Fin 2005, lui aussi avait fait rêver des centaines de milliers de futurs accédants à la propriété en annonçant des programmes de «maisons à 100.000 €». Donc à la portée de (presque) toutes les bourses. Cette opération permit à l’actuel ministre de l’Ecologie et du Développement durable d’occuper l’espace médiatique.
Flop. Mais en terme de politique du logement, son bilan est affligeant : en deux ans, seulement 500 maisons à 100.000 € ont été construites. Une goutte d’eau comparée aux 800.000 transactions immobilières réalisées annuellement par les ménages. «Des maisons à 100.000 €, beaucoup de gens sont encore en train d’en chercher», ironise Dominique Joly, directeur adjoint de la fédération des coopératives de HLM, acteurs historiques de l’accession sociale à la propriété. Même témoignages d’agents immobiliers ou de constructeurs qui ont, eux aussi, reçu des visites et des appels téléphoniques de ménages en recherche désespérée de cette introuvable maison à 100.000 €.
Pourquoi la maison Borloo a été un flop ? «Parce qu’elle s’affranchissait des réalités économiques propres à toute opération de construction qui comprend le prix du bâti et celui du foncier», répond un professionnel du secteur. Autrement dit, Borloo faisait simplement de la com’. «Les rares maisons à 100.000 € ont vu le jour dans des communes qui ont fait cadeau des terrains à bâtir.» Ces programmes pas chers ont souvent été réalisés dans des quartiers qui ont bénéficié d’opérations de renouvellement urbain. L’idée étant de retenir sur place les petites couches moyennes dans un objectif de mixité sociale. C’est ce qui a poussé quelques collectivités à offrir le foncier.
Tel n’est pas le cas de «ma maison à 15 € par jour», ouvragée sur papier au cabinet de Boutin. Ce prix d’affichage comporte bel et bien l’achat de la résidence et de sa parcelle. Ceci figure en toutes lettres dans la «charte pour la primo-accession en maison pour 15 € par jour» qui sera signée aujourd’hui au ministère par une foule d’acteurs du secteur : constructeurs, promoteurs, aménageurs, lotisseurs… Le logo de la charte est constitué d’une maison : les quatre murs sont illustrés avec un billet de 10 €, et le toit en pente avec un billet de 5 €. «Cette déclinaison du 15 € par jour pour ne pas dire 450 € par mois est une formule marketing bénie pour les promoteurs et banquiers», pointe une spécialiste du logement. Certes, mais au regard des prix actuels de l’immobilier, comment est-il possible de devenir propriétaire d’une maison en remboursant 450 € par mois ? Toute l’habileté des services de Boutin a été de développer un concept qui dissocie le coût du bâti et celui du foncier. Les accédants deviennent «propriétaires en deux temps», affirme la charte. Ils remboursent d’abord le bâti. Et lorsqu’ils ont fini, ils commencent à rembourser le prix du terrain. Entre-temps, le portage du foncier est assuré par les organismes collecteurs du 1% logement, dans le cadre d’un mécanisme appelé le Pass-foncier.
Détail. Le ministère parie sur la signature de 20.000 Pass-foncier par an, et donc autant d’opérations d’accession à la propriété en direction «des ménages dont les revenus net sont compris entre 1.500 € net et 2.000 € par mois». Les services de Boutin ont élaboré plusieurs fiches techniques montrant qu’il est possible à des ménages gagnant entre 1,5 et 2 smic par mois de devenir propriétaires en payant 15 € par jour.
Mais, si on lit les fiches dans le détail, on s’aperçoit que l’accédant devra rembourser 450 € par mois pendant 23 ans pour le bâti. Puis payer encore entre 250 et 410 € pendant 15 ans pour le terrain. Bref, on est vraiment chez soi au bout de 38 ans ! Un couple qui se lance à 35 ans, finira de payer à 73 ans. A condition de ne pas divorcer entre-temps. Certains considèrent que «Boutin refait sous une étiquette nouvelle le coup de la maison à 100.000 €». En remboursant 450 € par mois pendant vingt-trois ans, ça fait un bâti à 116.000 euros. Reste ensuite le terrain…
(Source : Libération)
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