et rétroactivement, explique l’agent de Bretagne. Il n’y a aucune notion de réclamation, aucun contentieux.»
(Source : L'Humanité)
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