L'arrivée massive des premiers «baby-boomers» à l'âge de la retraite va priver les entreprises de forces vives expérimentées. Cet effet mécanique de la pyramide des âges devrait aller dans le sens du maintien dans l'emploi des «seniors» : 800.000 sorties annuelles du marché du travail pour les dix ans à venir, contre 500.000 en 2005. Pourtant, les entreprises qui licencient continuent de privilégier les départs des plus de 50 ans. Et celles qui embauchent ne sont pas pléthore. À près de 37% en France, le taux d'emploi des 55-64 ans est l'un des plus bas d'Europe. Et papy-boom ou pas, l'emploi des seniors est au menu du gouvernement pour 2006.
«Il y a là un vrai paradoxe», admet Charlotte Duda, présidente de l'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel (ANDCP), qui a réalisé en novembre dernier une enquête sur la gestion des âges auprès de trois cent trente-deux entreprises. La prise de conscience se fait très lentement. Une entreprise sur dix a mis en chantier une action spécifique en direction des seniors et 30% seulement des directions des relations humaines interrogées «ont l'intention de le faire».
«La réalité, admet Charlotte Duda, c'est qu'en France, on commence toujours sa carrière à 30 ans pour la terminer à 55. Le compte n'y est pas.» Les entreprises, montre l'étude de l'ANDCP, reconnaissent aux seniors leur expérience et leur capacité à transmettre leur savoir aux plus jeunes. Mais ces atouts, qui permettent tout au plus de justifier le maintien des emplois des plus de cinquante ans dans les entreprises en croissance, ne pèsent pas lourd face aux «freins» identifiés par l'ANDCP : le coût des seniors, les effets de la loi Delalande (qui met à l'amende les entreprises qui licencient les salariés de plus de 55 ans) et «la culture de la préretraite». «On s'est habitué à régler les problèmes de sureffectif en finançant des retraites anticipées. Pour mémoire, en 1974, des salariés de la sidérurgie ont été mis en retraite pleine à l'âge de 43 ans ! C'est cette culture qu'il va falloir revoir», poursuit Charlotte Duda, en repensant la formation tout au long de la vie, y compris pour les quinquas et les quadras qui se plaignent d'être oubliés.
Développer «l'esprit projet»
Les solutions esquissées dans le plan que présentera le gouvernement ce mois-ci, qui prévoit la création d'un contrat à durée déterminée de dix-huit mois renouvelable pour les plus de 57 ans et facilite le cumul emploi-retraite, concernent les salariés les plus âgés. Il s'agit d'amener plus tard à la retraite des salariés, et non pas des chômeurs. Mais rien, ou presque, n'est prévu pour remonter le niveau d'emploi des quinquas. Les libéraux les plus optimistes veulent croire que l'effacement programmé de la loi Delalande et l'assouplissement des procédures de licenciement provoqueront mécaniquement un mouvement d'embauche des seniors.
«C'est vrai que ce dispositif est dissuasif pour les sociétés à la croissance incertaine», commente Didier Cedile, directeur des ressources humaines de Raja, une entreprise de vente à distance d'emballages, qui parle de «frein à l'embauche pour les quinquas». Du côté des salariés, la CGT, qui n'a pas signé l'accord du 13 octobre 2005 sur l'emploi des seniors, estime «très grave de proposer la seule précarité en guise de fin de carrière pour tous ceux qui ont été exclus de l'emploi par les entreprises».
La possibilité de recourir plus largement aux contrats à durée déterminée constituerait «une première réponse», estime Charlotte Duda qui préfère parler de «souplesse» plutôt que de «précarité». Cette souplesse, pour la présidente de l'ANDCP, devrait s'appliquer aussi aux salaires : «L'introduction d'une partie variable complétant un fixe pourrait permettre de réduire la cherté des seniors.» Charlotte Duda en est convaincue, le variable n'est pas l'apanage des commerciaux et peut être défini pour tous les métiers. D'ores et déjà, cette pression sur les salaires s'exerce sur les plus de cinquante ans lorsqu'ils retrouvent un emploi : il n'est pas rare, observent les cabinets de recrutement, de voir les émoluments se négocier de 10 à 20% plus bas que le dernier salaire.
L'explosion du «consulting» chez les seniors est une autre indication de l'évolution de l'emploi. Devenir consultant ne s'improvise pas, avertit Charlotte Duda : «Cela fonctionne quand les cadres qui se mettent ainsi à leur compte ont une garantie d'activité, quand ils ont pu, par exemple dans le cadre d'un essaimage, négocier avec leur ancienne entreprise un pourcentage de prestations à assurer.» Si le contrat à durée déterminée n'appartient pas encore au passé, la nécessité de développer «l'esprit projet» s'impose déjà aux plus de cinquante ans. Et aux plus jeunes, qui vont devoir intégrer tôt cette nouvelle donne d'une fin de vie professionnelle à inventer, hors piste.
(Source : www.strategies.fr - 09/02/2006)
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