Ainsi, sur les quelque 23.000 chômeurs épinglés entre septembre 2005 et septembre 2006, on comptait environ 3.800 "bénéficiaires" de l'Allocation de solidarité spécifique, attribuée aux personnes en fin de droits qui, ayant travaillé (et donc cotisé) plus de cinq ans sur les dix dernières années, évitent le RMI et peuvent survivre avec moins de 15 € par jour => LIRE ICI.
Depuis, c'est l'omerta sur les chiffres : dans la presse, on ne trouve rien de plus précis sur la répartition des fameuses "sanctions graduées", qui peuvent s'étaler sur deux à six mois en fonction du "manquement" constaté (refus d'emploi ou de stage, recherche insuffisante…). Toujours selon Les Echos du 4 janvier dernier, dans un article intitulé Chômeurs : les sanctions en cas de refus de postes existent déjà, «le décret du 2 août 2005 sur le contrôle et l'accompagnement des demandeurs d'emploi a été précisé par une circulaire du 19 septembre 2005 du ministère délégué à l'Emploi, qui prévoit que les chômeurs refusant un emploi "compatible avec leur spécialité", "leur formation" ou "leur mobilité" peuvent voir leurs allocations réduites de 20% au premier refus. La réduction passe à 50% en cas d'un deuxième refus. Au troisième, les allocations peuvent être supprimées totalement. Le décret s'est traduit par un quasi triplement du nombre de sanctions à l'encontre des demandeurs d'emploi entre 2005 et 2006, passant de 7.200 à 24.800, selon les chiffres de l'Unedic.» C'est tout.
Il est tellement plus simple de s'attaquer aux faibles !
Voici le récent témoignage d'une chômeuse de longue durée à qui une inspectrice de la DDTEFP (Direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle) particulièrement zélée et inhumaine, certainement obsédée par les objectifs qu'on lui a assignés, vient d'amputer de 20% (soit plus de 80 €) son ASS (quelque 450 € par mois) sur deux mois, bien qu'elle ait suivi les stages/formations et accepté les petits boulots qu'on lui proposait, et bien qu'elle ait apporté des preuves de recherche d'emploi sur plusieurs années. Une décision totalement arbitraire qu'il est encore possible de contester en commission tripartite : mais combien de chômeurs, découragés et isolés, renoncent à ce droit ? Au moins 85%...
Visiblement, cette inspectrice semblait décidée à sanctionner tous les malheureux qui étaient convoqués ce jour-là. Mais quelle satisfaction professionnelle, quel plaisir personnel peut-on tirer à plonger des pauvres dans une pauvreté encore plus noire, rien que pour mériter son salaire ?
Avec 450 € par mois, comment financer correctement sa recherche (déplacements, ordinateur et abonnement internet, timbres, encre et papier…) tout en remplissant son frigo ? Avec 370 €, quelle "remotivation" peut-on réellement escompter ? Quelle "leçon" le demandeur d'emploi peut-il en tirer ? Comment va-t-il garder le moral pour retourner "se vendre" sur un marché du travail qui le rejette depuis des années ? Avec quoi va-t-il payer ses prochaines factures de téléphone et d'électricité ?
La banalisation de l'injustice sociale
On pense à l'expérience de Milgram où des sujets comme vous et moi, soucieux de bien suivre les instructions données par un décideur en blouse blanche, n'ont pas hésité à infliger des décharges électriques mortelles à de faux élèves pour les punir quand ils ne répondaient pas correctement aux questions posées. Comment les individus peuvent-ils concilier les impératifs de l’autorité avec la voix de la conscience ? Où commence la responsabilité individuelle ? Quelles sont les limites de l’obéissance ? Nous posons la question à tous ces contrôleurs munis d'un nouveau pouvoir, eux-mêmes contrôlés par leur hiérarchie : alors que la création d'emplois demeure insuffisante, que 80% des offres sont précaires et que la discrimination fait rage, est-ce en s'acharnant et en humiliant à ce point les plus exclus des exclus qu'on fera reculer le chômage ? Sûrement pas !
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