(...) Que représente vraiment l’ISF ? Le paiement de l’impôt de solidarité sur la fortune est l’une des questions fiscales les plus sensibles politiquement. La droite, dans une certaine mesure, n’a pas tort quand elle argue que cet impôt, finalement, ne rapporte pas grand-chose. Elle en profite alors pour avancer l’idée de sa suppression. Son rendement est effectivement faible. Du fait de nombreuses exonérations et niches fiscales, la collecte de l’ISF ne rapporte que 3 milliards d’euros au budget de l’État en 2005, soit moins de 1% des recettes fiscales (source : direction générale des impôts). En France, 394.518 redevables sont assujettis à l’ISF.
Le plus intéressant est de relever l’argument classique de la droite française. L’annonce médiatique de l’exil fiscal de Johnny Hallyday en Suisse avait arraché des larmes à Nicolas Sarkozy, le président de l’UMP expliquant que Johnny avait parfaitement raison car il «y a un problème en France» sur la fiscalité des hauts revenus. Le Parti socialiste est lui-même embarrassé : François Hollande n’a-t-il pas déclaré qu’il fallait que «l’ISF joue son rôle de cohésion sociale, sans pour autant favoriser l’évasion» ?
L’argument de la fuite des entreprises et des talents vers d’autres pays aux traditions fiscales plus accueillantes est une légende largement entretenue. Elle est d’autant plus entretenue que les partisans de la suppression de l’ISF sont incapables de sortir une seule étude sérieuse qui prouverait les dégâts économiques provoqués par l’ISF.
À ce propos, le SNUI (Syndicat national unifié des impôts) relève plusieurs points. D’une part, les biens professionnels sont exonérés. En ce sens, rien ne laisse donc penser que l’activité économique puisse être affectée par l’ISF (le Conseil des impôts, dans son rapport de 2004, «La concurrence fiscale et l’entreprise», ne dit pas autre chose). D’autre part, le rapport du sénateur Philippe Marini (UMP), intitulé «Impôt sur la fortune ; éléments d’analyse économique pour une réforme de la fiscalité patrimoniale», reconnaîtrait lui-même que les évasions fiscales sont limitées (0,12% des redevables de l’ISF en 2003). Par ailleurs, une étude de la DGI (années 1997 et 1998) soulignait que seulement 350 redevables de l’ISF partaient chaque année à l’étranger avec pour principale motivation la mobilité professionnelle et non le poids de la fiscalité. Le SNUI relève, sur la base du rapport du Sénat daté de 2004, qu’avec toujours 350 départs annuels et avec un nombre de redevables de l’ISF en augmentation, «la proportion de redevables à l’ISF qui s’exilent est mécaniquement passée de 0,3% à 0,12%».
Enfin, le SNUI souligne que, selon le rapport Marini de 2002, «70 dirigeants d’entreprise et environ 25 déclarants de biens professionnels exonérés s’étaient délocalisés. Les pertes de droits étaient estimées à 11 millions d’euros en 2002» (sur un produit global de 2,45 milliards d’euros !). Alors que la droite crie dans tous les médias que l’ISF ferait fuir en masse les entreprises, le rapport Marini indique qu’il ne lui a pas été possible d’évaluer les biens professionnels «délocalisés».
Avec de tels chiffres, autant dire que «l’exil fiscal» est une pure vue de l’esprit. Une telle fable rappelle les campagnes de communication des fabricants d’insecticide aux États-Unis : pour inciter les ménages à se ruer dans les magasins, ils avaient déversé dans les médias pendant plusieurs semaines la fable de ces guêpes tueuses qui allaient envahir l’Amérique du Nord. Espérons que la droite ne nous abreuve pas de ces légendes dont elle a le secret, notamment celle de ces entreprises qui déploient leurs ailes pour échapper au méchant dragon fiscal.
(Source : L'Humanité)
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