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Or, outre l'effet d'aubaine procuré par certains allègements de "charges", la nature des contrats de travail n'a jamais eu d'influence notable sur la création d'emplois décents, seule alternative sérieuse et durable au chômage. Mais aujourd'hui, tandis que la plupart des employeurs cultive le sous-effectif chronique, la majorité des emplois créés sont précaires (et le resteront) : intérim, CDD, autant de "périodes d'essai" qui n'en finissent pas de cultiver l'insécurité sociale pour les 150.000 salariés qui, chaque mois, retombent à l'Assedic à la fin de leur contrat, et pour tous les autres qui, bien qu'ils travaillent, ne peuvent pas faire de projets ni, parfois, simplement se loger.
A l'instar de nos actuels gouvernants (dont la prétendue lutte contre le chômage consiste essentiellement à faire… la chasse aux chômeurs), Laurence Parisot pratique l'imposture consistant à confondre "chômage" et "chiffres du chômage". Comme la cavalerie bancaire tronque les découverts, la "flexibilité" de l'emploi - avec son corollaire la précarité, dont Mme Parisot cultive le naturalisme - fera dans un premier temps baisser les chiffres. Mais certainement pas le chômage qui, lui, deviendra 100% récurrent.
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Commentaires
La fameuse maxime de Laurence Parisot dit l'abolition de la loi, qui réduit la précarité, au profit d'une prétendue "nature" pour le plus grand bénéfice de quelques-uns. Elle révèle aussi, à travers une étrange vision de la santé, de l'amour et du travail qui érige l'échec en loi, une sombre conception du monde humain où la fonction politique n'a pas pour fin l'émancipation, mais la normalisation et la génuflexion devant le seul dieu qui compte désormais : l'argent.
Le plus difficile dans cette affaire est de comprendre pourquoi de tels propos peuvent être tenus sans faire de vagues.
La remise en cause du droit du travail est devenue possible parce qu’elle ne suscite plus la réprobation de l’opinion. Pour que la loi puisse s’opposer au règne de l’argent, il faut en effet que les hommes soient intimement convaincus que l’argent est un faux dieu, c’est-à-dire désirent des biens d’un autre ordre, infiniment supérieurs. (…) S’il était vrai que l’argent est le mobile principal des hommes, le vol serait en effet justifié. Il serait même l’essence de la vie sociale. On ne s’étonnera pas qu’il ait fini, comme la triche, par ne plus être réprouvé. (…)
Naturalisme patronal
D’abord, le travail et la santé sont-ils précaires ? La santé n'est pas précaire s’il y a une sécurité sociale qui permet aux plus démunis de se faire soigner. Et en effet la «précarité» qui tient au fait que l’homme, comme tout être vivant, peut tomber malade, est combattue par la médecine : la loi «naturelle» de la précarité de la santé n’interdit pas d’appeler le médecin.
Rien n’interdit de mettre en œuvre une politique qui remédie à la précarité du travail, dans l’hypothèse où la précarité du travail serait analogue à celle de la santé, donc naturelle, comme le soutient Laurence Parisot. Certes, ces admirables artifices ne nous rendent pas immortels. Mais qu’une société ne soit jamais assez bien organisée pour que toute précarité disparaisse, cela ne veut pas dire que la société est par essence le lieu naturel de la précarité. Autant dire que la médecine est cause des maladies. Dans ces conditions il faudrait refuser de s’associer. On ne s’inscrit pas à un club de pétanque dont l’organisation rend précaire la possibilité de jouer aux boules : si elles ne font qu’entériner la précarité de la vie, les règles de la vie sociale n’obligent plus personne.
Pourquoi proférer pareille absurdité ? Pour nous faire croire qu’il est naturel que le travail soit précaire. L’homme est par nature un chômeur potentiel, de même que par nature il est mortel. La vie des hommes, même celle qui est rendue possible par le travail, est par sa nature précaire comme la vie en général dans le règne animal et végétal. L’homme de Laurence Parisot est un vivant qui non seulement ne peut comme les autres échapper à la loi naturelle et universelle des vivants, mais qui par dessus le marché doit ériger cette loi en principe social. Car cette prétendue loi de la précarité n’est pas d’abord une loi promulguée par les hommes, mais une loi naturelle. Il est vrai que si Laurence Parisot était conséquente, il lui faudrait avouer, comme pour la santé, qu’il est possible d’inventer un artifice qui corrige la nature. Mais le patronat veut que la loi civile épouse cette loi naturelle, ce qui revient à abolir tout droit : l’état de droit, en effet, n’a rien de naturel au sens où la maladie est naturelle.
C’est la précarité du travail qui est une maladie ! (…)
LIRE LA SUITE DE L'ANALYSE du professeur de philosophie Jean-Michel Muglioni. Répondre | Répondre avec citation |
Alors que syndicats et patronat ont repris, comme chaque vendredi, les négociations sur la "modernisation du marché du travail" avec, au menu du jour, la rupture du contrat de travail chère à Laurence Parisot, deux experts les invitent à «ne pas se tromper d’époque» dans le dernier numéro de la revue Droit social.
Jean-Yves Kerbouc'h, professeur de droit social, et Yves Chassard, économiste, collaborent en qualité respective de conseiller scientifique et de chef de département au Centre d'analyse stratégique. Dans leur article (qui n'engage pas le CAS), ils expliquent pourquoi «il y aurait peu à attendre d'une nouvelle réforme des contrats de travail».
