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Nicolas, le travail et les heures sup'

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«Libérez le travail», le slogan a fait fureur dans les années 90. Aujourd'hui Nicolas Sarkozy propose d'exonérer les heures supplémentaires de cotisations sociales. Est-ce bien raisonnable ?

«Il y a en France 3 millions et demi de travailleurs qui gagnent moins que le SMIC et qui ne demandent pour la plupart qu'à travailler plus. Il y a en France plus de travailleurs pauvres que de RMIstes». Lors de son discours à Agen le 6 juin dernier, Nicolas Sarkozy a dressé les contours de son futur programme économique «pour la France du travail». Le président de l'UMP a avancé l'idée «que toutes les heures supplémentaires soient totalement exonérées d'impôts et de charges sociales». L'initiative, reprise depuis par François Bayrou, figurera parmi la vingtaine de mesures «de première division» du programme de l'UMP. Travailler plus pour gagner plus - tout en créant de l'emploi - grâce à une ristourne sur les heures supplémentaires, cela peut-il marcher ?

Exonérations : combien d'emplois créés ? Si «on a tout essayé en matière de chômage», comme disait François Mitterrand, l'impossible a été fait en matière d'allègements de charges sociales. Depuis 1993, plusieurs dizaines de dispositifs de baisse des cotisations d'une durée moyenne de 18 mois se sont succédés. On en dénombre 46 en vigueur aujourd'hui. «Cela crée de l'instabilité pour les entreprises là où il faudrait des signaux pérennes» estime Yannick L'Horty, chercheur en économie à l'Université d'Evry et au Centre d'études pour l'emploi. Actuellement, l'ensemble de ces allégements représente un magot d'environ 23,6 milliards d'euros. Une fortune qui a quadruplé depuis 1999. Avec la mesure Sarkozy, la facture pourrait augmenter de 5 à 8 milliards d'euros, selon une estimation réalisée par le service économie de Marianne. Mais pour quels résultats sur l'emploi et les salaires ?

«Les études dont on dispose sont clairement contradictoires, la plupart d'entre elles sont biaisées», explique Arnaud Parienty, professeur agrégé de sciences économiques. «Elles posent a priori le postulat selon lequel une baisse du coût salarial a un impact très favorable sur le chômage». Les estimations sur le nombre d'emplois créés oscillent entre 150.000 et 500.000. Jean Gadrey, professeur émérite à l'Université Lille 1 et membre du Conseil national de l'information statistique note qu'«avec l'équivalent des exonérations sociales, on pourrait employer un million de personnes au salaire médian». 150.000 emplois à 500.000 emplois pour le prix d'un million, comme rapport qualité prix, on peut trouver mieux !
Yannick L'Horty parvient, lui, à un résultat un peu différent mais tout aussi édifiant. En se concentrant sur les 16 milliards d'exonérations exclusivement dédiées aux bas salaires, il estime que «ces allègements correspondent à une dépense de 20.000 euros par salariés qui pourraient financer 750.000 smicards». Certes, les études sur le nombre d'emplois créés ou «sauvegardés» à coup de ristournes sur le coût du travail divergent. Mais c'est la Cour des comptes qui a donné le coup de grâce à ces politiques, en écrivant noir sur blanc dans un rapport destiné à la commission des finances de l'Assemblée nationale à la fin du mois d'août dernier que «les exonérations de charges sur les bas salaires n'ont pas impacté significativement la politique de recrutement».

Coup de frein sur les salaires. Dès lors, si les allègements de charges ne créent pas suffisamment d'emplois, peuvent-ils redonner du pouvoir d'achat aux Français ? «Les craintes sont réelles que les allègements de charges sociales fonctionnent comme une trappe à bas salaires» rappelle Yannick L'Horty. «C'était particulièrement vrai pendant la période 1993-1996. A l'époque, un euro d'augmentation sur le Smic pour un salarié pouvait coûter 30 à 40 euros pour l'employeur». De quoi dissuader le patron le plus généreux. «Mais aujourd'hui ces seuils d'exonérations se sont étendus jusqu'aux salaires équivalent à 1,6 Smic. On est donc passé d'un seuil brutal à des exonérations dégressives».
Ces «réductions constituent surtout un frein à l'augmentation des salaires» note l'économiste. L'effet de trappe à bas salaires agit moins qu'il y a dix ans, mais la modération salariale touche une plus grande partie de la population. Et parmi eux, 38% des salariés qui gagnent moins d'1,3 Smic.

Effets pervers en cascade. Dans ce contexte d'austérité salariale, ces «Français qui ne demandent pour la plupart qu'à travailler plus» selon Sarkozy pourront-ils mettre du beurre dans les épinards ? «En France, 10% des actifs travaillent 50 heures par semaine. Favoriser les heures supplémentaires détaxées risque surtout de creuser les inégalités car ceux qui travaillent beaucoup travailleront probablement plus. Ce qui génèrera plus de travailleurs pauvres à temps partiel» prévoit Jean Gadrey. Ainsi les chauffeurs routiers, les cadres et tous ceux qui travaillent bien au-delà de 35 heures se verront peut-être proposer ou imposer des heures supplémentaires. Mais la caissière employée à temps partiel dans un hypermarché pourrait attendre longtemps d'hypothétiques heures complémentaires, toujours soumises à cotisations. Le rabais sur les heures supplémentaires exonérées incitera les DRH à servir en priorité les salariés à temps plein !

Toute aussi inquiétante, cette promotion sur les heures supplémentaires pourrait inciter les employeurs à proposer de petits arrangements qui ressembleraient fort à de la fraude fiscale. Un salarié réclame une augmentation de salaire ? Distribuer quelques heures supplémentaires fictives coûtera moins cher que d'augmenter le taux horaire. Certes, le nombre d'heures supplémentaires qui représentent aujourd'hui 1% de la masse salariale globale de la France exploserait. Mais sans aucun bénéfice pour la Sécu qui serait privée des cotisations des entreprises les plus dynamiques.

Dès lors, l'inquiétude entendue dans les rangs du courant de Pierre Méhaignerie et de son courant «Démocrate et populaire de l'UMP» prend un sens particulier. La partie «centriste de l'UMP» qui met en avant sa «fibre sociale» a pointé l'évident «problème d'équilibre des finances de la sécurité sociale» que cette mesure poserait lors de sa présentation du "Livre bleu pour 2007". Ce que les «sociaux de l'UMP» ne disent pas, c'est que chaque salarié malade pourrait payer les 100 premiers euros de remboursement de ses dépenses maladies pour renflouer les caisses de la Sécu, ainsi que le proposait Nicolas Sarkozy dans son livre "Libre".

En exonérant les entreprises, Nicolas Sarkozy, l'ancien ministre du Budget, se refait sur le portefeuille maladie des Français. Ces exonérations risquent d'être une des mesures fortes du programme économique de l'UMP qui sera prochainement transmis aux membres du conseil national. Une idée moins séduisante que son slogan : «Travailler plus pour gagner plus».

(Source : Marianne)

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Mis à jour ( Jeudi, 30 Juin 2011 23:25 )  

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