La question de la pénibilité a rebondi le mois dernier, accompagnant les débats sur les régimes spéciaux : on a souvent entendu dire que les cheminots ne méritaient pas leur retraite anticipée par rapport aux ouvriers du bâtiment. Alors, maintenant que les cheminots vont devoir s’aligner sur les régimes de retraites classiques, que fait-on pour les ouvriers du bâtiment ? «Un régime spécial», répond la CGT-Construction et son secrétaire général, Eric Aubin.
Réclamer un régime spécial de retraite pour les ouvriers du bâtiment alors que le gouvernement s’échine à faire tomber ceux qui existent déjà, c’est de la provocation ?
Il me semble juste de permettre à ces ouvriers de quitter plus tôt le monde du travail et de bénéficier d’une retraite comme les autres salariés : en bonne santé. Une enquête du ministère de l’Emploi a montré qu’en 2006 la pénibilité baissait en France… sauf pour les ouvriers (1). Dans le secteur du BTP, les taux de fréquence et de gravité des accidents du travail sont 2,5 à 3 fois supérieurs aux autres secteurs. Les accidents mortels battent tous les records : 208 en 2006, dont 48 concernant des intérimaires. Chaque jour travaillé, un ouvrier meurt sur un chantier. L’espérance de vie des ouvriers du BTP est inférieure de 7 ans à celle des cadres. Et cet écart se creuse. Côté patronal, on nous dit que la pénibilité a baissé grâce à la mécanisation. Mais le travail dans les intempéries ? Et les cadences ? Les pauses casse-croûte sont de moins en moins longues sur les chantiers…
Que faire ?
Monter des dispositifs qui permettent aux ouvriers de partir plus tôt à la retraite. Ils devraient être financés par les employeurs - une cotisation fixe assortie d’une cotisation variable en fonction des efforts de prévention menés - mais aussi par les pouvoirs publics. Aujourd’hui déjà, les risques sur la santé des salariés sont largement supportés par la collectivité : les Assedic financent les chômeurs qui ne peuvent retrouver un emploi à cause de leur usure, et l’assurance-maladie s’occupe des salariés arrêtés. Il faut aussi faire de la prévention, revoir l’organisation du travail. Dans notre secteur, un accord prévoit l’annualisation du temps de travail : un employeur peut faire travailler un ouvrier de zéro à 46 heures par semaine en fonction des commandes et sans devoir lui payer d’heures supplémentaires. Les 35 heures doivent devenir strictement hebdomadaires. Certaines entreprises - souvent les plus grandes - font heureusement des efforts de prévention. Mais les risques sont aujourd’hui transférés sur la sous-traitance. Les petites entreprises, qui ont des délais très serrés fixés par les donneurs d’ordres, trinquent sérieusement.
Pourquoi les négociations bloquent-elles ?
A entendre les employeurs du BTP, si le secteur était reconnu comme pénible, les jeunes n’y postuleraient pas. Or le bâtiment souffre d’une pénurie de main-d’œuvre. A la CGT, nous avons le raisonnement inverse : les cheminots ont souvent accepté leur travail parce qu’ils savaient qu’un régime spécial leur permettait de partir plus tôt. Dans le bâtiment, 54% des apprentis seulement restent dans le métier cinq ans après la fin de leurs études. Les emplois sont trop précaires, les salaires trop faibles (1.250 € net par mois, hors prime, en moyenne) et trop pénibles.
(1) L’enquête «Sumer» de la DARES (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail) est une enquête déclarative.
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