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Classe chômeuse, classe dangereuse

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Comme promis, place de la République à Paris, les «casseurs» ont offert le spectacle final de la manifestation du 28 mars. Mais quelle est cette jeunesse venue perturber la belle unité syndicale et citoyenne anti-CPE ?

Quelle est-elle, cette jeunesse dévastatrice?
La question est trop complexe pour prétendre y répondre avec toute l’intelligence et la modestie nécessaires, mais tout au moins ai-je vu de près ce jour-là cette partie de notre population. Voyageant en direction de la Place d’Italie autour de 14 heures, de très jeunes banlieusards s’étaient entassés dans une rame de métro de la ligne 5, où certains manifestants qui ont eu le mauvais destin d’embarquer à la même heure, ont été copieusement agressés, dépouillés, effrayés. La police nationale et de la RATP sont finalement intervenues à la station Quai de la râpée, juste après Bastille. Là, les voyageurs interloqués ont vu s’extraire de la rame une bonne centaine de jeunes pour avancer vers la sortie, d’une démarche solidaire et chaloupée. Dans les mains des expulsés, des téléphones portables dont certains à moitié cassés, des portes feuilles en cours d’exploration, des cartes bancaires muettes. Un butin dont la valeur possédait avant tout le goût de la vengeance stupide et aveugle.

Au croisement de deux mondes

A cet instant, deux mondes totalement inconnus l’un à l’autre se sont croisés. Avançant en colonne large et serrée, ces jeunes sont passés, la mine hilare et glorieuse, sous le nez des voyageurs sans leur jeter le moindre regard. Dans leurs yeux, la haine, le mépris mais aussi et plus dérangeant, la colère, le ressentiment, un désir terrible de révolte. Parmi les voyageurs à la fibre revendicative, l’envie première que cet étrange et dérangeant désordre social cesse au plus vite.

Une interrogation

Ici, point d’excuse au comportement de ces jeunes dont la moyenne d’âge ne dépassait pas les 17 ans. Comportement inadmissible et légitimement répréhensible. La répression, c’est peut-être la seule et dernière mesure d’égalité de traitement que l’on sait encore leur offrir. Non, point d’excuse ou d’évangélisme mais au lendemain de cette manifestation monstre qui s’est poursuivie par un rodéo entre casseurs et force de l’ordre jusqu’à 21 heures, place de la République : une interrogation.
Combien de temps encore laissera-t-on le feu de l’inégalité et de l’exclusion sociales couver, puis éclater de temps à autres, aux portes de Paris ? Faudra-t-il y construire des zones de rétention où la police retiendra cette population déchaînée le temps nécessaire à la colère légale de s’exprimer ? Où va-t-on, à tenter ainsi d’endiguer cette révolte primaire car inorganisée, abandonnée de toute bannière politique et laïque ? Combien de temps pourra-t-on tirer le rideau républicain sur les stigmates d’une population objectivement dangereuse et délinquante qui n’a semble-t-il rien à faire de la défense d’un réseau de solidarité dont elle ne bénéficie pas, ou ne voit pas dans quelle mesure elle en bénéficie tout de même ? Le chômage des jeunes ? C’est en banlieue qu’il sévit le plus sévèrement, sans compter celui de leurs parents. Chômeurs, fils de chômeur et bientôt petit-fils de chômeur...

La souffrance des "sans-travail"

Quel que soit le type de contrat, c’est du travail, de la dignité et du salaire qui en découlent, que ces jeunes réclament, voire sans plus le savoir. Un grand spécialiste du travail, l’ergonome François Danielou, a pour habitude de répéter que «la plus grande souffrance au travail est celle de ne pas en avoir». Combien a-t-il raison ! "Silence, on casse et on dépouille"...

Et pourquoi ces scènes d’agression sur le réseau RATP sont-elles si peu rapportées dans les médias ? N’aurions-nous aucune solution à proposer ? Ce vilain spectacle gâcherait-il par trop le beau tableau de la grande fête citoyenne, revendiquant un CDI pour tous, et comme disait ma mère, nous renvoyant à nos piètres ou impossibles revendications, un p’tit cheval et une voiture avec ?

Casseur et chômeur, même danger

Dommage que les patrons des centrales syndicales, que les membres des partis politiques n’aient pas pris le même moyen de transport que le nôtre pour se rendre à la manifestation. Peut-être alors auraient-ils mesuré toute l’urgence à se pencher vraiment sur le sort de cette classe chômeuse, de cette classe dangereuse. Un chômage et un danger qui ne peuvent, pour l’heure, que s’aggraver. Gare !

par Muriel Bastien pour AgoraVox

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Mis à jour ( Mercredi, 29 Mars 2006 18:12 )  

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