Pour eux, «il devient urgent de garantir aux travailleurs une égalité des chances de reclassement quel que soit le contrat conclu». Il faudrait notamment, estiment-ils, «re-civiliser» l'usage du contrat à durée déterminée (CDD), qui pourrait être «autorisé sur une longue période» mais avec en contrepartie «l'obligation mise à la charge de l'employeur de former, adapter et reclasser» le salarié. Il faut aussi «consolider le droit individuel à la formation (DIF) en le rendant transférable (d'une entreprise à l'autre) au moins sous certaines conditions», conseillent les auteurs.
Pourquoi ? Parce que le marché du travail vit un retournement démographique majeur et que «les comportements des entreprises et des salariés vont devoir évoluer». Depuis 30 ans, analysent-ils, les entreprises ont profité d'une forte hausse de la population active (+ 150.000 personnes par an en moyenne entre 1974 et 2004) et pratiqué «une sorte de cueillette des qualifications» , tenant à l'écart une partie de la main d'œuvre non immédiatement utilisable ou discriminée. Mais, dans les 10 prochaines années, immigration choisie ou pas, la France aura au contraire des «difficultés de recrutement» qui pourront se traduire par «des tensions inflationnistes sur les salaires». Certaines qualifications se raréfieront et «dans les PME, la fidélisation des salariés deviendra un enjeu important de la gestion des ressources humaines», prédisent MM. Kerbouc'h et Chassard.
De ce fait, sachant que les dispositifs rigides étant «inévitablement contournés», plutôt que de réformer les contrats de travail, il y aurait avantage à rendre l'usage des CDD plus civil et à améliorer le reclassement des 130.000 salariés qui, chaque mois, arrivent en fin de CDD ou d'intérim dans le régime d'assurance chômage.
Séparation à l'amiable. Quant à la proposition patronale d'aménager les CDI pour instaurer la «rupture d'un commun accord» entre employeur et salarié, MM. Kerbouc'h et Chassard soulignent que «les risques de contentieux sont importants et sans doute sous-estimés». «Ceci conduirait à légaliser une possibilité de rupture demandée par l'un (l'employeur) et acceptée par l'autre (le salarié) si ce dernier se laisse convaincre par le montant de l'indemnité», relèvent-ils.
«La séparation amiable aurait certainement le mérite de mettre le texte de la loi en conformité avec la réalité de nombreuses pratiques de rupture, mais elle fait l'impasse sur l'essentiel : l'efficacité du reclassement du salarié», pointent-ils. Or le reclassement - et non pas l'indemnisation de la rupture - est la clé de tout, selon eux. Pour le financer, trois pistes sont possibles : obliger l'entreprise à le faire, demander à l'entreprise de payer quelqu'un d'autre pour s'en occuper ou, troisième solution préconisée par les auteurs, mutualiser des fonds et les répartir au niveau du bassin d'emploi ou d'une filière professionnelle . Répondre | Répondre avec citation |
Force Ouvrière et la CFTC ont annoncé lundi 14 janvier qu’elles signeront le projet d’accord finalisé vendredi sur la modernisation du marché du travail. Si au moins trois syndicats le paraphent, il sera retranscrit in extenso dans un projet de loi. La CFE-CGC se prononcera mardi, la CFDT jeudi. Mais, selon Francis Kramarz, directeur du Centre de recherche en économie et statistiques, qui avait plaidé dans un rapport en 2004 pour une réforme instaurant un contrat unique, ce texte reste insuffisant pour avoir des effets sur le chômage.
« J’aimerais pouvoir vous dire que ce projet d’accord va faire baisser le chômage, mais je suis extrêmement dubitatif. D’abord parce que certaines choses vont dans le mauvais sens. Ainsi, la possibilité de rompre le contrat de travail à l’amiable, qui donne droit au salarié de percevoir l’assurance-chômage, va se substituer à un grand nombre de démissions, lesquelles représentent tout de même 20% des sorties d’emplois chaque année. D’une part, ça va être désastreux pour les finances de l’Unedic et, d’autre part, ça ne va pas inciter les salariés qui démissionnent à chercher un emploi rapidement.
Ensuite, le CDD "à objet précis" pour les cadres va se substituer à beaucoup de CDI, ce qui sera mauvais pour les salariés, alors même que les entreprises n’y gagneront pas beaucoup en souplesse car c’est un CDD, par définition presque impossible à rompre.
Ensuite, les choses potentiellement intéressantes dans cet accord restent insuffisantes. Pour être significatif, l’allongement des périodes d’essai, crucial pour les PME, dépendra d’un accord avec les syndicats dans les branches et restera donc difficile à mettre en œuvre. Et la sécurisation des parcours professionnels ne va pas assez loin, notamment en matière de formation. Or, il aurait fallu commencer par là. Un système efficace serait un système où on protègerait d’abord les salariés fragiles, que ce soit les 15 à 20% de jeunes qui sortent chaque année de l’école sans diplôme, ou les salariés très peu qualifiés. Or, pour cela, il faut envisager des formations non pas de quelques dizaines d’heures, comme le fait l’accord, mais de plusieurs mois, voire plusieurs années.
Ensuite, une fois que les salariés sont bien formés et donc bien armés pour passer d’un emploi à un autre, on peut envisager d’assouplir les licenciements. Et là, la priorité, c’est de réformer le licenciement économique, en permettant aux entreprises de se restructurer en amont des problèmes. Car il ne sert à rien de maintenir les gens dans des emplois voués à disparaître, mieux vaut les armer par une formation adaptée pour retrouver un autre emploi. »
(Source : La croix) Répondre | Répondre avec citation |