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La crise financière mondiale qui a débuté l'été dernier a fait une victime collatérale : les retraités !

Le Fonds de réserve des retraites, créé en 2002 par Lionel Jospin, devait financer une partie des pensions de retraite à partir de 2020. Doté d'environ 30 milliards, ce fonds est essentiellement composé d'actions. Or, la Caisse des dépôts et consignations, chargée de gérer ce fonds, n'a pas anticipé la chute des cours et a maintenu ses positions malgré la crise financière. Résultat : le Fonds a perdu en trois mois 3 milliards d'euros.

En pleine polémique sur la fameuse cagnotte de l'an 2000 (des rentrées fiscales supplémentaires par rapport à ce qui était prévu), Lionel Jospin avait annoncé la création d'un Fonds de réserve des retraites pour financer les pensions à partir de 2020. Doté de plusieurs milliards d'euros, les fonds devaient être investis en actions et en obligations. L'Etat devait l'alimenter par le produit des privatisations. Lionel Jospin, Premier ministre à l'époque, avait prédit que le Fonds serait doté d'environ 300 milliards en 2008.

En réalité, ce fonds a été très peu alimenté par l'Etat, si bien qu'au 31 juillet 2007 il était doté de 34,5 milliards d'euros, soit dix fois moins que ce qui était prévu par Lionel Jospin. A ce rythme, le Fonds de réserve ne couvrira qu'un quart des retraites en 2020. A condition que les marchés financiers se portent bien...

Trois milliards de perte début 2008

Le Fonds de réserve est géré par la Caisse des dépôts et consignations, institution financière de l'Etat spécialisée dans les placements prudents. Or, les énarques chargés de gérer ce Fonds de réserve ont eu la bonne idée d'investir massivement dans des actions plutôt que des bons du trésor, moins rentables mais plus sûrs.

Lorsque la crise financière a commencé à se propager, la Caisse des dépôts et consignations a pris conscience du risque qu'elle avait pris. En l'espace de trois mois, le Fonds de réserve des retraites est passé de 34,5 milliards à 31,4 milliards d'euros. Le Fonds a perdu l'équivalent de 3 milliards d'euros.

La Caisse des dépôts a maintenu l'essentiel de ses positions et espère un rebond des marchés pour se refaire. Depuis sa création, le Fonds a grossi de 6% par an, les pertes de ces derniers mois n'ont donc pas totalement annulé les bénéfices de ces six années. Mais même si le Fonds mise sur des placements à long terme, la crise financière a montré les fragilités de ce type de montage financier.

Le gouvernement aimerait récupérer le reste du pactole

La perte de ces 3 milliards d'euros n'a eu aucun écho dans le reste de la presse. Ce Fonds est méconnu du grand public pour une raison simple : il ne doit servir à financer les retraites qu'à partir de 2020. Une éternité à l'échelle de la politique. D'ailleurs, selon Le Canard Enchaîné, malgré la perte de ces 3 milliards d'euros, le Fonds suscite la convoitise… du gouvernement. Dans une interview au quotidien La Croix (4 avril), Xavier Bertrand, le ministre du Travail en charge du dossier des retraites, s'est interrogé sur la pertinence de ce Fonds : "Le Fonds de réserve est prévu pour 2020, mais comment fait-on avant ?"

Le gouvernement travaillerait actuellement sur un montage complexe qui lui permettrait de récupérer tout de suite les 31,4 milliards d'euros. Face à des déficits publics incontrôlables, cette "cagnotte" pourrait permettre au gouvernement de baisser la dette publique dès 2009 et tenir ainsi ses engagements européens.

Pour récupérer cette cagnotte discrètement, le ministre des comptes publics, Eric Woerth, envisage de fusionner le Fonds de réserve des retraites avec la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Objectif de la manœuvre : supprimer ce Fonds de réserve utilisable qu'en 2020 pour récupérer de l'argent frais tout de suite. Quand au financement des retraites en 2020, le gouvernement verra ça plus tard. Il y a peu de chances que François Fillon soit toujours à Matignon dans 12 ans...

Isabelle Barré pour Le Canard Enchaîné du 9 avril 2008