"Nous entendons les critiques sur le terrain. Mais nous pensions que les difficultés étaient similaires ailleurs. Nous ne nous attendions pas à un tel écart", constate Brice Maillé, directeur de la branche management de BPI. Seul un sondé français sur deux trouve un quelconque talent à son supérieur, et un sur trois l'estime très compétent, soit les taux les plus bas des dix pays considérés.
Signe d'inefficacité : la moitié des hiérarques ne fixeraient pas d'objectifs annuels précis à leurs collaborateurs, disent ces derniers. Ce qui est ressenti de façon négative. "Quand les objectifs ne sont pas clairs, les salariés ne peuvent améliorer au mieux leur performance et leur rémunération s'en ressent", explique M. Maillé. D'autant que "les salariés sont plus autonomes car le nombre de niveaux hiérarchiques s'est réduit depuis vingt ou trente ans; les managers ont donc plus de collaborateurs sous leurs ordres, dont ils sont souvent éloignés géographiquement".
PEU D'AUTORITÉ
En toute logique, ces salariés éprouvent peu de respect pour leurs managers et leurs consignes. Un Français sur deux reconnaît ne pas suivre les directives de son supérieur hiérarchique (seuls les Roumains font pire : 60% sont dans ce cas). Ces salariés peuvent agir ainsi sans souci, car les managers français font aussi preuve de peu d'autorité, celle-ci étant reconnue comme une qualité et non comme un défaut. Les pays dont les supérieurs hiérarchiques sont jugés les plus autoritaires sont aussi ceux où leurs subordonnés les trouvent les plus sympathiques. Ce qui est le cas aux Etats-Unis et au Maroc. "L'autorité est fortement valorisée aux Etats-Unis, où elle est ressentie comme une affirmation du leadership et une capacité à prendre des décisions. En France, on assimile volontiers autorité et autoritarisme, volonté de sanctionner (négativement)…", notent les auteurs.
Cette vision négative influe sur les comportements. Deux dirigeants français sur trois sont prêts à écouter les remarques de leurs collaborateurs, estiment ces derniers, score parmi les plus faibles des pays analysés. Un tiers seulement appuie son collaborateur quand celui-ci souhaite une augmentation de salaire, et moins d'un sur deux est prêt à l'aider pour lui permettre de progresser, ce qui place la France très loin derrière les autres pays.
Cette image très pessimiste se renforce avec les années et l'expérience. Plus les salariés sont âgés, plus leur mauvaise opinion s'accentue. Cette impression est aussi plus forte dans les grandes entreprises que dans les petites. Enfin, les dirigeants du privé ne sont pas mieux perçus que ceux des entreprises publiques ou des administrations, ce qui est une exception française.
Contrairement à une idée reçue, les pays où salariés et dirigeants entretiennent des relations amicales sont aussi ceux où ces derniers sont les mieux jugés. Ces défauts managériaux n'empêchent pas les grandes entreprises françaises de réaliser d'excellentes performances, mais elles sont de plus en plus le fait de leurs filiales et managers… à l'étranger.
(Source : Le Monde)
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