Il est plus de 18 heures et l'audience à juge unique s'étire depuis 13h30. Il reste encore une demi-douzaine de dossiers et l'impatience commence à gagner les rangs dans la salle d'audience. «Vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ?», demande à deux reprises la présidente du tribunal. Michel Bayle sait bien et tient à s'excuser, lui qui s'est aspergé d'essence et a brandi un briquet, au matin du 26 octobre dernier, à l'ANPE de Bordeaux-Bacalan. Le geste avait beaucoup marqué les conseillers à l'emploi présents.
Hier, à la barre, le chômeur de 47 ans qui comparaissait pour «mise en danger de la vie d'autrui» a répété les motivations de son geste de révolte. Il venait d'être radié parce qu'il ne s'était pas présenté à un rendez-vous fixé par l'ANPE. Ce jour-là, il travaillait. En intérim. On lui avait affirmé qu'il était radié pour plusieurs mois, qu'il ne pouvait se réinscrire, qu'il ne pourrait pas toucher ses allocations Assedic. Il n'avait plus qu'à «aller chercher des tickets restaurant» auprès des organismes sociaux.
«Protéger la société». Alors, «sans colère», assure-t-il, il est allé chercher un bidon d'essence. Il est revenu, a demandé à tous les chômeurs de sortir, puis a menacé de se mettre le feu. L'aurait-il vraiment fait ? Un conseiller à l'emploi a attrapé le briquet à temps et Michel Bayle a été interpellé. On l'a conduit à l'hôpital pour examens psychologiques, mais aussi pour soigner les plaies causées par l'essence, qui brûle la peau même lorsqu'on ne l'enflamme pas.
Le soir même, il a pris la poudre d'escampette lorsqu'on lui a promis un transfert à l'hôpital psychiatrique Charles Perrens. Il a alors alerté les médias. Le lendemain, il s'était représenté à l'ANPE, pour s'expliquer.
Hier encore, devant le tribunal, il a raconté ses cinq dernières années passées de contrats à durée déterminée (CDD) en missions d'intérim. L'impossibilité pour lui d'accéder à son rêve : décrocher un boulot stable. Si les raisons sont nombreuses, et si l'homme peut se montrer convaincant, pour le ministère public, il faut avant tout «protéger la société de ce genre d'actes et prononcer une peine qui tienne compte de son parcours et de son passé». Par passé, il faut comprendre son casier judiciaire, émaillé de condamnations pour vols aggravés, dans les années 80...
«Au bout du rouleau». Aujourd'hui, l'homme est rangé. Mais le procureur s'interroge sur son état mental. «Mon client n'est pas fou, assure son avocate, Marilyn Videau. Il était ce jour-là au bout du rouleau. Il n'a trouvé que ce moyen pour se faire entendre. Mais il n'a pas voulu faire de mal, il a même demandé que les lieux soient évacués.» Me Videau parle longuement de la galère de Michel Bayle, l'intérimaire. Tellement que la présidente finit par la couper : «Mon rôle n'est pas de trouver un emploi. Nous ne sommes pas non plus une tribune, nous sommes dans l'enceinte d'un tribunal correctionnel.»
Quatre mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l'épreuve avec obligation de soins. Après son jugement, la présidente lance : «Si tous les demandeurs d'emploi faisaient comme vous...»
(Source : SudOuest.com)
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