L'Expansion : Pourquoi pensez-vous qu'il faut dire non aux restaurateurs sur la baisse de la TVA ?
Alain Trannoy : C'est une très mauvaise mesure, pour plusieurs raisons. Et d'abord en matière d'emploi, parce qu'elle est très coûteuse par rapport à son efficacité. Même si la baisse de la TVA était intégralement répercutée dans le prix au client – ce qui n'a pas été le cas dans le bâtiment –, on pourrait attendre, compte tenu de l'élasticité de la demande dans la restauration, la création de 33.000 emplois au maximum. Mais surtout, ces emplois vont coûter très cher! Si on rapporte l'hypothèse des 40.000 créations d'emplois promises par l'industrie hôtelière, au coût de la mesure pour les finances publiques, environ 3 milliards d'euros, cela fait 70.000 euros par emploi. C'est très cher pour un emploi rémunéré au Smic hôtelier. En terme d'emploi, il est plus efficace et moins coûteux d'exonérer les charges. Seulement baisser la TVA, c'est plus intéressant pour les restaurateurs, qui pourraient augmenter leurs marges bénéficiaires. Est-ce dans l'intérêt des contribuables ? Sur cette question, j'ai des réserves.
L'Expansion : Quels sont les autres arguments ?
Alain Trannoy : Dans un contexte délicat pour les finances publiques, il ne faut pas baisser la matière fiscale qui n'est pas susceptible de faire fuir le capital à l'étranger. Or le restaurateur qui entend servir le client français ne va pas aller s'installer en Angleterre ! Et si vous, client, avez envie de sortir à Paris, vous n'allez pas manger à Londres ou à Amsterdam. Par ailleurs, la gastronomie française est très réputée dans le monde et les étrangers sont nombreux à venir manger en France. Un repas sur 10 est consommé par un touriste. En payant une taxe à 19,6%, les touristes étrangers financent en partie la dette française. Pourquoi s'en priver ?
L'Expansion : Les restaurateurs se plaignent d'une concurrence déloyale de la restauration rapide qui bénéficie de la TVA à 5,5%…
Alain Trannoy : Les produits alimentaires à 5,5% sont consommés par une clientèle populaire. Or quelle est la clientèle qui va le plus souvent au restaurant ? Ce sont les classes aisées et urbaines. Les 10% des ménages les plus riches dépensent trois à cinq fois plus que les 10% des ménages les moins aisés. Baisser la TVA revient donc à baisser le prix des biens et services consommés par les plus aisés. Donc l'équité fiscale n'y trouve pas son compte non plus. Il n'y a vraiment aucun argument pour cette baisse dans la restauration. C'est vraiment une mesure qui va à l'encontre du bon sens économique.
(Source : L'Expansion)
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