Un rapport accablant dénonce l'inflation du nombre de conseillers du gouvernement et de réunions interministérielles. Des dysfonctionnements "porteurs de risques politiques".
«Je ne peux pas répondre, cela fait partie de l'intimité du travail gouvernemental», avait coutume de dire le directeur de cabinet d'un ministre du gouvernement Villepin à chaque fois qu'un «curieux» un peu insistant voulait en savoir plus sur les décisions en cours d'arbitrage à Matignon. Traduction : passez votre chemin, il n'y a rien à voir... Rien à voir ? Pas sûr.
Le Conseil d'État et l'Inspection générale des finances se sont justement plongés dans les coulisses du gouvernement. Plus exactement, ils ont travaillé ces derniers mois sur la coordination du travail interministériel. Objectif : savoir si l'organisation qui a eu court depuis 1958 et jusqu'à l'année dernière et à laquelle Nicolas Sarkozy tente de remettre de l'ordre fonctionnait. Le verdict du rapport, qui a été mis en ligne en catimini mardi sur le site de la performance publique, est implacable : «Le travail de coordination connaît un emballement pathologique propre à la France», assurent les rapporteurs, ajoutant que les dysfonctionnements du système de décision publique sont «porteurs de risque politique».
Une maladie bien française. Trop de réunions interministérielles, trop de conseillers, trop de décisions prises sans l'avis du ministre : à force de vouloir trop coordonner, le gouvernement ne parvient plus à travailler. La pagaille semble être allée crescendo ces dernières années.
La qualité de la coordination du travail gouvernemental est pourtant primordiale. Plus le travail est cadré, plus la décision finale - quelle qu'elle soit - a toutes les chances d'être prise en toute connaissance de cause et ensuite d'être assumée par les responsables politiques... Convaincus qu'il s'agit d'une maladie bien française - en faire toujours trop -, les auteurs reviennent longuement sur les deux «symptômes» de l'emballement.
Trop de personnel ? Le premier : l'inflation du nombre de conseillers dans les cabinets ministériels. La tendance est connue, les données consignées dans le rapport le sont un peu moins. Les effectifs ont augmenté de 148% depuis 1958. Sous le troisième gouvernement Barre - le plus économe -, on comptait 5,3 conseillers par portefeuille ministériel, soit 200 au total. Fin 2006, le gouvernement Villepin comptait 652 conseillers ministériels, soit 20,4 par portefeuille. Et encore, c'est un minimum. En ajoutant les officieux (15% à 25% de plus selon les ministères), le gouvernement Villepin aurait employé jusqu'à 750 conseillers. Et le recours massif aux conseillers ministériels est loin d'être probant. Cela «ne signifie pas plus de politique mais plus de technique dans le traitement des dossiers» et, au final, un «déficit de vision stratégique». Sans compter la dilution des responsabilités et la multiplication des décisions que le ministre n'est plus en mesure de superviser.
Réunionite aiguë. Second symptôme : l'augmentation exponentielle des réunions interministérielles. Leur nombre est passé d'un millier par an au milieu des années 1990 à plus de 1.600 en 2006, indique le rapport, fort des éléments transmis par le secrétariat général du gouvernement. Au regard de la complexité croissante des problèmes à régler, c'est somme toute assez normal. Mais, les rapporteurs y trouvent à redire. Car, dans le même temps, le nombre de réunions associant les ministres - les vrais décideurs politiques - a fondu : de 70 par an au début des années 1980 à une quarantaine ces dernières années. Conséquence : «La coordination s'est donc éloignée des décideurs politiques.» De là à dire qu'ils maîtrisent moins la construction de la décision et donc la décision elle-même, il n'y a qu'un pas. Pour les auteurs, ces dysfonctionnements sont porteurs d'un vrai risque politique. Mais, ils se gardent bien de raconter par le menu l'histoire de fiascos politiques.
(Source : Le Figaro)
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